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(Réédition)
Jacky REAULT
Entre l'altermondialisme
et l'anti-mondialisme, la question d'une
servitude
A propos du livre de
Guy BOIS
Une nouvelle servitude,
essai sur la mondialisation
Paru In
Y. Guichard, C. Papinot
(ed.).
De
Bretagne et d’ailleurs,
Mélanges en hommage à
Anne Guillou .
Université
de
Bretagne occidentale
Brest. Mai 2004 |
A Anne Guillou ce texte de
liberté en hommage au vent nouveau et bienvenu
qu’elle apporta dans notre groupe d’abord si
masculin si métropolitain et peut-être en
manque d’incertitude.
Entre l'altermondialisme et l'anti-mondialisme,
la question d'une servitude
A propos du livre de
Guy Bois
Une nouvelle servitude, essai sur la
mondialisation.
(écrit en 2003 publié en juin 2004 par l'
Université de Bretagne occidentale)
Ce
dernier si bel ou si cruel été*,
c’est selon, a rassemblé sous le
regard ravi voire inducteur des média
centraux
de vastes concentrations de la classe
parlante,
des nébuleuses post-militantes et des familles
de classes moyennes urbaines en vacances, toutes
en quête de mythologies perdues après vingt
ans
de consensus euro-libéral fécond en
déréliction. Après quelques guerres impériales
aussi, et de plus en plus rapprochées ! On y a
rejoué la grande fête du Larzac qui avait été
elle même déjà un grand jeu de la
post-soixante-huitarderie encore
présentable quoique déjà nostalgique, mais cette
fois-ci sous la bannière édulcorée, un peu
confuse, mais pas antipathique d’une re-nommée
alter-mondialisation. L’anti
ferait il trop vulgaire ? On y fut semble t il,
très enclin à l’attaque verbale de ce machin
ambivalent qu’est le plus (relativement)
démocratique des appareils centraux,
l’OMC On fut moins prolixe sur la résistance concrète
à la proche menace d’une désindustrialisation de
la France ou pour ceux qui croient qu’elle
existe, de l’Europe. On pense d’abord,
après l’abandon de Péchiney, à la mise à l’encan
déjà programmée du groupe Alstom sous le
chantage du credit crunching
des banques, des désirs du
marché et surtout des injonctions
aussi opaques qu’idéologiques des gardiens
européens de la concurrence. Alstom ce
n’est jamais qu’une vilaine multinationale à
base (provisoirement) française,
premier exporteurs français d’équipements
industriels, fabriquant de navires, de TGV, de
tramways et d’autres babioles si secondaires au
maintien d’une maîtrise démocratique sur
l’emploi et le développement.
Alstom ce sont, vus d’ici, les Chantiers de
l’Atlantique, un établissement-monde auteur des
plus beaux paquebots jamais construits à
l’exception du Titanic. C’est la forme d’une
ville Saint-Nazaire. C’est une modalité ultime
vivante et non survivante ni souffrante et
misérable de classe ouvrière historiquement
définie. Tout se
passe dans un pays et sur un continent si
vieux !
Ne se sont ils pas voués eux-mêmes, il y a dix
ans
aux charmes déflationnistes d’une monnaie
unique et forte, verrou d’économies
stationnaires dans des sociétés rentières,
assistées, dépressives,
mais tellement « libérales » ?
*
2003 note de l'éditeur année de la dite canicule
de l'hécarombe de vieillards et grande année des
Bordeaux.
ll nous a semblé bienvenu, avec, on l’imagine,
quelque grain de sel, de rendre compte d’un
dense petit livre aux tranchants nets d’une épée
sans morfil, Une nouvelle servitude,
essai sur la mondialisation. Il arrive juste
à point pour honorer une universitaire française
qui n’hésita pas à affronter l’inconfort des
périphéries internes et externes de
l’économie-monde des années 70 - 80.
Anne Guillou, l’africaine puis la bretonne,
devint notre collègue nantaise du temps du
LERSCO
de Michel Verret. Elle inaugura un enseignement
de sociologie du développement qui dure encore
malgré les menaces qui pesèrent et pèsent
peut-être encore sur lui et sur beaucoup
d’autres à l’orée de l’année 2003-2004 sur fond
de standardisation nivelante des formations
intellectuelles dans l’Europe telle qu’elle se
fait ou se défait si on se réfère à ce que les
héritiers de l’internationalisme universitaire
en ont rêvé.
Transitions du 14° et du 21 siècle : d’une
crise systémique à l’autre
Une nouvelle servitude,
le titre de Guy Bois n’y va pas par quatre
chemins. La mondialisation concerne bien
les structures intimes des sociétés, des peuples
et de la vie des hommes vivants et non quelque
instance économique ou quelque utopie de l’humanité
arrivée à sa propre fin. Essai sur la
mondialisation se glisse, presque modeste,
derrière cette proclamation en forme de thèse
étayée par la défense et illustration du
seul vocable adapté au concept que construit
l’auteur en savant et en politique :
mondialisation, donc
anti-mondialisation et plutôt
qu’alter-mondialisation.
Ce n’est pourtant pas un pamphlet
militant mais l’œuvre mûrie d’un
universitaire résistant
choisissant de s’adresser à tous dans une
langue simple. Auteur de La mutation de
l'An mil
et de La grande dépression médiévale. XIV° et
XV° siècles, le précédent d'une crise systémique,
Guy Bois est, avec Immanuel
Wallerstein, un des derniers grands historiens
d'éminence mondiale qui se rattachent à la fois
à l'héritage scientifique de l'Ecole des
Annales de Fernand Braudel
et à ce qui reste vivant d’une critique du monde
inspirée de Marx. S’il entend y construire une
intelligibilité de la forme inédite de la crise
désormais inséparable du monde, des différentes
sociétés et du capitalisme, il n’hésite pas à
concentrer au passage son propos sur deux
phénomènes de statut sociétal plus restreint
mais révélateur des métamorphoses de la société
française. Le premier est cette mobilisation qui
avait signifié la modalité la plus originale du
retour d’une résistance intellectuelle après le
sursaut national et social de décembre 1995, la
Fondation du 2 Mars ex- Marc Bloch, dont
il avait été co-fondateur. Le second étant à la
fois la campagne présidentielles française et
l’étonnante socio-tragicomédie qui la couronna à
la suite du vote ( et de l’abstention) populaire
du 21 avril 2002.
Dans ces deux expériences sans débouchés clairs
ni critiques véritablement aboutis
a régné, pour Guy Bois, la même incapacité
à prendre en compte suffisamment
l’état actuel de ce que Braudel désignait avec
élégance comme le
temps du monde. Ce temps concret actuel
combine trois temporalités dans la crise des
sociétés qui les entremêlent, chacune dans son
prisme singulier. Pour Guy Bois ils sont les
rythmes des trois processus qui résument la
mondialisation, processus économique,
processus stratégique, processus politique.
Sans ces trois fils d’Ariane du temps de ce
monde d’incertitude et de complexité, il est
vain de prétendre à l’intelligibilité des
mouvements internes et du maintien d’une liberté
externe de ces sociétés, asservies certes, mais
inégalement et sans fatalité, aux différentes
modalités de mise en réseau, technique,
financière sociale, que ces trois temps-procès
conjuguent aux dépens de ces sociétés
mêmes.
- Le temps des pulsations cycliques du
développement - prédation capitaliste et
peut-être désormais (après l’éclatement de la
bulle boursière de mars 2000), celui du blocage
de la croissance mondiale des économies
financiarisées, temps du processus économique
- Les temps, de la nouvelle domination en réseau
d’un monde hiérarchisé par les appareils
centraux temps du processus stratégique
pour G Bois ; nous ajouterions qu’il est degré
d’intégration de ce qui reste l’autonomie
relative des crises multiformes du rapport du
des différentes sociétés, centrales ou
périphériques au capitalisme et au Centre.
