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La
circulation de main d’œuvre en Europe
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Bruno LEFEBVRE
Professeur de Sociologie - Université de Nantes -
LESTAMP
Droits de
reproduction et de diffusion réservés ©
LESTAMP -
2005
Dépôt Légal Bibliothèque Nationale de France
N°20050127-4889
Bilan des
dernières recherches
Ces
dernières années peuvent se comprendre comme une transition
entre nos recherches sur les professions des industries
dites « de pointe » et l’étude des configurations sociales
et locales des populations. Après le bilan des recherches
menées au sein de la firme transnationale Schneider Electric
et des centrales nucléaires françaises (CNPE de Tricastin,
Toulouse, Poitiers, Dunkerque), nous avons investi dans la
région des Pays de Loire les Chantiers Navals de
l’Atlantique et l’Aérospatiale, en collaboration avec les
Comités d’Entreprise, les syndicats de salariés et les
directions du développement économique des districts
intercommunaux. Comme lors des recherches précédentes menées
dans d’autres régions de France, nous essayons de comprendre
comment les innovations techniques dans le domaine de la
production de marchandises ou de services et les
transformations de la politique de gestion de la
main-d’œuvre interfèrent sur les dynamiques de
requalification des salariés, les stratégies économiques des
entreprises et les manières de concevoir les organisations.
Il s’agit de comparer différents systèmes industriels pour
déceler les variations qu’ils induisent au niveau des
rapports sociaux, des relations à l’outil de travail et des
pratiques associatives en dehors du travail, dans l’espace
local et familial. Nous cherchons à évaluer dans quelles
conditions les savoir faire insérés dans un réseau
d’entreprises liées par la sous-traitance peuvent se fixer,
se générer, ou au contraire s’évaporer, et nous aimerions
maintenant tester ces recherches à l’échelon international.
Nous abordons désormais ces recherches sous l’angle de
l’analyse de la sous-traitance des techniques et des
emplois, que ce soit au niveau des donneurs d’ordres par le
biais d’une sociologie des organisations, au niveau des
petites ou moyennes entreprises sous-traitées par le biais
d’une anthropologie technique, juridique et économique,
jusqu’à l’étude des emplois précaires et du travail que l’on
appelle « au noir ». L’opération de recherche de type
ethnographique récemment terminée, privilégiant toujours le
terrain, sur la construction navale et l’économie informelle
(« quand le territoire informe l’économie ») menée en Loire
Atlantique, nous permet de comprendre comment s’instaure la
pérennité des pouvoirs locaux d’un point de vue politique,
et comment les populations recomposent leurs stratégies de
qualifications et d’accès à l’emploi. Nous avons créé un
séminaire mensuel et interdisciplinaire à propos de la
sous-traitance à la Maison des Sciences de l’Homme Ange
Guépin à Nantes, où se réunissaient régulièrement juristes,
historiens, sociologues, économistes, anthropologues des
pays de l’Ouest ou d’autres universités qui travaillent en
métropole dans les domaines européens ou extra-européens
ainsi que des étudiants nantais afin d’ouvrir et de croiser
les réflexions des spécialistes sur ce thème.
Parallèlement à ce travail de terrain, nous continuons à
restituer les résultats de nos recherches auprès des
universités françaises, des laboratoires, des collectivités
territoriales et autres institutions. Nous avons constitué
depuis trois ans un réseau (devenu un site d’information et
d’édition électronique «RESSAC » : Réseau en Sciences
Sociales et Actions Culturelles), réunissant des chercheurs,
universitaires, promoteurs d’Actions Culturelles, artistes,
muséographes, acteurs locaux, afin de réfléchir et de
proposer des perspectives de développement social et
culturel. Dans le même ordre d’action, nous avons contribué
à mettre en place un réseau national de Comités
d’Entreprises par l’intermédiaire des associations inter-CE
comme CCP (44), TECH (59), TOBIAC (13) destiné à coordonner
les initiatives dans le domaine des études, recherches,
manifestations à caractère culturel dans et sur le monde du
travail. Cet outil devrait jouer le rôle d’un observatoire
et d’un laboratoire concernant les entreprises françaises.
L’ouvrage « La sous-traitance, au coeur de la production »
(2002) est une synthèse de recherches menées en France
depuis une dizaine d’années. Il explore les soi-disant
nouvelles formes d’organisation d’entreprise, mais surtout
leurs incidences sur le monde salarial et les dynamiques
politiques des sociétés locales dans un contexte de
globalisation économique. Exemples issus de terrains
alternent systématiquement avec des propos plus théoriques.
On rappelle tout d’abord que la sous-traitance est un
phénomène très ancien qui organise la division du travail et
la répartition des richesses, mais elle n’a guère retenu
l’attention de la sociologie classique qui a pris comme
modèle de réflexion les organisations sidérurgiques du XIXe
et XXe siècle pour penser le travail. Elle consiste à
externaliser les risques financiers, juridiques, techniques
des donneurs d’ordres vers les sous-traitants. On traite
immédiatement l’exemple de l’entretien des réacteurs de
centrales nucléaires pour montrer que le risque maximum,
celui de mort ou de catastrophe, est supporté par les
salariés les plus précaires et les moins bien rémunérés, les
intérimaires. Ces inégalités socialement ressenties
favorisent la création de sections du Front National tout
autour des Centres Nucléaires de Production d’Energie. Une
approche méthodologique de l’entreprise qui doit allier un
principe d’efficacité à un principe de rentabilité dans le
cadre de conventions socialement acceptables au regard des
coutumes professionnelles et des juridictions nationales et
supra-nationales est ensuite proposée. L’histoire nous
montre que des organisations considérées comme les plus
modernes tirent leurs sources de rapports sociaux
pré-industriels, comme le secteur des transports routiers où
s’hybrident salaires, rémunérations à la tâche et
rétributions en nature dans un système de sous-traitance
généralisée connu sous le terme d’affrètement. L’entreprise
ne peut donc en aucun cas se concevoir comme une entité
autonome, mais ne se définit que par rapport à sa place
momentanée dans un réseau centré autour d’un ou plusieurs
donneurs d’ordres.
Le principe d’efficacité est abordé selon la longue
tradition de l’anthropologie technique (les intellectuels
détachés du monde matériel ont toujours tendance à
l’oublier) qui s’avère tout à fait pertinente pour examiner
les interfaces homme/outil informatisé menant entre autre
aux approches des sciences cognitives. Le principe de
rentabilité est celui de la sociologie du travail
classique : comment faire produire au moindre coût en
organisant et divisant les activités. Ces deux pôles de
l’entreprise peuvent être externalisés par transfert de
technologie et sites de production ainsi que par
remplacement de la main d’œuvre que favorise la libre
circulation des hommes et marchandises au moins en Europe.
D’un point de vue local, un important problème de
reproduction et de pérennité des savoir faire se pose alors.
On constate que des travailleurs de toutes classifications
dans des industries « de pointe » comme l’électrométallurgie
résistent à cette évaporation et reconstituent de manière
informelle des collectifs de travail. Le troisième pôle est
celui des conventions, élaborées en France par les
institutions d’accompagnement que sont les commissions
tripartites, contournées aujourd’hui sous l’influence du
droit commercial international. L’entreprise « minimale » se
constituerait donc d’une équipe de techniciens juristes et
financiers, toutes les autres activités étant sous-traitées.