- Le temps politique qui se présente à la fois
comme processus et, ajouterions nous, comme
pratique donc comme champ ouvert à des
mobilisations indéductibles d’une histoire
inachevable. Ce temps d’abord central et
impérial (américain) s’entrecroise au temps
stratégique du monde en réseau (plus ou
moins) soumis aux appareils centraux ou
régionaux (FMI, OCDE, Commission européenne plus
que l’OMC et l’ONU) qui le relaient. Il est
scandé en ondes de plus en plus serrées par des
guerres d’ingérence
et, partout par les limitations ou
disqualifications de la souveraineté des peuples
et de l’indépendance corollaire des nations dans
une histoire qui semblerait, comme au bon temps
du matérialisme historique devenu prophétique,
n’avoir qu’une seul sens, encore plus tyrannique
et a-problématique que le précédent. Pour Guy
Bois, l’achoppement quasi universel des
personnels et des institutions politiques, qui
apparaissent toujours plus réduites aux comédies
de l’impuissance phraseuse, s’ancre dans leur
aveuglement et leur pusillanimité à l’égard de
cette détermination globale autant que dans leur
asservissement à la chanson politique préférée
du mondialisme de la résignation :
la fin fatale et conjuguée des nations
souveraines maîtresses de leur destin, la fin
des solidarités de classe au sein des nations et
entre nations.
C’est une affaire de connaissance et pas
seulement de processus ou de volonté ;
d’où la centralité qu’il donne dans l’analyse
à la crise de la production des connaissances et
au recul scientifique des sciences sociales,
comme de l’économie fondamentale. Il
trouve dans la situation actuelle une homologie
avec la régression intellectuelle abordée
dans La Grande dépression à propos de la
crise du XIVéme siècle. Sa
critique lie la question du savoir à celle de la
démocratie. Elle s’y applique dans toutes
les instances de pouvoir, (appareils
politiciens, appareils d’Etat, appareils
médiatiques, réseaux clientélistes
universitaires verrouillant sur des pensées
closes les commissions de spécialistes). Partout
des oligarchies professionnelles groupées en
cliques faussement concurrentes (et dont le
credo est ce thème si bienvenu avec la naïveté
de ses partisans, du primat des minorités
sur les majorités), s’adjugent un pouvoir aussi
partiel et borné que consensuel, unique,
séparé à la fois des multitudes populaires et
des profondeurs des réalités sociales,
repoussant les contradictions dans le
pathologique individuel ou sociétal. Ainsi
s’approfondit toujours plus, pour les maîtres du
monde eux-mêmes, l’occultation des mouvements
propres du capitalisme. La non conscience
croissante comme nouveau sens de l’histoire ? Un
des constats les plus paradoxaux auxquels
s’attèle ce livre souligne que les économies
(les structures économiques réelles), objet
omniprésent de la scène médiatique dans
l’évidence et la transparence d’un discours
quasi unique, sont largement inconnues
dans l’opacité de leurs mouvements
profonds et d’abord ceux que seul l’historien
peut repérer, celui des temps longs des
modes de production. De nouveau Braudel
et Marx !
Mondialisation : Un processus global de
transformation des sociétés
L’essai de Guy Bois est inséparablement
politique et historique, double indexation
requise pour penser la spécificité de la crise
sans se résigner à sa fatalité. Pour lui,
la mondialisation ne se réduit pas à un avatar
des planétarisations relatives antérieures du
capitalisme et notamment pas à celle qui se bute
sur l’année 1914.
Elle doit être appréhendée comme un phénomène
radicalement inédit donc singulier. Sur ce
point, d’évidence réactif à l’égard d’une
certaine historiographie qu’il critique, la
position de Guy Bois nous semblerait à la fois
nécessaire et peut-être trop entière s’il
s’agissait d’en tirer argument pour clore tout
comparatisme historique. Ce comparatisme, c’est
dans le champ des crises systémiques
antérieures, où il excelle, par toute son oeuvre
scientifique propre, qu’il le réintroduit.
Penser la mondialisation ainsi affirmée, c’est
questionner l’intégralité de la vie sociale,
économique, politique, intellectuelle,
culturelle… du point de vue de cette
détermination générale et transversale, le fait
historique singulier actuel de la
mondialisation : transformation globale,
cohérente et accélérée du monde contemporain,
engagée depuis le début des années 1980,
comme réponse à la crise
inaugurée en 1973-74. Elle est la
structure totale d'une mutation, un
processus global de transformation des sociétés
mais, ajouterions nous, ce processus
n’inclut-il pas dans sa résultante, la variation
qu’il n’est pas seul à déterminer, de la
résistance ou de la soumission des sociétés
(notre deuxième temporalité). Cette question
reste pour nous problématique. Elle a toujours
représenté l’angle mort des théories de
l’histoire et notamment du matérialisme
historique. L’effectivité ou l’absence de
résistances, celles des personnes comme celles
des classes et des nations, ne saurait se
déduire des seuls processus ni de la conscience
claire des contradictions.
Isolément, les constats qu’il avance ont souvent
été faits, (à l’exception très notable de
l’insistance sur la régression intellectuelle),
c’est la présentation systématique de leur
organicité et leur imputation, comme autant
d’effets et de symptômes, à une dynamique
globale qui constitue l’originalité : partout,
quoique inégalement (comme sont inégales les
résistances et les mémoires,
la révolution technologique est
supposée donner la voie unique interdisant toute
vision plurielle d’avenir des sociétés. La
démocratie invoquée comme un fétiche
universalisable par la force est
désubstantialisée, réduite à la phrase de
droits de l’homme, relookés en
droits humains de l’individu marchand,
hédoniste, sans appartenance. Les acquis
civilisationnels inversés idéellement dans le
libéral libertarisme, ce nihilisme de notre
temps, sont la cible du bougisme
répétitif et niais des modernisateurs de
tous bords. Des systèmes de retraites à la
précarisation des établissements productifs, des
emplois, des savoirs transmis mais aussi des
Etats et des cultures, sont invoqués les mêmes
discours disqualifiant deux siècles de
mobilisations pour des garanties nationales de
la promotion collective, de l’accès universel au
savoir et à la culture, du progrès social.
Partout ce dernier est présenté par les
petits-maîtres des pouvoirs devenus croupions de
la politique et des media financiarisés, relais
bornés et mimétiques des processus et échos des
maîtres centraux, comme archaïsme.
Partout est activement organisée l’ablation des
mémoires, l’aversion des héritages culturels
dans la montée de l’insignifiance
(C. Castoriadis).
Si l’exposé décrit la structure et la crise de
la totalité des espaces-temps du capital, ce
n’est pas pour enfermer le propos dans
l'abstraction économiste. Il s’agirait
aussi de saisir la singularité complexe des
différentes sociétés reliées contradictoirement
au processus global pour que l'action politique
redevienne aussi l’analyse concrète d’une
situation concrète, ici et maintenant, même si,
dans ce livre c’est essentiellement l’exemple
français, et comme centre impérial, les
Etats-Unis qui fournissent l’essentiel des faits
invoqués. Il reste donc après sa lecture, de
multiples places pour poursuivre la nécessaire
analyse de la réactivité des sociétés et des
Etats, pour autant qu’elles trouvent en elles
mêmes les forces pour résister, ou qu’elles les
trouvent au sein de solidarités sur les
fondamentaux des modalités de l’humanisation que
condensent les grandes civilisations, cet objet
braudélien fondamental que Guy Bois n’évoque pas
dans ce livre, alors que l’on ne peut, nous
semble-t-il, esquiver la question de leur
inégale capacité de résistance au processus
mondial actuel.