L’enjeu des recherches que nous menons en sociologie ou en
anthropologie est donc de comprendre quels sont les modes de
coordination des entreprises entre les pôles technique
(efficacité), l’organisation du travail (rentabilité) et
celui des conventions (juridictions et finances). L’ouvrage
prend l’exemple de la construction navale dont le donneur
d’ordres s’estime être une « entreprise élargie » et influe
sur le gouvernement européen tout autant que sur les
politiques régionales. 600 femmes chômeuses provenant du
secteur tertiaire ont été formées localement afin de faire
baisser le coût des missions d’intérim ; cette opération a
été largement médiatisée sous le couvert d’égalité entre les
sexes dans le monde du travail. En bout des chaînes de
sous-traitance se trouvent les emplois précaires, les
chômeurs et donc toutes sortes de travaux « au noir », qui
échappent aux impôts. L’exemple du littoral autour de
l’estuaire de la Loire nous montre que depuis un siècle et
demi les investisseurs et entrepreneurs ont organisé le
territoire, avec des incitations à la migration, de manière
à se préserver un réservoir de main-d’oeuvre vivant de
l’économie informelle, des produits de l’agriculture, de
l’élevage, du bâtiment, et plus récemment du tourisme et du
folklore local, afin de « manager » les populations locales
et de stabiliser politiquement la région. Ce constat nous
mènerait vers une sociologie politique. Le dernier chapitre
du livre insiste sur l’abandon des populations à considérer
sérieusement, en tant que citoyennes, les implications ou
les dissolutions de la conscience de la division du travail
social pour promouvoir le localisme et le régionalisme.
Après cet ouvrage a été rédigée une critique des
méthodologies et techniques d’observation utilisées en
Sciences Sociales, que l’on n’avait guère développées dans
nos précédents écrits. « Le prêt à penser
sociologique » (2004) reprend des exemples d’enquêtes de
terrain menées depuis vingt-cinq ans et s’interroge sur les
conditions de production de connaissances par le biais de
recherches publiques ou privées. On y analyse les effets des
commanditaires, financeurs de recherches, sur les
constructions de « problématiques » et les stratégies
d’obtention d’un principe d’argumentation commun entre
anthropologues, sociologues, économistes, juristes avec ces
financeurs. La plupart du temps, on prévoit ou on estime
lors du montage de ces opérations d’intervention et de
recherche les coûts et bénéfices des opérations de
restitution et de mises en scène par le biais des
télévisions, inter ou intra-net, les vidéos, expositions,
colloques, publications et conférences. A partir de cette
mise au point, nous visons à contribuer à une Sociologie des
Sciences Appliquées, projet futur.
Projet :
La circulation de main d’œuvre en Europe
Nos projets de recherche actuels s’orientent vers les
problématiques de la circulation de la main d’œuvre en
Europe dans le domaine industriel et celui des transports de
marchandises, les réseaux étant souvent les mêmes. A partir
de nos observations et de nos enquêtes sur le chantier naval
de St Nazaire (44), nous nous proposons d’étudier :
> Les logiques industrielles qui organisent la circulation
de la main d’œuvre en Europe.
> Les politiques des Directions des Ressources Humaines qui
s’en suivent.
> Les conditions de vie, de travail et de rémunération de
cette main d’œuvre.
Nous avons déjà repéré plusieurs réseaux de sous-traitance
d’entreprises centrés autour du donneur d’ordres qu’est le
chantier de St Nazaire (44) géré par Alstom Marine, et
identifié un certain nombre de réseau d’entreprises entre
différents pays. Par exemple :
- Angola – Portugal – Benelux – France
- Inde – Moyen Orient – Inde – Italie – France
- Pologne – France
Ex – pays de l’Est – Allemagne – France
- Pays des Balkans – Italie – France Etc…
Le projet est, dans le cadre d’une recherche en
anthropologie industrielle, d’enquêter auprès de ces
entreprises-relais, maillons de chaînes opératoires. Nous
disposons aujourd’hui de bon nombre de collaborateurs et ce
travail sera le moyen de constituer un réseau européen de
chercheurs en sciences sociales, de syndicalistes et autres
acteurs impliqués dans la vie sociale et économique. Des
rencontres seront prévues.
Perspectives de travail et résultats attendus
Nous repèrerons les entreprises sur le sol français faisant
appel à de la main d’œuvre étrangère par l’intermédiaire de
la fédération des Unions Locales interprofessionnelles, des
Unions départementales et régionales, d’un réseau de 400 CE
et CCE réunis autour des associations déjà mentionnées CCP
(44), TOBIAC (13), TECH (59) qui sont implantées dans les
grands sites industriels français au Nord, au Sud et à
l’Ouest de la France, et nous pouvons compter sur nos
collaborations avec des chercheurs et enseignants des
Universités de Nantes, Brest, Rennes, Tours, Toulouse,
Dunkerque, Paris, Lyon, Marseille, Bruxelles (ULB), Lisbonne
(UNL). De nouveaux contacts seront noués avec d’autres
collègues européens. Il s’agit d’enquêter et de prendre le
plus de renseignements possibles sur ces entreprises, par le
web, mais aussi par entretiens avec les salariés et
responsables et au moyen d’observations directes, ce qui
suppose un nombre certain de déplacements en France et en
Europe. Nous lançons un appel à nos collègues étrangers pour
pouvoir disposer de quelques informations sur des
entreprises dans les ex-pays de l’Est et dans les pays
méditerranéens. Notre engagement comme conseiller
scientifique dans le MSST programme « Meaning and values of
work. The case of the immigrants in Portugal » aux côtés de
Jorge Crespo, Manuel Lisboa, Emilia Margarida Marques, Ana
Sofia Costa (CEEP/FCSH/Universidade Nova de Lisboa) devrait
nous permettre d’identifier les circulations migratoires des
Africains, Brésiliens et résidents de l’ex-URSS vers la
« Vieille Europe ». Des amorces de coopérations avec les
enseignants et chercheurs de Napoli et Lecce en Italie du
Sud que nous entendons poursuivre visent à investir les
réseaux de PME et les échanges de main d’œuvre et de
marchandises entre l’Italie, la Roumanie et la Slovénie.
Nous pensons procéder de même pour explorer l’Europe du
Nord.
Le corpus réalisé nous permettra de préciser les dynamiques
des réseaux de main d’œuvre sous-traitée déjà identifiés,
d’analyser les politiques industrielles et d’entrevoir la
constitution de ce que l’on nomme déjà « l’Europe sociale ».
Les réseaux de circulation de main d’oeuvre que nous avons
repérés sont-ils stables ou changent-ils à chaque gros
chantier en Europe ? Des experts en économie et juridiction
européennes seront consultés. Ce type de projet s’appuie sur
une connaissance des juridictions internationales,
européennes et nationales dont on trouve les principales
références en encadré à la fin du texte, ainsi que sur les
recherches récentes des sociologies dédiées aux
organisations, entreprises, fédérations et syndicats de
salariés ou d’entrepreneurs interpelées par les questions de
l’emploi et du travail. Pour l’instant, nous considérons que
les juridictions et jurisprudences issues de l’OMC, de la
EEE, les accords bilatéraux entre la France et la Pologne,
comme dans d’autres pays Européens, des articles III, (en
particulier des III-32-33 –52TEC-53TEC- ou III-108 – 141TEC)
laissent un vide juridique suffisamment béant pour justifier
de l’observation directe des divisions du travail dans les
domaines de la pêche hauturière en Bretagne (3000 marins
polonais payés en nature) ou de la viticulture et de la
production agricole dans le Sud-Est de la France. Bien
évidemment, nous bénéficions des témoignages des Inspecteurs
du Travail pour autant que leur hiérarchie ne nous interdise
pas de les rencontrer.
Du point de vue d’une sociologie générale, nous avions
affaire jusqu’au début des années 70 en France à une
immigration ordonnée (voir les travaux de notre collègue et
ami Abdelmalek Sayad (19../98), lorsque l’Etat pouvait fixer
la quantité de main d’œuvre immigrée pour les entrepreneurs
moyennant le financement de leur intégration sociale,
familiale et institutionnelle, les institutions françaises
ayant sur cette question devancé à cette période celles de
Belgique ou d’Allemagne. Désormais, les dérégulations des
marchés du travail régionaux, nationaux ou continentaux font
apparaître des circulations migratoires[1] « d’immigrés sans
immigration », des travailleurs saisonniers, le droit
commercial international entre entreprises devenant la
référence principale et mettant en concurrence les coûts des
conventions salariales nationales. Il n’est pas prévu dans
ce projet d’évaluer comment les différents groupes
politiques nationaux et les différentes politiques
nationales vont s’accommoder ou non de cet état de fait
entre leurs électeurs et la « concurrence libre et non
faussée (…) de la circulation des personnes, des services »
(Art I-3 et I-4 de la Constitution Européenne). Il est
possible que de nouvelles circulations migratoires que nous
observons en direction de l’Est vues de la « vielle
Europe », d’Inde, du Moyen Orient, de Chine influent plus ou
moins avec les circulations des citoyens européens,
recomposant ainsi un territoire économique beaucoup plus
dynamique que le mouvement lent et sage de nos institutions.