Là, déjà exprimé de façon feutrée, git sans
doute encore notre principal désaccord avec Guy
Bois, ou en tout cas notre interrogation : ce
que nous dit la dualité braudélienne toujours
réaffirmée entre le capitalisme et les volants
de stabilité civilisationnels et sociétaux
toujours singuliers, voire singularisés, voire
quasi-personnes, - sujets de l’histoire,
redisons nous depuis 2010 à l’Eté du Lestamp,
dont les ressources mobilisatrices de temps long
(ainsi La rébellion française de Jean
Nicolas), représentent une négentropie
historique incertaine mais ouverte, tant qu’on
restera dans l’histoire humaine. (jr 2011)
Une
dépression de longue durée sans précédent dans
l’histoire du capitalisme
La mondialisation ne se réduit d’évidence pour
lui pas à l'économie, mais elle se présente
cependant d’abord comme moment actuel du
capitalisme, donc du rapport différencié
du
capitalisme historique,
aux sociétés. Les économistes se sont jusque là
rassurés en affirmant qu’ils étaient
cycliques, impliquant l’éternel retour de la
croissance; mais jusqu’à quand, rétorque
l’historien qui connaît d’autres blocages
délétères à la fin de l’Empire romain et au XIVème
siècle. Est-on dans l’un de ces moments et
quelle serait l’alternative si la bulle de la
mondialisation éclatait, si le capitalisme
mondialisé s’avérait incapable, à force de
prédation de ses garde-fous systémiques
habituels, (Etats, sociétés normatives, classes
organisées), de maîtriser ses tendances auto
destructrices ? La financiarisation de
l’activité économique mise en réseaux
transnationaux dans l’immédiateté déraisonnée du
temps réel des communications,
l’asservissement induit des producteurs et des
territoires, la déflation rampante, la
dépression où elle entraîne les économies, les
salariats et les dé-salarisés etc... sont
analysés comme faits historiques, donc à la fois
nécessaires et non inéluctables dans leur
devenir ouvert à la politique ; pourtant la
conjonction durable de ces processus rend la
crise latente toujours plus difficile à
maîtriser. La mondialisation touchée au cœur
non par le 11 septembre, mais par l'affaire
Enron, - grotesque effondrement du modèle
économique de l'Etat américain : la matérialité
de l'énergie gérable dans le seul court terme
boursier la fétichisant comme un vulgaire
« service » immatériel-, se présente déjà
économiquement comme une spirale d'échec qui
ouvre en ce moment la perspective possible de
cette crise inédite : L’économie
internationale est au bord d’une dépression de
longue durée sans précédent dans l’histoire du
capitalisme,
La Mondialisation-Empire ou la marche à la
guerre ?
L'Empire central qui fait corps avec la
mondialisation, c’est explicitement pour Guy
Bois, la domination des Etats Unis, au
cœur du
processus stratégique de mise en réseau
asservi de monde sous les appareils centraux
comme du processus politique : un pouvoir
tendanciellement unipolaire qui cumule tous les
moyens d'un Etat voyou (E Todd), faux
monnayeur, chantre et diffuseur de la
mercantilisation générale de la vie, briseur de
droit, quasi monopoliste de la
communication-monde... Par ce canal, la
mondialisation s'approfondit dans tous les
interstices des pratiques humaines,
dans l'intimité interpersonnelle comme elle le
fait par les structures financières et
politiques centrales à l'échelle géopolitique
des continents. La mondialisation, de ce point
de vue, Etats-unienne, continue d’écarter
toujours plus les périphéries et le centre, par
la dette, par la violence interdisant la
protection d’un marché intérieur condition
nécessaire à tout décollage, par l’organicité
induite du sous-développement périphérique
découlant du développement central (Y Lacoste).
A ceci près cependant que l’économie centrale
est désormais sur une pente de décroissance
relative, et ceci malgré la multiplicité de ses
ponctions impériales sur le reste du monde, par
la planche à billets du dollar, par la captation
des cerveaux, par la vulgaire loi impérialiste
du plus fort que manifeste l’usage récent
de la guerre sur les sites pétroliers puis sur
tout le territoire irakien. Signe patent de la
nouvelle singularité de la crise en cours, Guy
Bois croise ici les analyses d’Immanuel
Wallerstein réactualisées avec brio par Emmanuel
Todd.
Là s’inscrit le plus extrême et le plus
redoutable des manifestations de la
mondialisation américaine, qui est devenue
expérience universelle sans illusion possible
par la leçon de chose introduite par la première
Guerre du Golfe et par les suivantes effectives
et à venir. Elle se présente comme guerre, dans
des rythmes toujours plus rapprochés et avec une
intensité toujours plus brutale entre 1991 et
2003. Elle est désormais, écrit Guy Bois,
une marche à la guerre. Cette guerre
reste toujours l’affaire d’un Etat, l’Etat
central d’un monde qui se résignerait à
l’unipolarité. L’empire, c’est la guerre, c’est
à dire l’inverse réel et toujours plus
réalisé de l’utopie libérale de la paix par le
libre échange. Cette si vieillotte référence est
dérisoirement toujours invoquée pourtant
(notamment pour construire l’Europe des
marchands) pour saisir la nouveauté radicale
du moment, la destruction imposée de toutes les
barrières protectrices de la reproduction
nécessaire des sociétés... sauf de la société
centrale, croit-elle.
Peuples et oligarchies : Un nouvel
asservissement ?
Ni la mondialisation comme processus, ni la
domination américaine, (deux termes dont il
faudrait peut-être plus explicitement
approfondir les rapports non exempts de
contradictions), ne sont pensables sans des
relais dans les sociétés et dans ce qui perdure
d’Etats. Ces relais se présentent désormais
généralement comme les élites,
telles qu’elles s’auto-proclament pour justifier
solidairement, - quelle que soit la couleur de
leurs maillots d’animateurs
politiques -, leur légitimité de simples
fondés de pouvoir du centre. On préfère
dire les oligarchies désolidarisées de leurs
peuples. Là se place un des thèmes qu’a
notamment contribué à élaborer le travail
critique de la fin des années 90, et pas
seulement au sein de la Fondation du 2
Mars ou la plume d’Emmanuel Todd, celui de la
généralisation de pouvoirs intermédiaires
oligarchiques, oligarchies d’experts,
oligarchies des rédactions médiatiques,
oligarchies évidemment des hyperbourgeoisies,
entourant par des modes de vie visibilisés et
mis en spectacle, les fonctions et les personnes
des maîtres financiers. La mondialisation est
toujours relayée, redoublée, infléchie ou
freinée par des forces sociales et des appareils
politiques, elle est donc bien toujours
politique, à condition d’inclure dans ce
politique aussi les résistances qu’elle
rencontre que les serviteurs préposés à la
soumission des rétifs. Très précisément, c’est,
avec l’indexation de la mondialisation à la
guerre le mot le plus fort et le plus
irrécupérable du livre ; elle se présente, pour
Guy Bois, comme un nouvel
asservissement
des Etats comme des personnes, dans tous les
domaines de la mise en réseaux, des productions
industrielles agricoles etc., mais aussi des
activités intellectuelles, culturelles,
artistiques, pour autant que leur
mercantilisation et leur séparation oligarchique
achevées à l’égard des cultures et des peuples
réels permettent encore de leur attribuer encore
ces noms empruntés au cours antérieur des
civilisations.
Pour la France, depuis le moment charnière de
1984, cette conjoncture s’est traduite
principalement dans la fuite en
avant européiste, au sein d’un appareil
trans-Etats briseur d’Etat,
d’agricultures, d’économies différenciées,
d’autonomies populaires empaysées, machine à
disloquer, déréguler, privatiser, régionaliser,
communautariser et surtout à brider la
croissance asservie à un monétarisme borné : le
mark, le franc puis l’euro, forts. La
conjuration des media centraux écrits et
audio-visuels pour interdire toute ouverture
historique qui ne soit un destin de fusion dans
un grand tout opaque et sans volonté propre,
horizon de la pensée unique fonctionne
comme pouvoir spécifique qu’on ne peut affronter
qu’au risque de sa survie sociale.
On est loin dans ce livre de mièvreries
consensuelles sur les travers, amendables par
des régulations, d’une
évolution économique qui serait de
toute façon inéluctable, ou finalement
bienfaisante.
On ne risque pas, à le suivre, de prendre au
sérieux cette récupération acceptable du
processus qui tente tant l’écologisme,
dans une supposée, et supposée vertueuse,
complémentarité du global et du local
qui n’est jamais que la maxime des grandes
multinationales. Guy Bois est historien,
non dans la régression de l'atomisation
pointilliste d'une discipline historique qui
s’est, selon lui, très majoritairement
auto-dissoute dans le sociologisme et le
subjectivisme, mais dans la définition
braudélienne d'une science historique comme
histoire sociale, au sens par trop
enterré d’histoire générale du monde, de
ses Economies certes mais aussi, préciserions
nous, inséparablement de ses Sociétés et de ses
Civilisations : ESC, c'était le sigle et
la devise des Annales avant leur affadissement
dans l’agrégat actuel des sciences sociales à la
remorque d'une sociologie pétrifiée dans
l'objectivisme et l'idéologisation éthologique
(domination).
C’est peut-être sur la prise en compte des
civilisations dans l’analyse que nous restons,
nous l’avons déjà dit, un peu, dans ce livre,
sur notre faim. Les modalités de résistance à la
mondialisation, leur intensité, leur
négociabilité ne passent-elles pas aussi par des
fondamentaux civilisationnels inscrits aussi
dans l’espace et qui ne se résolvent pas
dans la seule mondialisation du capital ou dans
les résistances s’exprimant en clairs intérêts
de classe ?
Entre novlang
et débandade de la raison ?
Le titre disait assez qu'il ne s'agissait pas
seulement de penser pour penser la mutation
inédite que subissent les sociétés, il ne
s'agit pas non plus de laisser croire qu'on
puisse l'infléchir en suivant ceux qui feignent
de la combattre dans la soumission commune à
l'essentiel de la domination mondiale. Dans le
champ politique comme dans celui de la culture
et du savoir, les compères de la pensée
unique mondialiste s’enveloppent toujours
plus de mots morts qui ne désignent plus rien
d'opérant sur le réel et contribuent à
l'inverser et l'occulter pour se servir des
pensées comme d’un moyen de domination et de
verrouillage de toute alternative. C'est
d’ailleurs la définition même, en tout cas
althussérienne, de l'idéologie et c’est une
question plus vitale que jamais quand elle est
mondialisée. Rien de plus fallacieux que l’idée
d’une fin des idéologies, qui nous ferait
revenir dans un quelconque ordre naturel
de la main invisible du marché ou de
l’organicité d’une humanité réduite à l’espèce
dans une mondialisation achevable. La
mondialisation à son (ses?) idéologie(s) ;
elles prospèrent sur la crise des institutions
spécialisées dans la transmission et la
production du savoir. C’est pour Guy Bois
l’enjeu actuel le plus important, car c’est dans
les mondes intellectuels et d’abord celui des
sciences sociales, que la régression est la plus
forte. Comme au 14° siècle la débandade de la
raison
–– il emprunte cette
expression à un autre historien, Jean Delumeau
-, accompagne et renforce la crise.
En tout cas Guy Bois ne recule pas devant
l’explicitation politique de sa critique du
politique ici et maintenant. Une postface
consacrée à la dérisoire affaire médiatique des
Nouveaux réactionnaires,
redouble encore le propos comme s’il craignait
d’être resté insuffisant. Tout le chapitre
II pourtant (La mondialisation et le rapport
Gauche/Droite), se donne pour tâche de
décoder et déblayer les verbalisations
politiciennes qui obscurcissent les enjeux
essentiels. L’historien qu’est Guy Bois excelle
dans la démonstration du dévoiement le plus
significatif de ces discours,
l’anachronisme. Les notions et les
slogans qui prétendent se présenter comme
critiques radicales, alors qu’elles ne sont
souvent qu’hystérisées, en se coulant dans une
tradition fossilisée de la gauche d’avant
1984, plaquent des contenus confus
spectaculaires mais toujours empruntés à des
situations historiques antérieures
instrumentalisables par leur charge affective,
pour masquer l’obsolescence de la polarisation
droite/gauche devenue insignifiante face à la
mondialisation - Mots de vitupération
proclamatoire contre un trop vague
libéralisme, faux adversaire principal,
entité molle autant qu’abstraite même
regonflé par un ultra - Mots
moralisateurs et terroristes de la bien-pensance
du haut des classes d’experts ou de médiateurs
mondialisés disqualifiant tout ce qui est
populaire comme indigne. Penser, c'est
ré-interroger sous le prisme de la
mondialisation le lexique entier d'une
militance politicienne close dans
l’autoréférence et le contrôle social mutuel,
l’autre forme complémentaire de
l'Empire du bien se drapant dans de grands
mots neutralisés : Anti-fascisme de
parade,
Anti-racisme d'exclusion,
Militantisme d’accusation,
Devoir de mémoire de la réécriture d'une
histoire nationale totalement négative, mythe
inversé et tueur de temps
des démystificateurs patentés. L’essentiel est
toujours de cibler un faux adversaire, et faire
d’une pierre deux coup si cet adversaire c’est
soi-même que l’on invalide comme résistant
possible. Ne s’agit-il pas toujours d’abolir le
peuple, dans sa trilogie concrète, le peuple
souverain, les classes populaires, les classes
travailleuses, confiné s’il résiste, entre le
mythe (éradiqué par les modernisateurs) et
la déshumanité, qualité spécifique de
toutes ses expressions propres vues du haut des
oligarchies mondialisées. Ainsi a semblé se
réaliser surtout en France entre 1984 et
1995, cet idéal rêvé des candidats oligarques de
l’Après Révolution Française, sur lequel
ironisait Pierre Bourdieu (oubliant heureusement
pour cette fois de démystifier) : non
seulement une bourgeoisie sans prolétariat
mais une
démocratie sans peuple.
L’Europe telle qu’elle se fait y pourvoit pour
Guy Bois, chaque jour davantage. A l’image du
Cesar conquérant la Gaule vu par Brecht, elle a
dans chaque société pour ce faire, au moins un
cuisinier. N’aurait - on identifié avec lui que
ces trois personnages, le gaulois, Cesar et le
cuisinier que l’on n’aurait fait un grand pas.
Entre Mondialisation
Anti-mondialisation une course de vitesse
est engagée :
La mondialisation n’est pas inéluctable
!Guy Bois ne sépare pas l'analyse fondamentale
de l’urgence de repérer et renforcer les unités
de RESISTANCES possibles. Le mot n’est
pas indifférent il est revendiqué avec rigueur
et clarté comme prise de position à la fois
scientifique et politique. La référence est
explicite à Juin 1940 pour l’immensité des
enjeux et à la nécessité de nouvelles alliances,
sans rapport avec les schémas politiques
préexistants. Les résistances à la
mondialisation sont aussi multiformes que
les modalités de la servitude. Entre
l’irréductible rébellion de dignité personnelle
de ceux qui osent affronter le contrôle social
de l'épuration et du nivellement des pensées et
des
passés qui ne pasent pas et les
luttes sociales collectives de la résistance
économique à la substituabilité et flexibilité
généralisées, il n’y a pas à choisir ; mais le
passage le plus obligé reste la mobilisation de
ces formes politiques irremplaçables que restent
les Etats-nations. Guy Bois insiste sur la
nécessité de discriminer dans les mouvements qui
s’avancent comme résistants, les composantes les
plus conséquentes face à la nécessité des
solidarités populaires sans lesquelles le
verbalisme et l’isolement activiste et gauchiste
sont souvent certains. C'est en leur sein que
peuvent encore se conjuguer des mémoires
historiques de liberté et d’audace,
transformatrice ou conservatoire
, et des re-surgissements de
luttes de classes capables d’étayer
leurs acquis sur les compromis garantis par des
Etats. Malgré l’inégalité des signes visibles,
nulle part, parmi les nations du monde, y
compris celles de l’Europe occidentale ou
orientale, ne disparaît vraiment cette immense
légitimité ineffaçable du
droit des peuples à disposer d’eux-mêmes
dont la tentative de disqualification obstinée
par le haut depuis vingt ans se présente
comparativement comme une des plus
stupéfiante impostures de l’histoire,
illustration extrême du détachement des
appareils politiques et médiatiques à l'égard de
leur propre société.