Après un bilan national de la situation de ces travailleurs
en déplacement, car il ne s’agit guère de projets de
migration de leur part, ( les contrats de travail sont de
trois mois, mais certains sont renouvelés jusqu’à plus de
trois ans), nous organiserons des rencontres, colloques et
publications entre les différents partenaires ayant
participé à l’opération, et des conventions pourraient être
signées. Un certain nombre d’institutions nationales et
européennes devraient être intéressées.
Quelques observations 2000/03
Aux alentours de St Nazaire, toutes les nouvelles formes
d’emploi sont systématiquement testées lors des périodes de
construction de navires. Outre le contrôle relatif du coût
de la main-d’œuvre intérimaire locale, les donneurs d’ordres
principaux, Chantiers Navals et Aérospatiale, ont fortement
exigé et mis en place des regroupements d’employeurs chez
les sous-traitants, le développement de sociétés de portage
ainsi que le développement du travail à temps partiel
partagé entre plusieurs employeurs. Ces prestations de
service permettent au donneur d’ordres de maîtriser les
coûts de recrutement, d’adaptation, de formation, de rupture
de contrat, de réorganisation du travail, et éventuellement
de « remotivation » du personnel. Les firmes donneuses
d’ordres se nomment volontiers depuis quelques années
« systèmes intégrateurs », pour dissimuler les coercitions
qui pèsent sur les sous-traitants ou « partenaires ». On
parle parfois aussi « d’entreprises élargies » ou
« d’intégrateurs locaux ». Le gel des embauches et les
stratégies qui consistent à faire baisser localement le coût
des missions intérimaires coïncident avec le renforcement du
contrôle des sous-traitants par le biais des normes ISO, des
chartes de qualité, de l’intervention des donneurs d’ordres
dans les systèmes de formation des subordonnés.
Sur les Chantiers, on dénombre une quinzaine de conventions
collectives différentes. Les horaires de travail sont
éclatés ; toutes les demi-heures des équipes terminent leur
journée, et l’objectif des syndicats et Comité d’Entreprise
serait de faire assurer les conditions d’hygiène et de
sécurité, harmoniser les conditions de travail pour les
étrangers, et identifier tous les types de contrats de
travail. On sait que le personnel extérieur n’est jamais
suivi par la médecine du travail, alors que pour certains
types de soudure, des analyses d’urine doivent être
effectuées régulièrement. Il est extrêmement difficile
d’obtenir des photocopies des fiches de paie : seuls les
portugais et les italiens acceptent de les montrer
lorsqu’elle sont en accord avec le droit européen. Les 640
entreprises sous-traitantes qui interviennent aux Chantiers
emploient 80% d’ouvriers précaires, en CDD, en intérim, ou
en CDIC (Contrat à Durée Indéterminée de Chantier). Ce
dernier contrat est une dérogation au droit du travail pour
le BTP depuis les années 70, mais il n’est pas légal dans le
secteur métallurgique. Dans la construction et réparation
navales, on retrouve sa pratique sur les sites de Cherbourg,
au Havre, à Brest. Les entreprises françaises recrutent leur
personnel sur place, quelle que soit la région
d’implantation, puis on transfère les équipes sur le
chantier. Il est peu contraignant puisqu’il ne prévoit pas
de prime de précarité comme l’intérim, ni de prime de fin de
chantier. A n’importe quel moment, le contrat peut être
rompu dès lors qu’une tâche est terminée : ceci contraint la
main-d’œuvre à une forte discipline ; elle peut être
déplacée à tout moment de chantier en chantier et
d’éventuelles revendications sont interdites.
Les tâches et travaux de nettoyage, gardiennage, bureaux
d’études, plasturgie, bois mobilisent traditionnellement
plusieurs centaines d’intérimaires, mais on a pu observer
que dans les entreprises sous-traitantes employant entre 200
et 400 salariés, 1/3 ou parfois 2/3 des ouvriers avaient
signé de tels contrats. La direction des Chantiers a
toujours refusé que des locaux soient mis à disposition de
la main-d’œuvre à l’intérieur de l’enceinte. Réputée à
gauche (socialiste), la municipalité, de son côté, reste
sourde à de telles demandes syndicales. Officiellement
(d’après les sources syndicales en 2002), les effectifs de
la main-d’œuvre étrangère sont d’environ 2000 salariés,
dont:
280 Portugais
160 Italiens
200 Allemands
75 Anglais
20 Espagnols
60 Polonais
120 Croates
un nombre indéterminé de Roumains
150 Hongrois
200 Grecs
45 Danois
25 Finlandais
20 Hollandais
20 Norvégiens
10 Autrichiens
Quelques Belges
100 Sénégalais
400 Indiens, 600 en 2003
60 salariés de l’armateur américain
Un dénombrement exact de ces travailleurs est malaisé, car
cela varie selon les trimestres, et les déclarations à la
Direction Régionale du Travail, les badges d’entrée sur le
chantier, les permis de travail pour les salariés
extra-communautaires ne coïncident pas. Nous avons
photocopie de fausses carte de séjour. Les horaires
hebdomadaires sont fréquemment de 55 heures, mais les Grecs
sont réputés pour travailler jusqu’à 70 heures par semaine.
Le syndicat CGT de l’Union Locale Interprofessionnelle ne
peut réellement entrer en contact avec les salariés que
lorsque de graves problèmes se posent, comme ces équipes de
Polonais qui dormaient et mangeaient à bord des navires en
construction, n’ayant pas trouvé de logement à l’extérieur
ou n’ayant pas les moyens de louer des chambres, ou encore
comme ces Lithuaniens, salariés d’un sous-traitant du
Luxembourg, qui n’avaient pas été payés pendant cinq mois.
Un problème similaire s’est posé avec la main-d’œuvre
indienne, salariée de sous-traitants italiens, qui venant de
Bombay pour effectuer des travaux de sablage et soudure, n’a
pas été payée pendant les mois de février et mars 2002, mais
il semble que ces situations de non paiement aient été
résolues. Lorsque des fraudes sont flagrantes, le
remplacement de la main-d’œuvre est rapide.
Les entretiens se sont déroulés en allemand avec les Slaves,
en anglais avec les Asiatiques, en français avec les
Africains, les Italiens et les Portugais. La plupart ont
signé des contrats de trois mois, renouvelables, avec leurs
employeurs et la description des conditions de travail et
situations de logement est fort variable, les petites
entreprises de 30 salariés se souciant fort peu du mode de
vie de leurs ouvriers. Les tracts syndicaux sont rédigés en
français, italien, portugais depuis deux ans. Les délits de
marchandage de main-d’œuvre française sont sévèrement
traqués par l’interprofessionnelle. Mais l’inspection du
travail locale ne signale pas le départ des équipes de
salariés, et lorsque l’on suspecte ou découvre un délit au
droit du travail, il est très difficile de retrouver les
équipes, rapidement déplacées sur d’autres chantiers en
France, au Havre, ou dans les raffineries du Bassin
Parisien,…
Les équipes d’ouvriers sont généralement logées dans des
gîtes ruraux autour de l’agglomération ou dans les
mobil-homes des campings municipaux, pendant l’hiver. Des
centres de vacances municipaux, des colonies de vacances,
des clubs de voile et même des structures comme VVF
(Villages Vacances Familles) gérées par la CFDT,
rentabilisent également leurs infrastructures de loisirs de
cette manière pendant l’hiver. Pendant la période
touristique d’été, les équipes doivent trouver d’autres
lieux pour se loger. Les grosses entreprises sous-traitantes
ont carrément acheté des maisons pour loger leurs équipes.