Ce combat silencieux immense et occulté des
Je maintiendrai, du vouloir vivre des
peuples, doit être perçu et relevé là même où il
est dénié, chez les dépités chroniques
mais inconséquents qui passent à chaque vote
des pareils aux mêmes. C’est plus encore le
sens du retrait apparent, (ou du saut hors-jeu),
des multitudes populaires désormais
majoritairement
non inscrites ou abstentionniste ou
réduite aux votes tribunitiens. Tous, - chaque
vote, chaque sondage, le redisent plus fortement
-, tous sont sans illusion sur les oligarchies
d'experts et de gendarmes de l'ordre mondial que
sont devenus leurs représentants
politiques ou médiatiques. La pire erreur serait
pour Guy Bois, de les abandonner.
A l'heure ou un contradictoire alter
mondialisme (en danger de se confiner dans
la contestation intellectuelle et le
voyage-manif-spectacle déjà ritualisé, souvent
lissé par des institutions), devient un objet
présentable par les media, Guy Bois maintient
clairement à la fois des concepts (mondialisation,
mondialisme) et un mot d'ordre
d'opposition anti-mondialiste. Les
indispensables, (qu'on ne se trompe pas sur
notre critique) surdiplômés d'Attac ont
désormais à leur disposition un instrument
décapant pour éprouver leurs positions et leurs
actions. Après ce livre, sans doute va t il
falloir clarifier, c’est à dire choisir des
voies politiques des alliances.
La mondialisation de Guy Bois
n'est pas un phénomène récupérable. Il n'y a pas
d'alternative en son sein. Elle est par nature
la négation même de toute alternative. Un monde
qui, dirions nous dans un autre langage que le
sien, produit actuellement sa propre prédation
entropique par ce que, en se
dé-différenciant, il tend à réduire l'humanité à
l'Un, la nécessité unique le trépas.
La Pensée, Le marché ! L'Empire, L’Individu le
Globe ! Et, ce paradoxe monstrueux
de l'unité d'une fragmentation individualiste
et/ou ethnique irréductibles et de l'organicité
d'une espèce biologique massifiée.
Ce sont les sociétés humaines et,
ajouterions-nous humanisantes, non
le néant régressif d'une pseudo et entropique
citoyenneté du monde qui maintiennent une
possibilité pour les hommes de faire encore un
peu peut-être, leur propre histoire. S'il
n'y a pas de résistance sérieuse hors de celles
des Sociétés-Etats et de la politique (non la
gouvernance qui entérine la chosification
des hommes administrés) qu'elles informent et
qu'elles induisent, résister c'est le contraire
de s'enfermer. C’est rester debout à tous
les niveaux de pratiques sociales. Ainsi écrit
Guy Bois le domaine le plus frappé ... (par
le naufrage de notre système d’enseignement et
de recherche) .... est celui des
universités... en une dizaine d’années, (elles
sont) devenues des champs clos où
s’affrontent des clientèles. Résister contre
la mondialisation, ce fut aussi à Nantes refuser
l’épuration disciplinaire des sciences sociales,
tombeau du rationalisme scientifique et de la
liberté de pensée. Résister, - et c’est encore
nous qui, ici de la Basse Loire de Nantes
à Saint-Nazaire, explicitons, - c'est clairement
refuser la mise à l'encan des Chantiers de
l'Atlantique, par Alstom multinationale
française (?). C’est appuyer tout pouvoir
politique qui refuserait vraiment l’injonction
« européenne » ( ?) du démantèlement. Résister
ce fut aussi ces derniers mois, et ce n’est pas
fini, participer à la plus grande mobilisation
de tous les temps donc inter - nationale
contre l’invasion et la colonisation
états-unienne de l’Irak. Ce fut au printemps
2003 évidemment s’inscrire solidairement dans la
révolte qui souleva la société française, moins
à l’appel de directions syndicales, d’évidence
déjà résignées après vingt ans d’abandons, mais
derrière l’exceptionnelle et également
historique, grève des professeurs maîtres
d'école et autres salariés d’une éducation
qu’on prétend ne plus devoir être nationale
et qui n’ont jamais autant été emblèmes
légitimes de toute une société. Ce mouvement
s’est noué sur un double mais inséparable enjeu.
Celui du cadre et du niveau d’égalisation au
plus haut niveau possible de la transmission des
connaissances et de la mémoire et corollairement
l’unité des statuts garantis de tous ceux qui
sont requis directement ou indirectement pour
cette transmission. Celui de la solidarité
organique des générations d’une société liant
son avenir et son passé dans la question des
retraites. Ces deux marqueurs de
civilisation de la société française
aboutis entre l'apogée des Trente
glorieuses et 1984 sont également menacés par
les relais politiques européens et français du
nivellement mondial des individus nains de
marché. Les deux composantes de nos
alternants politiques n’ont-ils pas ratifié
ensemble l’accord de Barcelone de mars 2002 sur
l’allongement de la durée des cotisations et
l’imposition universelle du recours aux fonds
de pension, c’est à dire, après la
mercantilisation et la précarisation des vies,
cet achèvement, l’asservissement financier des
fins de vies ?
 |
Eros turannos
(Platon La République)
ou
le
mondialisateur 2011
titre
de la rédaction du site sur un dessin
d'Anne Réault 2008 |
Nous
rêvons, ou plutôt nous ne rêvons pas, voulons
nous inscrire
dans un effort pour induire une résurgence
scientifique et critique des sciences sociales
(d’évidences si essoufflées et en manque de
grandes pensées ouvertes), autour de cette
réflexion si féconde en re-questionnements aussi
fondamentaux qu’exaltants. On conclura ici sur
deux ou trois réflexions qui, pour être dans
l’axe historique du laboratoire où nous
travaillons depuis si longtemps, ne nous en
paraissent pas moins constituer les linéaments
d’un programme universalisable. Une des
premières exigences serait d’en finir avec
l’anti-peuplisme théorique qui pèse si
lourdement par ses censures et ses propos
verrouillés.
Une des premières tâches serait d’intégrer dans
la pensée des sociétés et des classes le constat
nécessaire de la scission, déjà adjugée pour
l’essentiel, des classes populaires et des
peuples à l’égard du mouvement du monde réduit à
celui de la mondialisation et de ses idéologues
modernisateurs. Une autre serait d’oser
regarder en face la question des modalités
actuelles de la souveraineté du peuple. Cela
reste la question même de l’avenir de la
démocratie qui devient insignifiante si l’on
prétend la séparer des peuples souverains.
L’équation imposée et abusive d’un peuple
immontrable et disqualifié justifiant une
oligarchie légitime fait le lit de la
décivilisation induite par un capitalisme qui ne
trouve plus en face de lui de sociétés et d’Etat
pour lui imposer un ordre social, seule modalité
possible d’un ordre humain.
La seconde tâche se déduit de la première mais
en l’englobant largement, puisqu’il s’agit de
refonder une culture du jeu démocratique, en
partant de la critique de l’existant déjà
engagée dans les pratiques
en avance sur les pensées établies : ce serait
avoir l’audace d’expliciter la caducité pour les
multitudes d’un clivage droite/Gauche qui n’a
strictement plus rien à dire sur la nouvelle
conjoncture du monde et qui en occulte les
enjeux. Ce serait élaborer, entre résistance
et progrès les analyses,
sinon d’une radicale opposition, en tout cas
d’une nouvelle interférence à construire
acceptant une nouvelle organicité de la
mobilisation des peuples à la fois
transformatrice et conservatoire
des acquis menacés de l’humanisation et des
conquêtes populaires et nationales, plutôt que
le bougisme prédateur,
l’injonction modernisatrice du mondialisme.