Mais c’est souvent aux responsables des groupes d’ouvriers
étrangers souvent nommés « chefs d’équipe » (par carence de
traduction, en fait des chefs qui veillent sur la
discipline) de trouver des logements ; ils sont responsables
des délais, de la qualité du travail, du comportement des
ouvriers et de la vie hors chantier. Aux alentours des
Chantiers et à St Nazaire, aucune chambre, d’ailleurs louée
fort cher (entre 300 et 450 Euros par mois), n’est plus
disponible. Il est fréquent que les ouvriers apportent leur
casse-croûte pour la journée, et mangent à bord ; ils n’ont
pas de vestiaire à leur disposition. Certains Polonais ont
été suivis et on s’est aperçu qu’ils dormaient à plusieurs
dans des caves, sans eau chaude, les matelas posés à même le
sol. Une « barge-hôtel » devrait être prochainement amarrée
sur le port pour résoudre cette pénurie de logement.
Mais le souci principal des syndicats est le projet de
délocalisation de la finition des navires dans un port
d’Italie du Sud. Les Chantiers de St Nazaire ne
fabriqueraient plus que la coque, et les finitions
(machinerie, habitat, aménagement intérieur,…), qui sont
aujourd’hui sous-traitées sur place, s’effectueraient
désormais sur le port de Manfredonia, dans les Pouilles,
région de l’Italie connue pour sa pauvreté et sa
main-d’œuvre albanaise et kurde bon marché. Les
sous-traitants européens et sous-traitants des Chantiers
travailleraient alors là-bas. Ce port de 100 ha avec 10.000
m2 d’atelier, qui travaille déjà pour St Nazaire, très bien
équipé dans une région déserte, pouvant recevoir des navires
de tous tonnages, a déjà prévu le logement, le
ravitaillement et l’intendance quotidienne en alimentation
des futurs travailleurs. Par exemple, 25.000 tonnes de
grains de blé peuvent être livrés quotidiennement et l’on
envisage de pouvoir en transformer une partie sur place. Les
industriels désireux de s’installer et de créer des emplois
pourront bénéficier d’avantages fiscaux et sociaux de la
Communauté Européenne.
A St Nazaire, les équipes d’ouvriers étrangers qui terminent
leur journée sont attendues par des centaines de minibus qui
les conduisent directement vers les supermarchés discount de
l’agglomération, puis vers leur logement. Bus et minibus
sont rarement de location française. Quelques-uns, comme
ceux des Portugais, sont aux couleurs de l’entreprise
nationale, mais souvent les agences de location sont
allemandes, de Munich pour les Croates et les Hongrois, d’ex
Allemagne de l’Est pour les Polonais. Ainsi les groupes de
travailleurs étrangers ne se rencontrent jamais et restent
très discrets dans l’agglomération. Pendant la journée, les
bars autour des portes du chantier sont fréquentés par des
artisans sous-traitants, des salariés français de
sous-traitants, et parfois par des ouvriers portugais ou
italiens qui semblent jouir de conditions de rémunération
supérieures aux autres. Les équipes de BTP de toutes
spécialités (peinture, plâtre, isolation, menuiserie,…) qui
rénovent ou construisent de nouveaux immeubles à St Nazaire
destinés à accueillir des populations de futurs cadres,
viennent de 300 km à la ronde (Brest, Rennes, Tours,…) mais
elles ne fréquentent jamais la population des Chantiers et
se rassemblent à midi dans d’autres restaurants qui
proposent des menus ouvriers.
Autour des chantiers, de nombreux bars ont réouvert, voire
remplacent d’anciens ateliers de réparation de bicyclette
par exemple qui avaient fait faillite il y a 10 ans. Le
personnel, les patrons et les serveuses, proviennent du
bassin d’emplois, dans un rayon de 30 km. Les intérimaires
locaux, dont 3.000 sont au chômage, résident à St Nazaire ou
dans le bassin d’emplois, depuis au moins cinq ans. Ils
proviennent pour les Français de la région, mais également
des Chantiers Navals qui ont fermé comme ceux du Havre,
Cherbourg ou Dunkerque. On trouve également un gros
contingent d’ouvriers du Sénégal, du Burkina Faso et trois
familles du Shri Lanka qui ont fait venir femmes et enfants.
Ces intérimaires étrangers n’ont guère noué de sociabilité
locale mais fréquentent assidûment leurs connaissances et
leurs « cousins » résidant dans les métropoles françaises.
« L’intérim, ça dépend, c’est entre 40 et 58F de l’heure.
Moi je suis serrurier, j’ai fait des études, mais les gens
du Burkina, ils ne parlent pas, ils restent entre eux. Les
Indiens, ils sont payés 30F de l’heure, et ils font un
boulot de merde : ponceur, tuyauteur… C’est les Chantiers
qui les ont fait venir directement. Dans les équipes, on est
tous mélangés. Il y a à peu près deux Français des Chantiers
pour vingt ouvriers étrangers en sous-traitance. » (2
Sénégalais intérimaires résidant localement depuis 1997).
Les 150 ouvriers hongrois proviennent de trois entreprises
de Budapest. L’entreprise la plus petite, qui a placé 30
salariés sur les Chantiers, est spécialisée dans
l’isolation. Les techniciens les plus qualifiés gagnent
1.100 € par mois, mais ne bénéficient pas de primes de
déplacement, ni de logement, car leurs employeurs ont
investi dans l’immobilier et ils les logent. Les voitures de
l’entreprise tombent régulièrement en panne, et ils doivent
les réparer à leurs frais. Ils semblent les plus
revendicatifs de tous les étrangers que nous ayons
rencontrés.
« Les Chantiers, überscheise ! »
(C’est la grosse merde !) Très peu restent pendant deux
contrats, c’est-à-dire six mois de suite.
Les Allemands de l’ex-RDA, également spécialisés en
climatisation, semblent mieux lotis et mieux payés puisque
certains vivent depuis 4 ou 5 ans dans les mobiles homes du
camping de Pornichet.
Les Indiens ont souvent travaillé dans les Emirats
Arabes-Unis et proviennent à partir de Bombay du nord ou du
sud de l’Inde. Musulmans, Indouïstes et Chrétiens font bon
ménage. Ils sont répartis entre plusieurs entreprises de
sous-traitance d’une soixantaine de salariés, gagnent 300
Euros par mois, car on leur déduit 400 Euros d’hébergement
sur un SMIC (1052 Euros), et les frais d’alimentation sont à
leur charge : il leur reste le triple de ce qu’il
gagneraient au Pays. Ils sont ramassés à la fin de leur
journée par de grands bus de 50 places qui les dispersent
dans l’agglomération, jusqu’à Nantes. Contrairement à leur
réputation, et aux rumeurs colportées par les autres
ouvriers, ils semblent heureux de s’exprimer avec nous et,
disciplinés, sont très peu critiques en public par rapport à
leurs conditions de travail. Comparés aux autres ouvriers,
leurs bleus de travail semblent très propres ou flambant
neufs, et à la différence des autres, ils les revêtent toute
la soirée. Lorsqu’un paquebot est en réparation, le
personnel navigant pakistanais, indochinois et coréen
(rémunéré 200 Euros par mois), qui ne possède pas d’autres
vêtements, agit de même.
Les Portugais, d’une entreprise de Porto, ont également
fréquemment travaillé en Angola, en Belgique et en Hollande.
Poly-spécialisés, ils gagnent le double du salarie minimum
portugais, et touchent en liquide 640 € tous les quinze
jours pour leurs frais de logement et d’alimentation. Leur
« chef d’équipe » leur a trouvé au camping de St Brévin des
bungalows avec chambres et cuisine. Ils dorment à deux ou
trois par chambre, fréquentent les bars aux alentours des
Chantiers pour boire de grands bocks d’un ½ litre de vin
avec des glaçons. Ils semblent heureux de leur situation et
communiquent facilement avec les Français et les serveuses.
Les Portugais ne fréquentent cependant pas les Italiens qui
pourtant affichent des comportements semblables. Ces
derniers viennent de Sicile, sont salariés de petites
entreprises à Gênes et sont soudeurs sur inox. Comprenant
bien le français, ils sont dispersés dans les équipes de
travail plurinationales. « Ca se passe bien, c’est très
gentil. » Ils logent dans des maisons repérées par le
chef d’équipe, mais sont rémunérés au forfait, le salaire et
les primes sont indifférenciés.
La circulation de travailleurs de toutes nationalités sur le
chantier donne l’impression que ce chantier de St Nazaire
est situé au cœur de l’Europe, voire du Monde, mais on peut
se poser la question de la légalité de leur présence. La
Délégation Interministérielle à la Lutte contre le Travail
Illégal (DILTI) constate que des opérations de détachement
de salariés en France s’avèrent couvrir des pratiques de
prêt illicite de main-d’œuvre, à moindre coût et dans le non
respect du droit social en ce qui concerne les salaires
minimum, les durées maximales de travail, les temps de repos
minimum, les conditions d’hygiène et de sécurité[2]. Les
entreprises sous-traitantes étrangères qui interviennent à
St Nazaire devraient adresser une déclaration de présence
aux services de l’Inspection du Travail, ce qui semble
n’être pas systématique puisque 85% ne le fait pas, et l’on
constate par ailleurs un mutisme prudent de la part de
l’administration, des directions du chantier, des
municipalités et propriétaires des campings ou des
immeubles. Les articles de presse que le syndicat a fait
paraître, notamment dans le Canard Enchaîné, n’ont guère
suscité de réactions et la population nazairienne garde le
silence.
Probablement sous l’effet du travail syndical sur le
Chantier, en mars 2003, 250 Indiens débrayent et manifestent
en ville, suivit ensuite par une centaine de Roumains et
vingt-cinq salariés grecs. Les revendications portent sur
plusieurs mois d’arriérés de salaires et aussitôt, Croates,
Slovènes, Hongrois, Polonais s’y associent pour dénoncer les
semaines de travail trop longues, les conditions de logement
(6 personnes dans une chambre de 12m2), la mauvaise qualité
de la nourriture servie à midi… Des Portugais demandent la
signature de contrats de travail. Cette manifestation permet
de dénombrer finalement 2600 étrangers payés entre 2,6 et 7
Euros de l’heure, un salarié direct des Chantiers recevant
environ 10 Euros de l’heure pour 35 heures hebdomadaire. 840
entreprises sous-traitantes sont présentes sur le site à ce
moment. Le code du travail prévoit pourtant un certain
nombre de dispositions en ce qui concerne les travaux de la
main-d’œuvre étrangère et la protection de la main-d’œuvre
nationale (art.
L 341-5, art. L 364-11, D. 341-5, D. 341-5-1). La libre
circulation de la main-d’œuvre, au moins en Europe[3], se
fonde pour sa part sur les articles 48 et 59 du Traité de
Rome. On ne peut obliger un prestataire de services étranger
à renoncer à utiliser son personnel et on ne s’oppose pas,
selon une jurisprudence de la Cour de Justice (mars 1990), à
ce que les Etats membres étendent leur législation ou leurs
conventions collectives du travail à toute personne
effectuant un travail salarié temporaire sur le territoire.
La
sous-traitance ou la division du travail
La sous-traitance est un système de relation industrielle et
de relations de travail très ancien, mais elle a pris une
dimension de « dumping » social ces dix dernières années
avec les dérèglementations professionnelles européennes et
mondiale. La libre circulation de la main d’œuvre permet de
mettre en concurrence le coût des salaires, charges
sociales, conventions collectives et qualifications à
compétences égales. Les entreprises sous-traitantes sont
liées entre elles par le droit commercial qui établit des
rapports de subordination, de dépendance économique et de
contractualisation des rapports sociaux. Les sous-traitants
perdent leur pouvoir économique et leur maîtrise technique
au profit de l’intégrateur, c’est-à-dire le donneur
d’ordres. Des risques techniques, humains et financiers sont
transférés en direction des sous-traitants qui sont désignés
comme responsables de situations sociales et économiques, et
qui doivent faire face aux aléas. La puissance économique,
et donc politique, des Chantiers Navals leur permet
d’imposer leurs décisions aux municipalités, au département
et à la région.
Mais le droit ne reconnaît qu’imparfaitement la notion de
dépendance économique, ce qui permet d’éviter le débat sur
les conséquences des stratégies industrielles. Une morale,
largement diffusée dans les médias, voudrait pourtant que le
donneur d’ordres informe le sous-traitant sur la situation
industrielle future afin qu’il puisse connaître les risques
qu’il encourt en perdant son autonomie. En effet, il
paraîtrait logique d’assumer les risques industriels si et
seulement si on peut en prendre la mesure. Les récents
procès en Cour d’Appel dans les années 80 et 90 révèlent que
les plaidoiries se contentent de décrire les abus, mais
qu’il est toujours très difficile de trancher ou de
requalifier les contrats de travail ou d’entreprise. Pour
sécuriser la relation avec les sous-traitants, se sont mises
en place les procédures de certification des salariés, les
chartes et les normes ISO. Une deuxième manœuvre consiste à
réduire le nombre de sous-traitants, c’est-à-dire « apurer
le marché », autrement dit, susciter des faillites. Les
réseaux de sous-traitants qui récupèrent seulement 30% en
moyenne du chiffre d’affaires sur un chantier, sont
sélectionnées selon quatre critères ordonnés :
- La qualité de la production, le respect des délais, la
stabilisation des savoir-faire et le prix des prestations.
- La surface financière du sous-traitant, sa possibilité de
rectifier sa tâche en cours d’élaboration, les habitudes de
travail avec le donneur d’ordres.
- La flexibilité de la main-d’œuvre et sa réactivité dans le
monde de production, ainsi que la fréquence des contacts
avec les salariés du donneur d’ordres.
- L’organisation et la capacité de production, le coût des
transports et des déplacements, les connaissances
personnelles avec les dirigeants.
Dans les faits, de très nombreuses configurations peuvent
correspondre à une sous-traitance de l’emploi, que ce soit
les activités d’intérim classique, de groupement de travail
temporaire, de groupement d’entrepreneurs, d’entreprises
d’insertion, d’associations intermédiaires, d’associations
de services aux personnes dans le domicile privé… Les
interdictions de principe se voient contournées par la
multiplication des types de contrats commerciaux de mise à
disposition. L’intérim n’est donc pas un travail indépendant
puisqu’il y a transfert d’autorité, des responsabilités, des
contrôles, de l’employeur sous-traitant vers l’utilisateur,
qui peut, lui, demander le remplacement du salarié. Le
règlement intérieur de l’entreprise du donneur d’ordres fait
loi tant du point de vue de la discipline que de la
formation et des accidents du travail. Dans l’esprit du
juriste, l’intérim doit aboutir à une maîtrise du coût de la
main-d’œuvre, les sommes perçues par le loueur de
main-d’œuvre étant censées couvrir les frais de gestion du
salarié.
C’est au début des années 70 en France que le législateur
s’attache à prévenir le sous-traitant des abus des donneurs
d’ordres (par la loi de 1975 sur les contrats de
sous-traitance industrielle) ainsi qu’à définir plus
strictement la sous-traitance de l’emploi, c’est-à-dire le
travail intérimaire, justifié, à une époque où les
mouvements sociaux sont vifs, par une « crise de
l’autorité » dans les rapports de travail au sein de
l’entreprise. En 1973, le Conseil Economique et Social avait
donné une définition large de la sous-traitance qui pouvait
concerner aussi bien les artisans que les multinationales,
et rapidement la sous-traitance en chaîne a fait apparaître
des problèmes de sécurité pour les travailleurs, et de
qualité pour les produits (on n’aborde pas le point de vue
des consommateurs). Passons maintenant de la sous-traitance
de l’emploi à la sous-traitance technique. Dans le cas d’un
chantier naval par exemple, l’armateur prend commande d’un
navire et l’achète à un maître d’ouvrage, le chantier naval.