Cette nouvelle configuration permettant de dé-penser,
(penser à l’envers, disait I. Wallerstein il y a
dix ans au LERSCO), le politique et la
politique constitue une véritable
révolution culturelle pour les appareils, les
militances mais aussi de plus en plus les
clientèles décitoyennisées accrochées à l’ordre
ancien qui a engendré la soumission et le
retour différentialiste de l’inégalité devant la
loi. Cette nouveauté n’effraie cependant
que les oligarchies. Les multitudes populaires
l’ont pour l’essentiel déjà entérinée, comme en
témoignent, en France et dans tant d’autres
sociétés, à la fois leurs votes et leurs
abstentions. On l’a vu de multiples
chercheurs, sociologues, historiens, économistes
ont déjà intégré plus ou moins partiellement
cette nouvelle donne. A l’instar de la
Sorbonne des 14ème et 15ème
close dans la vaine scholastique du nominalisme
et du réalisme, les flancs de l’Université
seraient-ils devenus trop étroits pour enfanter
les sociologues et anthropologues des sociétés
et des mondes de la mondialisation ? Nous
partageons le constat de Guy Bois. Peut-être un
peu moins son pessimisme ?
Anti-mondialistes
unissez-vous,
conclut l’éditeur
! Programme aussi audacieux que politiquement
incorrect si on le prend au mot, car il refuse
l’enfermement dans les camps politiques
dédifférenciés sur l’essentiel,
mais sans alternative non plus, invitation aussi
faite à la discipline historique à retrouver
certains questionnements délaissés. En gros
depuis la mort de Fernand Braudel, l’historien
qui voulait rester citoyen s’est souvent vu
sommer par des pairs abusifs d’abandonner ces
impossibles ou ces pathologies de la discipline
que seraient également devenues l’histoire
nationale et l’histoire générale du monde, mais
aussi l’histoire des luttes populaires qui
s’inscrivent dans ces deux unités humaines comme
dans ce qui fut l’idéal internationaliste, dont
le mondialisme n’est pas la réalisation mais
l’inversion. Les impasses historiques de la
mondialisation réelle n’imposent elles pas de
ré-interroger les impasses où la discipline
instituée de la science historique s’est souvent
elle-même même fourvoyée ? Il y a encore des
historiens pour çà. Il y faudrait aussi des
sociologues.
Jacky REAULT
LESTAMP
Université de Nantes
4 octobre 2003.
___________________________
Février 1984 Vive la Crise. ! P.
RIMBERT, Eternelle pédagogie de
la soumission Il y a quinze ans, « Vive
la crise ! » Monde Diplomatique. Fév
1999
Travaux pratiques de la mondialisation,
la digestion du groupe français héritier
des inventeurs de l’aluminium
Péchiney, par l’américano-canadien Alcan
laissera un goût amer au salariat de ce
groupe traité en âmes mortes.
Laboratoire d’Etudes et Recherches
Sociologiques sur la Classe
ouvrière(CNRS) 1972 détruit en pleine
vie en 1996 par les représentants de la
Discipline dans les appareils d’Etat.
qui visent aujourd’hui son héritier
Lestamp.Sur
le LERSCO qui fut une ambition
anachronique mais aussi une grande
entreprise et surtout sur ses limites
conceptuelles lire notre article J R de
Nikos Poulantzas à Cornelius Castoriadis,
les ponctuations grecques d'un
itinéraire sociologique (1968-2009) in
Antigone Mouchtouris, Actualité de la
pensée grecque. Paris 2014 (à
paraître)
Si voux acceptez le désordre
monétaire vous serez asservis. G B
cite Armand Rueff, l’économiste de
l’étalon or et de l’indépendance
nationale: En 1971 avec la désindexation
de l’or et du dollar Richard Nixon
enclenche le processus.
Fernand BRAUDEL avait livré dans le Dossier de
l’Expansion, Deux siècles de
révolution industrielle, Pluriel
1983, son analyse de la crise d’après
1973 considérée par lui comme
singulière, et non banal moment
cyclique. G Bois inscrit sa
crise systémique (sans solution au
sein des mêmes structures), dans le même
fil, mais avec une moindre importance
donnée à l’interférence dégagée par
Braudel d’un moment dépressif de cycle
Kondratieff et d’un trend séculaire long
également baissier.
Nous en étions aussi. C’est la
mondialisation même, le souffle du 11
septembre 2001 et l’interdit
induit d’y parler de l’Amérique et
d’Israël, qui a scellé son déclin après
l’éloignement de son initiateur
Philippe Cohen. qui avec Pierre PEAN,
vient de livrer le si nécessaire :
La face cachée du Monde. Du
contre-pouvoir aux abus de pouvoir.
Mille et Une nuits, 2003).
L’un
des plus jolis essais de penser du
grand cirque sociétal de l’après 21
Avril 2002 émane d’un auteur
irrécupérable pour des pensées en camp,
Philippe MURRAY, Le réel est reporté
à une date ultérieure. Tribune
libre, le Figaro 11,12 mai 2002.
On lui doit aussi ce chef d’œuvre Chers
djihadistes. Editions des Mille et
Une Nuits 2002.
Lire ce chef-d’œuvre de lucidité
amère mais non désespéré. Stanko Cerovic.
Dans les griffes des humanistes.
Climats 2001
S’il
ne renonce pas à l’héritage Braudelien (l’histoire
générale du monde et le temps
long des civilisations); pour le
plat de lentilles de l’’histoire (micro)
sociale, ou sociologisée, c’est à
dire coupée de l’espace-temps par les
bataillons disciplinaires.
C’est un point essentiel de démarcation
d’avec les tentatives libérales
de banalisation de l’actuelle crise du
monde dans un comparatisme négateur
d’histoire. Les héritiers de la
Fondation Saint Simon, championne du
peuple introuvable et du mythe
du peuple, promotrice de l’exclu
contre le salarié nanti,
publient, en contre-feu de G. Bois,
Notre première mondialisation.
Leçons d’un échec oublié. Seuil.
2002, livre par ailleurs savant et
réfutable de Suzanne BERGER.
Ce thème cher au merveilleux Pascal
QUIGNARD (Les ombres errantes,
Grasset 2002), n’est pas pris en compte
comme tel par Guy BOIS sauf
implicitement dans la dénonciation du
nihilisme des ex-progressistes
post-modernisés.
Nous
employons cette expression dans le sens
historiquement circonscrit au moment
historique des sociétés salariales
(BRENDER, AGLIETTA o. c.),
indépendamment de toute illusion sur ce
que fut le progressif de
l’évolutionnisme naïf dont Cl. MICHEA a
montré dans L’Impasse Adam Smith,
Climats 2002, la convergence
structurelle avec le délire libéral
et l’esprit même de la mondialisation.
Emmanuel
TODD, Après l’Empire Essai sur
la décomposition du système américain.
Gallimard 2002.
DUCLOS Denis, Le Monde Diplomatique,
Août 1998, page 16 ;
Une nouvelle classe
s’empare des leviers du pouvoir mondial,
Naissance de l'hyperbourgeoisie
C’est nous qui citons ici l’immense et
prophétique George ORWELL de 1984
.
C'est
d'ailleurs le point le plus crucial qui
oppose - désormais judiciairement
l'oligarchie du Monde (le quotidien) à
Philippe Cohen, initiateur de la
Fondation du 2 Mars, (ex. Marc Bloch)
qui entama la critique qu’achève Guy
Bois. Le coup de tonnerre du 21 avril
2002 a cependant contraint, en France,
les personnels politiques à infléchir
leur propos sinon leurs actes
politiques, dans le sens d’une référence
verbale nouvelle à la solidarité
nationale et populaire.