Le maître d’ouvrage établit un contrat avec un maître
d’œuvre, entrepreneur. Ce maître d’œuvre établit à son tour
un contrat de sous-traitance à une troisième entreprise. Le
maître d’œuvre doit faire désormais agréer le sous-traitant
par le maître d’ouvrage et le sous-traitant peut à son tour
sous-traiter les travaux. Ainsi le schéma de base de la
sous-traitance concerne au moins trois entreprises, en sus
du commanditaire.
Les contrats noués entre les entreprises sont réputés
« contrats d’entreprise » et peuvent apparaître comme de
véritables casse-tête juridiques. Ils définissent une
personne morale qui s’oblige à fournir un travail déterminé
et de manière indépendante. Ces contrats d’entreprise sont
différents du mandat dans lequel il existe une
représentation, différents du contrat de travail dans lequel
il existe une subordination, différents d’un contrat de
vente qui concerne la livraison des marchandises que le
client paie. Le contrat est défini par défaut. Dans le cas
d’un chantier naval, il y a vente entre l’armateur et le
maître d’ouvrage, puisque le chantier vend un navire sur
plan, établit un prix forfaitaire après un appel d’offre et
qu’il prétend avoir la maîtrise technique de la fabrication
du navire. Environ 10.000 contrats d’entreprise sont signés
pour la construction d’un navire comme un paquebot de
croisière. La loi prévoit que le maître d’œuvre doit avoir
une caution en banque pour garantir le paiement des
sous-traitants mais que la caution n’a pas lieu d’être
fournie si le maître d’œuvre délègue la maîtrise d’ouvrage
au sous-traitant. Ainsi, en cas de litige, le sous-traitant
peut agir directement contre l’entrepreneur principal, le
maître d’ouvrage, pour être payé et dans ce cas, le juge
doit décider si les contrats qui lient les parties sont des
contrats d’entreprise ou des contrats de vente. Dans la
construction navale, les litiges ont fréquemment pour
montant une somme de plusieurs millions d’Euros[4].
Pour ne pas rompre la chaîne de la sous-traitance, il ne
doit pas exister ni être identifié de contrat de vente entre
les entreprises impliquées. En cas de litige, pour
identifier un contrat de vente ou de sous-traitance, le juge
dispose de deux critères : un critère économique dans lequel
intervient le coût des marchandises, des matières premières
et du travail ; et un critère de conception, autrement dit
« psychologique », selon lequel l’objet réalisé est étudié
selon des spécificités techniques précises. Ainsi, si les
qualifications de vente se justifient dès lors que l’on peut
effectuer une commande par catalogue, il existe tout un
continuum ou des cas intermédiaires entre la vente et la
sous-traitance. On peut distinguer le cas du
fabricant-vendeur, celui du louage d’ouvrage lorsque le
commanditaire intervient peu sur la production. Si le
commanditaire surveille ou contrôle la production, nous
avons affaire soit à des « contrats d’entreprise atténués »,
soit à des « ventes atténuées ». Hormis les incertitudes de
cette approche juridique, les réseaux socio-techniques que
nous entendons étudier d’un point de vue sociologique par le
phénomène de sous-traitance englobent tous ces cas de figure
: il s’agirait alors d’une étude sur la division du travail
au sens de Durkheim, dont ni les juristes, ni les
économistes ne donnent de définition satisfaisante.
La sous-traitance en cascade multiplie les difficultés dont
le maître d’ouvrage doit être garant, difficultés d’autant
plus grandes que les chaînes de sous-traitance sont
internationales. En effet, des problèmes de délai de
réalisation des travaux, de fournitures, de marchandises, de
sécurité pour les hommes et l’environnement, de qualité des
services doivent être maîtrisés, car les sous-traitants se
retournent de plus en plus fréquemment contre le maître
d’ouvrage pour être payés, ce qui pose la question du
montant des cautionnements et explique les réticences des
banques et assurances. En effet, on appelle désormais
« catastrophes majeures » non pas les catastrophes sur
l’environnement et les hommes, comme la marée noire de
l’Erika sur les côtes bretonnes en 1999 ou l’explosion de
l’usine AZF à Toulouse en 2001, mais ce que doivent payer
les assurances si elles n’ont pas d’artifices juridiques à
leur disposition[5].
A partir de 1995, afin d’évacuer les problèmes de définition
et de qualification des contrats de construction par rapport
à la vente, les Chantiers Navals de l’Atlantique (44) ont
établi une charte de la sous-traitance à laquelle une
centaine d’entreprises régionales ont souscrit, ce qui
n’empêche pas une sous-traitance européenne et mondiale
établie depuis plusieurs dizaines années. Cette charte est
censée résoudre les problèmes de formation professionnelle,
de reconnaissance des entreprises collaboratrices en terme
de label de qualité et évacuer un certain nombre de
dissensions politiques entre dirigeants d’entreprises. En
effet, à St Nazaire, entre 1996 et 2003, le personnel
présent en moyenne sur les chantiers est composé de 4000
salariés et de 12000 non statutaires, salariés ou
intérimaires de sous-traitants, dont 1/5 d’étrangers. Outre
les problèmes d’organisation du travail, de coordination
entre les équipes de sous-traitants sous la responsabilité
des agents de maîtrise des chantiers, les accidents du
travail devenaient nombreux. Bien que cette charte ait pour
fonction d’externaliser les risques pour les chantiers, elle
institue des obligations réciproques perçues en terme de
« fidélité », « équité » entre le donneur d’ordres et les
sous-traitants, tout en sauvegardant les impératifs de
flexibilité dans la chaîne d’entreprises.
Cette charte[6] est considérée aujourd’hui comme un modèle
et devrait s’étendre à tous les chantiers français. Mais il
s’agit d’un contrat « moral » entre les entrepreneurs,
largement médiatisé, destiné à rassurer les pouvoirs locaux,
départementaux, régionaux, nationaux, (pour obtenir des
subventions) puisque seules les normes ISO d’agrément
international ont valeur juridique indépendamment de leur
localisation géographique, les sous-traitants ne doivent pas
faire intervenir plus de 30% de leurs salariés sur un même
chantier et ils sont responsables de leurs propres
sous-traitants, les problèmes de logistiques étant à leur
charge. Cette charte devrait également améliorer la qualité
des interventions, la gestion des sous-traitants et
l’ordonnancement des chantiers, la sécurité des personnes et
favoriser les innovations techniques et organisationnelles
tant du côté des donneurs d’ordres que des sous-traitants.
Pendant longtemps, les donneurs d’ordres avaient dirigé les
sous-traitants sur l’exécution plutôt que sur la conception
et laissé la sous-traitance en cascade se développer de
manière autonome, ce qui posait des problèmes de contrôle et
de perte de personnel qualifié. Assez fréquemment, comme
nous l’avons observé récemment auprès de sous-traitants
spécialisés dans l’isolation (BTP naval), il fallait avoir
recours à des intérimaires pour encadrer les salariés
statutaires des sous-traitants, ce qui engendre des
difficultés dans l’organisation hiérarchique des équipes et
des dissensions quant au montant des revenus : tout le
personnel ouvrier est à peu près payé au SMIC, mais si les
intérimaires touchent des primes de précarité et ont des
difficultés à emprunter en banque, les statutaires
bénéficient de primes d’ancienneté et de risque.