Le dur désir de durer
comme nation dans la mondialisation
qui pratique et proclame la table rase
générale n’est ni survivance
nationaliste, ni maladie honteuse,
simplement le premier devoir et retour
aux sources du Printemps 1789. La
Bastille parisienne comme les chartiers
ruraux archivant les droits féodaux sont
investis au cri de Vive la Nation.
Honorant une Léonarde rappellons que
c’est la députation bretonne aux
Etats Généraux qui fonda le Club breton
bientôt rebaptisé Club des Jacobins.
Vive le Léon, terre des prêtres
peut-être, mais vivier de culture
démocratique aussi ce qu’avait déjà
souligné A Siegfried (Tableau
politique de la France de l’Ouest)
avec ses familles souches solides
inscrites dans l’éternité (relative) !
Un livre fondateur sur ce thème, Roger
DUPUY. La politique du peuple.
Racines, permanences et ambiguïtés du
populisme. Albin Michel 2002
révolutionne l’histoire et la sociologie
politiques. C’est la lecture nécessaire
après G Bois.
Nous définissons le
populaire dans
l’interférence organique insécable, des
trois acceptions classiques du peuple,
Classes populaires/ culture commune
transversale /Peuple
politique. Il a valeur
civilisationnelle, garant de la forme
société ?
__________________________________
Jacky REAULT
Pour un lieu
commun des sciences sociales
Jacky Réault
4 déc 2004
Lors du
colloque international de
décembre 2004 un premier
manifeste, pour une
recherche libre en interférence
mais à distance des
institutions, face à la crise de
la sociologie ce texte de Jacky
Réault avait servi
d'introduction au Colloque
Les sociétés de la
mondialisation* Le voici
in extenso. Il serait à
compléter, pour cerner la ligne
épistémologique de ce site par
par la communication de Joëlle
Deniot, A so small word,
Crise de la sociologie et crise
mondialiste et par
l'essai de J Deniot, J Réault,
Du commun, critique d'une
sociologie politique, suivi de
Du Populaire.
Voir sous Essais
sur l'index du site
-
I -
Adresse d'accueil aux
participants
Salut
d’abord à celles et ceux qui
sont venus d’Oulan-Bator ou de
Ouagadougou, de Bucarest
et d’Agadir, de Lisbonne ou de
Londres voire des Pays-Bas,
salut à celui qui est passé par
Rancagua au Chili pour nous
parler d’un anti-avenir
possible, salut à celui qui sera
comme ambassadeur d’Istanbul
notre autre Rome plus troublante
de son ambiguïté radicale, salut
aux francophone de Genève et
d’Oran, à celle dont la voix
restera anglaise pour évoquer
les frontières de l’Ulster, aux
voix italiennes qui nous
parlerons de la fête et de la
céramique en Grande Grèce, à la
voix espagnole venue d’Alicante
pour évoquer des villes
mondialisées. Merci à ceux qui
vont nous transporter comme en
tapis volant entre le Cameroun
les Etats Unis et Calcutta, Sao
Paulo Rome et Bamako, la
Bulgarie l’Inde et Dar es Salam,
entre la Silicon Valley et
Bangalore et même par Royaume
uni qui n’a rien d’une troisième
voie. Bravo à ceux qui
évoqueront des continents et
même cet objet si difficile à
identifier qu’est l’Europe, à
ceux qui évoqueront le destin
mondial de religions voire des
civilisations entières ou
continents entiers à ceux qui
s’exposent à penser le monde lui
même. Merci d’être là à ceux qui
viennent de cette France une et
diversité entre Paris, Brest,
Toulouse, Montpellier, Aix-
Marseille, Limoges ,Bordeaux,
salut à nos voisins d’Angers et
de Rennes, de Tours. Merci à la
douzaine du Lestamp dont la
plupart ont assuré à la fois
l’intendance la pensée et la
voix.
Votre présence impensable il y a
seulement six mois nous comble,
fait événement. Le monde est
donc pensable ! N’ayons pas
peur !
Après le salut comblé, le risque
extrême d’inaugurer sans clore,
de constituer sans préjuger. Si
une simple formule peut résumer
ce que nous allons tenter de
dire en guise d’accueil nous
proposons celle ci qui es, pour
nous, mieux qu’un programme, un
espoir. Pour un lieu commun des
sciences sociales.
- II -
Jacky Réault 4 décembre
2004 Lestamp ea
Université de Nantes
Comme
un manifeste
|
Du Lestamp aux sociétés de la
mondialisation, Pour un lieu
commun des sciences sociales
Libres associés
Le Lestamp est heureux de vous
accueillir à Nantes ;
laboratoire d’universitaires
patentés mais déjà associés à
leur compte et roulant vers
l’indépendance
institutionnelle, ouvert, petite
universitas magistrorum
discipulorum. En ces temps
de
mastérisation niveleuse et
semestrialisée où il ne
serait plus question que
de réduire la voilure des
savoirs et de s’aligner dans les
bornes de l’emploi régionalisé,
verrouillé dans des clientèles,
nous n’oublions pas d’où nous
venons et ce que nous voulons
transmettre, cet inestimable
objet de la transmission[1] :
des filiations de maîtres et de
savoirs, qui capitalisent des
fondamentaux fragiles, suspendus
aux mémoires vivantes qui ne
cesseraient jamais de
transmettre ; sociologues
pour la raison sociale, à ne pas
trop prendre au mot des
indurations institutionnelles,
les femmes et les hommes en
société, mais aussi les
sociétés elles-mêmes, voire des
ensembles plus vastes encore, -
les civilisations ?- sont notre
affaire, holistes
et
individualistes,
inséparablement nous tentons
d’être…, mais avec beaucoup
d’autres corporations : les
sociétés humaines et leur
devenir sont affaire trop
sérieuse pour être abandonnée
aux sociologues.
Qu’importent les emblèmes
spécialisés et par trop séparés
où nous faisons, souvent par
hasard, nos carrières dans une
clôture souvent inversement
proportionnelle à la production
d’idées neuves. A propos quel
était le métier d’Ibn
Khaldoum[2]
inventeur de l’habitus mais, pour ce qui le concerne
pourfendeur de clans, et dont le
programme pourrait être le
nôtre, les villes, les
campagnes[3]
les Etats, dans les aires et les cycles mortels des empires, au
contact des deux grandes
civilisations de la Méditerranée
d’après l’Hégire ? Mare
nostrum
encore ? Nos fondateurs vous
ressemblaient. Ils ressemblaient
en tout cas à la totalité
hétérogène que vous constituez ;
ils étaient aussi philosophes,
juristes historiens-géographes,
nourris de linguistique et de
freudisme et plus généralement
d’anthropologie, devenus
sociologues comme par surcroît,
moment le plus abstrait et le
plus instrumental, le plus
instrumenté aussi ; finalement
plus ou moins sociologisés ,
comme on dit, nous avons eu la
tentation un moment aussi -
comment le nier ? -d’évaluer
et moderniser
nos semblables jusqu’à nous
apercevoir que nous risquions
ainsi de ne plus être ni savants
ni politiques, des idéologues,
voire (cette prise de conscience
étant la plus récente quoique
irréversible), dans le pire sens
du terme, des
mondialisateurs[4] !
Nous n’avons pas assez oublié
cette genèse, pour croire qu’on
puisse penser la
forme société et
surtout les sociétés-pays-réels,
à partir de petits bouts
découpés à la hache au sein de
sous-spécialités, qui plus est
en problématiques closes, pour
croire que des abstractions sur
la société objet construit,
(c’est plus facile que l’opacité
irréductible du réel mouvant)
puissent remplacer la quête
humble et sans fin de la
concrétude des sociétés
existantes, singulières et
toutes cependant dans ce même
bateau dont la coque est la
cinquième planète.