Cette charte suppose que les maîtres d’œuvre soient capables
d’intégrer études, approvisionnement, logistique,
fabrication, montage à partir d’un contrat forfaitaire et
d’initier auprès du donneur d’ordres des progrès en
conception et réalisation. On parle donc aujourd’hui, en
prenant souvent l’industrie japonaise[7] en exemple, de co-traitance
ou de partenariat, mais ces dispositions sont trop récentes
pour que des jurisprudences soient établies. Les acteurs
concernés estiment donc que le droit identifiera les
pratiques lorsqu’elles seront devenues ordinaires. Le
donneur d’ordres décide néanmoins de valoriser ou non les
sous-traitants qui doivent être « exemplaires » dans leur
milieu et justifier d’une activité en croissance. C’est
ainsi que maîtres d’œuvres et sous-traitants de premier rang
peuvent disposer de labels hiérarchisés (A, B, C…) décernés
par le donneur d’ordres qui sont équivalents dans les faits
à l’obtention des normes ISO et qui permettent de négocier
des appels d’offres dans d’autres domaines de manière
favorable. A ces stratégies de positionnement sur le marché
économique se superposent les discours sur la « loyauté »
entre partenaires, sur le développement économique et social
des entreprises régionales, sur la valorisation médiatique
des villes du Littoral, sur la lutte contre le travail
clandestin. Des journaux diffusés par les Chambres de
Commerce et d’Industrie et des émissions régulières sur les
chaînes de télévision régionales mettent en avant les
« sous-traitants exemplaires », diffusent des interviews de
dirigeants d’entreprise, relatent des succès commerciaux du
réseau socio-technique. De manière plus discrète, les
réunions d’échanges et d’informations sont régulières entre
entrepreneurs.
Nous pouvons donc considérer que nous sommes en présence
d’une évolution du droit qui, d’une part, fait glisser la
notion de sous-traitance vers celle de coopération ou de co-traitance
et d’autre part - comme c’est une tendance observée par les
juristes dans de nombreux autres domaines - relègue les
jurisprudences, réglementations et conventions de la loi
nationale vers la négociation privée. Mais dans le domaine
du travail et de l’industrie, et comme ailleurs, compte tenu
de la complexité des systèmes socio-techniques, les juristes
se déchargent des règlements techniques ou commerciaux sur
les experts privés[8].
ANNEXE
Le
travail syndical aux chantiers
Entretien avec A.F, responsable UL CGT St Nazaire (6/03).
« Avec les Indiens, on a commencé à s’approcher d’eux vers
mai-juin 02 il y avait un petit groupe qui arrivait on se
disait ça c’est l’avancée c’est la tête de colonne qui
arrive ils sont arrivés en septembre (…) on les a suivis
grâce à des syndicalistes qui ne sont pas militants mais qui
travaillent à bord qui nous passaient des infos, plus
quelques délégués du personnel. On a organisé une filature,
on a suivi les cars pour savoir exactement où ils étaient
hébergés. On a fait pareil pour les Slovènes, les Croates,
les Polonais. Comme on avait identifié les lieux il fallait
rentrer en contact avec eux. A bord, y’a des chefs en
permanence, des responsables de groupes (d’étrangers), ils
organisent la discipline, pas la division du travail.(…) »
« Ils avaient peur, on s’est dit c’est pas la peine de les
aborder à bord, on aura jamais la possibilité de parler avec
ces gens là, il faudra que l’on trouve un moyen extérieur.
On a un collègue de la CGT qui habitait pas loin de la
colonie de vacances de Saint Brévin, et c’est comme ça, il
parle anglais et après quelques jours de mise en confiance
il les a invités chez lui, 3 ou 4, et là les langues se sont
déliées.(…) »
« C’est comme ça qu’on a découvert le problème
c’est-à-dire : confiscation des passeports depuis le mois de
septembre, l’hébergement à leur charge, la bouffe à leur
charge, les soins médicaux, de médicaments, et en plus
défalqués sur la fiche de paye pour 100 euros par mois.(…) »
« C’est comme ça qu’on a identifié les problèmes et à partir
de ça on leur propose de dresser un cahier de
revendications. Donc ils ont discuté entre eux , ils ont
fait venir d’autres collègues d’un autre hébergement. Petit
à petit, c’est comme ça qu’on a construit le mouvement qui a
éclaté fin mars-avril (03). On leur a dit voilà comment le
droit est en France, comment vous devriez être rémunérés,
voilà les conditions de sécurité, de l’hébergement et on
leur a dit qu’on était prêts à les aider. On a fait un tract
en anglais, ça s’est tout fait à l’extérieur, donc on leur a
fait un tract, on leur soumet, et ils décident s’il faut le
garder en l’état ou l’améliorer. Pour distribuer le tract
c’est le matin à l’embauche quand arrivent les cars à 7
heures. Y’a une assemblée qui s’est organisée et une
quarantaine a décidé qu’on aille voir la Direction. Le même
jour et c’est la première réunion, il y avait l’Inspection
du travail car comme par hasard elle était là…Une demi-heure
plus tard il y a avait la CGT qui s’est pointée comme par
hasard. Apparemment la Direction était très emmerdée que les
Indiens soient encadrés par nous, donc ils ont fait mettre
la CFDT dans le coup. L’attitude de l’Inspection du travail
a été déplorable, par exemple les salariés Indiens voulaient
être traités comme les salariés Français, ils font partie de
la convention de la métallurgie, c’est écrit sur leur fiche
de travail donc ils doivent toucher 47 euros par jours
d’indemnités pour un travail en déplacement.(…) »
« Y’a eu aussi des débrayages avec manifestations sur Saint
Nazaire et là, on a vraiment marqué le coup parce que ça a
mis la Direction des Chantiers en position difficile puisque
l’image de marque était touchée. Donc il fallait arrêter
rapidement le mouvement, il fallait trouver une issue. Et
elle s’est appuyée sur la CFDT et l’Inspection du travail
pour minimiser leurs revendications. Mais ça était quand
même 80 % de salaire en plus, la prise en charge de
l’hébergement, le remboursement de tous les mois qui avaient
été défalqués et la restitution des passeports.(…) »
« Entre eux il y a des religions, des castes, des ethnies
mais il n’y a pas de problème. Après il y a eu les Roumains
qui ont débrayé 2 jours pour des problèmes de salaire et de
bouffe, ils n’avaient plus rien à manger. Les gens de l’Est
la caractéristique c’est la peur. La peur forte on le sent.
C’est pas le cas des Grecs. Le système d’encadrement est
encore plus disciplinaire, ça faisait 6 mois qu’ils
n’avaient pas obtenu leurs salaire les Grecs. On a fait un
tract en polonais. A l’embauche ils étaient intéressés, ils
étaient contents d’avoir un tract en polonais, on leur
disait vous devez être traités de façon équitable comme les
salariés Français, c’est la loi. Par un intérimaire qui
parle polonais, on a su qu’ils avaient des problèmes de
paye, ils étaient pas payés depuis 2 mois et ça dure encore.
Ils ont de maigres acomptes mais ils ont peur de réagir. Y’a
le responsable de l’encadrement qui est arrivé et il a réagi
« communistes ! communistes ! no good ! stop stop stop ! »
alors je me suis opposé à lui « on n’est pas communiste ici
on est syndicaliste, trade union, je disais, solidarnosc,
solidarnosc ! », parce que l’autre c’était un provocateur.
L’important c’est qu’ils lisent les tracts, y’a toujours la
menace de les renvoyer chez eux, on l’a vu avec les Croates.
Les amplitudes horaires c’est démentiel. Y’a une filiale
polonaise de Mc G. pour le montage d’ascenseurs, c’est 70
heures par semaine.(…) »
« C’est un puzzle y’a un organigramme à faire. Les Polonais
ils ont un vestiaire et font 250 heures par mois. Les
Indiens n’ont pas de vestiaire.(…) »
« Il y a une boîte sicilienne W. M. qui n’a pas payé les
chambres d’hôtes, il y a eu déjà des plaintes, la boîte est
partie sans payer. Les Italiens à 56 heures par semaine,
concrètement ils disent, je suis pas payé et bien je rentre
chez moi tout simplement, je continue pas à travailler pour
ces cons je me casse. Ils me doivent je ne sais pas combien
d’heures, qu’est-ce que c’est derrière cette boîte ? La Cosa
Nostra ? (…) »
« La caractéristique c’est la peur. Les Grecs ils ont
attendu 6 mois pour bouger mais c’est pas évident, chaque
culture c’est différent. Les Portugais ils ont été recrutés
par téléphone et ils sont pas payés depuis 2 mois. Y’a des
Portugais qui travaillent à bord, ils savaient qu’il y a
avait une boîte italienne qui cherchait du personnel, un
Portugais appelle son fils qui cherche du boulot tu vois
« ça t’intéresse, tiens un numéro de téléphone, je vous
attends à la gare » et en fait y’a pas de contrat de
travail, mais on leur délivre un badge d’entrée. Alors là il
y a une connivence des chantiers et là on les presse encore
plus. Après ils disent on n’a pas assez d’argent pour manger
et donc ils arrêtent de bosser. A ce moment des pressions
très fortes tombent sur eux. Ils sont logés à 5 par chambre
avec des Italiens qui sont avec le patron, ils se font
insulter, ils se font traiter de tous les maux et là ils
viennent nous voir. Alors on les sort de là on leur cherche
un hébergement, on se démerde avec la Mairie qui propose un
foyer social où il y a des SDF, des marginaux avec des
problèmes d’alcool très forts et il y a eu des propos
racistes de tenus dès la première nuit. La mairie de Saint
Nazaire a refusé de les changer d’endroit donc on s’est
tournées vers la Marie de Trignac qui a payé 10 jours
d’hôtel.(…) »
« On a pu rencontrer le patron italien qui a payé, mais pas
la totalité. Il était prêt à mettre les billets sur la table
et à l’Inspection du travail ils disent c’est de la
caricature c’est des cas isolés. Le sous-préfet il est
emmerdé parce qu’il sait que c’est illégal.(…) »
« L’objectif c’est de modifier le comportement des salariés,
c’est un truc politique, des pratiques hors la loi que l’on
veut faire devenir légales. Ils sont du côté de la
Direction, ils hésitent pas à faire venir les flics contre
les piquets de grève. Pour moi il y a une politique
d’alignement sur la politique d’Alsthom. Solidarnosc a
travaillé avec les Chambres de Commerce et d’Industrie pour
que les travailleurs Polonais puissent être intégrés dans
les réseaux de sous-traitance . Ce sont les arguments du
patronat, on les prend en formation et en réalité on les
presse comme des esclaves. Parce que va former un tuyauteur
de 45 ans qui a monté des tuyaux toute sa vie à Dansk ou sur
l’Oder, tu vas lui apprendre à monter des tuyaux ! les
Polonais ils disent on n’a pas touché nos salaires depuis 2
mois mais ils ne veulent pas dire combien, la peur est
énorme. Ils se disent si on fait connaître nos salaires on
va être renvoyé.(…) »
« On ne veut pas rester cloisonnés entre militants, on veut
un syndicat ouvert, il faut sortir de l’entreprise on
travaille avec le MRAP, ATTAC, EDF (CMCAS). La population
sait qu’il y a un problème. Quelle est la société qu’ils
veulent nous construire ? Eclater le salariat, les chômeurs,
créer de nouveaux comportements de concurrences entre les
gens. »
Travaux déjà effectués sur le thème
1998 - "La transformation des cultures techniques", édition
L’Harmattan.
1999 - "Robots, techniques et chaînes opératoires", in
« Dans le sillage des techniques : hommage à Robert
Cresswell », sous la direction de JL Jamard, A. Montigny, FR
Picon, L’Harmattan.
1999 - "Le principe du lampiste ou les effets sociaux de la
sous-traitance", in « Innovations Economiques » n°1, janvier
, L’Harmattan.
1999 - « Réseaux socio techniques : exemples de recherches
menées en France", revue du Centre d’Etude Ethnologique du
Portugal (CEEP) – Université Nouvelle de Lisbonne –
(Portugal)
2000 - « Contribution à l’ethnologie du travail »,
Habilitation à diriger des recherches, président : Ali El
Kenz, Université de Nantes
2002 - « Les désastres sociaux de l’innovation
industrielle », in « Démolition, disparition,
déconstruction : approches techno-économiques et
anthropologiques », CNAM/CDHT/EHESS Paris.
2003 - « La sous-traitance, au coeur de la production », à
paraître, ed de l’Université de Bruxelles.
2003 - «Territoire et travail noir : des techniques de
survie à la stabilisation politique d’un bassin d’emploi »
in « l’économie informelle en France », (dir.
Noel Barbe) , ed MSH, Paris.
REFERENCES JURIDIQUES CONCERNANT LES CIRCULATIONS DE MAIN D’OEUVRE
Math A. et Spire A., Des travailleurs jetables : les
enjeux des négociations autour du Mode 4 de l’AGCS,
Plein Droit n° 61, juin 2004..
Emmanuel Terray « Le travail des étrangers en situation
irrégulière ou la délocalisation sur place », in Sans
papiers : l’archaïsme fatal, La Découverte, 1999.
« Déclaration des syndicats sur les négociations AGCS »,
Global Unions, Etuc et Wcl, 7 juin 2002. Traduction
française sur www.attac.org (original sur
www.tuc.org.uk/international)
Math A. (IRES), Spire A. (CNRS, CERAPS-Lille), Vers une
immigration permanente de travailleurs temporaires : du Mode
4 de l’AGCS aux différents régimes migratoires de
travailleurs détachés. (juin 2004)
DILTI (2002), L’intervention en France des entreprises
étrangères prestataires de services, Rapport d’enquête,
juin 2002.
Valérie Devillechabrole, « Un étranger détaché, ça coûte
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Sites spécialisés : (www.gatswatch.org
etwww.wdm.org.uk)
Site du Forum des Services Européens, lobby des grandes
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Observatoire européen des entreprises Corporate Europe
Observatory
http://www.corporateeurope.org/
Europe
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d’affaires européens,
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Document de l’OMC (S/CSS/W/50 & 35, 42, 47)
Lumière
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Arrêt Rush Portuguesa (CJCE, 27 mars 1990)
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Code du Travail – articles D 341-5 et suivants
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Découverte.
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mouvement, Co-édition IM’media/reflex
(http://bok.net/pajol/sanspap/immedia/morice.html)
ou (http://www.gisti.org/doc/presse/1996/morice/precarite.html)
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clandestinité. Une politique délibérée », Plein Droit,
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l’immigration dominée par les enjeux économiques »,
Chronique Internationale de l’IRES n° 84, sept 2003.
Directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003
relative au statut des ressortissants de pays tiers
résidents de longue durée (paru au JOCE du 23 janvier 2004).
Partenaires et
informateurs institutionnels de la recherche
France :
- MSH Nantes 44 (Maison de Sciences de l’Homme)
- LISE/CNAM/CNRS Paris 75 (Laboratoire Interdisciplinaire
pour une Sociologie Economique)
- DRESS, Ministère de la Solidarité, Paris
- LESTAMP – Association Nantes 44 (Etudes Sociologiques des
Transformations des Milieux Popuplaires)
- CCP St Nazaire 44 (Centre de Culture Populaire)
- TEC Roubaix 59 (Travail et Culture)
- COBIAC Martigues 13
- Unions syndicales locales, départementales, régionales
- Espace Europe/International CGT 75
Portugal :
- CEEP/UNL (Centre d’Etudes Ethnologiques du
Portugal/Université Neuve de Lisbonne)
- CEMME/UNL (Centre d’Etudes des Migrations et des Minorités
EthniquesUNL)
- ISCTE (Institut des Sciences du Travail et de
l’Entreprise)
- UPP (Université Populaire de Porto)
- Commission exécutive CGTP
Belgique :
- TEF/ULB (Travail, Emploi, Formation/Université Libre
de Bruxelles)
- GERME/ULB (Groupe d’Etude sur l’Ethnicité, le Racisme, les
Migrations et l’Exclusion)
- FGTB/Bruxelles et Belgique
Italie :
- Université des Sciences Economique de Naples
- Université de Lecce
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