Héritiers, nous osons l’être,
contre les éradicateurs de
culture, nous n’avons pas oublié
ceux qui nous ont formé ou
éclairé de leurs œuvres dans
tous les horizons du savoir et
pas seulement dans les
disciplines estampillées, et
nous ne voulons pas nous séparer
de bien d’autres contemporains
vivants, tout aussi divers
auxquels nous avons aussi
adressé, comme à vous, notre
appel à communiquer,
comme on dit ... En espérant
qu’on échangera sur le dos de la
même terre, que nous grattons
d’habitude sans trop sans nous
voir mutuellement, bien autre
chose que de la
communication, cet art du
vide et de
l’insignifiance[5] où nous
confinerait la bien-pensance
utilitaire et l’interdit du
nécessaire conflit d’idées.
Transformations et
Acculturations Populaires ::
c’est notre cible générale tout
autant politique, sociétale et
sociale, on ne nous suspectera
pas trop d’être dans l’air du
temps central de la discipline ;
ce qui ne nous rend pas pour
cela, au contraire peut-être,
étrangers au Temps du monde[6].
C’est du sein de ce bloc de
questions que nous avons profilé
notre appel, parce que, d’où
nous parlons, il était devenu
nécessité à la fois intime et
publique, de justifier notre
existence et de faire connaître
notre expérience. En une phrase
où convergeraient la plupart
d’entre nous, la
mondialisations ne pourrait-elle
pas, peut-être, se résumer
aussi (à supposer, propos certes
bien fou[7],
qu’elle soit achevable), comme
un processus et des politiques
tendant à la fin des peuples.
Le retour à l’espèce terrestre
unique est également fantasmé
par les Castor et Pollux (sur ce
point interchangeables ? ) de
l’impasse Adam Smith[8], les
néo-progressistes et les
pan-libéraux, également
religionnaires du mouvement du
monde quel qu’il soit et où
qu’il aille. N’est-ce pas
toujours le "one best way",
bougiste
dit joliment Taguieff[9] ? Bougistes d’hier et d’aujourd’hui,
négateurs d’histoire,
déconstructeurs de sens et
liquidateurs de mémoires, sous
l’emblème de la réforme
sans fin[10],
N’a - t -on pas chez tous le
module unique des déjà
mondialisés, notamment dans
l’archipel des capitales,
ou d’une autre façon des
déterritorialisés tant à
l’égard des peuples qu’à l’égard
des sens[11] ?
Questions que tout cela !
Rassurez vous, questions
seulement !
Questions quand même!
Milieux
de Nantes milieu du
monde ?**
Que nos débats soient en quelque
sorte l’empire du milieu ! Nous
vous accueillons dans un site
qu’on appelle opportunément, la
Médiathèque, en une ville que
les physiciens du globe,
rejoignant tardivement les
géographes, considèrent comme
centre des terres émergées.
Cette ville est un courant
d’air culturel, où
convergent et cohabitent
(abstraction faite du flux
récent de cadres supérieurs
parisiens, très branchés
très court-barbus de trois jours
version Canal plus, assez
mondialisés, très
lieu unique en un mot),
trois provinces entrées en
République au prix historique de
quelque guerre civile aux effets
toujours vifs. Où nous porterons
nos regards ce soir en sortant
d’ici, c’est un fleuve, un port
mort, avec comme horizon la
ligne où tombe chaque jour le
soleil. De ce balcon, sur la
lumière qui se noie, l’occidant
même, le point d’observation
n’est pas mauvais, sur ce qui
veut vivre, et sur ce qui se
laisse mourir, sur ce que l’on
occis peut-être, aussi dans ce
monde, que, non sans
dérision de quelque dieu, l’on
peut aussi penser, d’ici encore
mais en regardant à l’antipode,
dans son recentrage…
Pacifique.
Notre laboratoire et c’est le
seul sans doute dans sa
discipline, maintient dans son
intitulé ce mot modeste de
milieu
: le contraire en termes de
connaissance de l’homogène, du
réseau[12], de l’épuration, du
champ. Milieu, lieu commun
du complexe et de l’hétérogène ;
au point que l’on ose y trouver
encore, avec des géographes, des
anthropologues, des historiens
et quelques héritiers de
Sigmund l’incorrect, des
signes mêlés à de la nature, des
corps sexués, des climats, - au
sens de Montesquieu - , au point
que l’on ne s’effraie pas non
plus de l’insertion de machines
et de produits, de matières pour
parler cru[13], de modes de
production et d’échange[14] au
sein même de la société comme
texte, selon le maître livre
de Pierre Legendre[15] ; Penser
en milieu, suppose pour le moins
des signifiants quelques peu
matériels et quelque référents
par dessus l’individu du marché
du sociologue et de
l’économiste, trop souvent le
même ; cela suppose peut être
aussi le retour de
sujets debout,
sujet individuel comme sujet
collectif, mais toujours
sujet historique, et pas
seulement le sujet
du droit, ou plutôt d’un
seul droit civil où devrait
s’abolir, selon le rêve actif
des institutions centrales
de la mondialisation, le si
précieux, précaire et dépecé,
droit collectif du travail[16].
A l’instar des géographes autres
fidèles, - nous aimons en tout
cas l’espérer - des milieux,
nous aimons les contacts et les
zones de contact. Nous nous
plaisions à l’avance à vous
imaginer accourus dans ce bon
lieu - mauvais lieu du bord
de l’eau, - délicieuse
équivoque du vieux langage -, du
bord d’une Loire qui donne à
boire à l’océan, où l’on se
souvient pourtant, sur ce fond
maritime et mondial, d’un
triangle immense de voiliers
sans innocence. Mille sept
cent cinquante six courses de
traite entre 1703 et 1831,
entre Nantes, l’Afrique et ce si
mal nommé Nouveau monde.
Au bord de ce quai de la Fosse
qui fut un centre de
cette pré-mondialisation ( ?),
on ne peut cacher, sur ce point,
l’eurocentrisme de Marx lui
même : le capitalisme
engendra et l’esclavage
moderne de ses marges
occidentales comme d’ailleurs le
second servage
de son Orient , bien avant le
travailleur libre de ses
centres
occidentaux.
**/Sur Nantes
l'excès-la-ville-, un essai
d'identification lire
notre essai cavalier (1984,
1989) réédité et régulièrement
mis à jour sur
www.lestamp.com Cliquer Sous
articles dans l'index.
Le festin de Babel
Dans notre World trade center
nous ne vous proposons
cependant, pour ce qui est du
commerce et de la spéculation,
que des idées libres, et, grâce
aux géographes, - et pour autant
que la technique suive -, des
images aussi. Puissent les
idéalités des sociologues
économistes et autres souvent
trop abstraits s’en trouver plus
incarnés comme le sera par
dessus tout çà, peut-être, en
quelque sorte avec le concert
des prises de paroles venant de
si nombreux pays du savoir, ce
que l’on pourrait nommer, comme
une Ode à la voix[17]
plus profonde et plus intime à
la fois que le simple discours !
Les voix c’est une spécialité
d’ici, de Joëlle Deniot en
l’occurrence, directrice d’un
laboratoire occis, présidente
d’un laboratoire naissant. Tout
colloque n’est-il pas un de ces
moment totaux où nos écrits se
font corps et âmes (comme en nos
cours certes, espèce menacée),
mais c’est le seul où nos
pensées se font face en faisant
voix, et où souvent même
(inutile de faire semblant,
nombreux parmi nous sont dans
cette situation ! ) elles se
font voix avant d’être (et
parfois jamais), écrites.
Aimons, aussi, ce que jamais on n’entendra deux fois !
Rendons ici à Cesar et pas
seulement aux princesses du
lieu, ce qui leur appartient :
cet amphithéâtre creuset ouvert
du débat public nantais, (joli
cadeau de la Mairie de
Nantes !), qui sera de vos
pensées-voix le principal et
très précieux écrin. Bref nous
vous invitons à donner de la
voix et pas seulement des
discours.
Le programme, déjà
diffusé, de nos jours et de nos
travaux, cet inédit radical au
regard de chacune de nos
disciplines, le
livret-programme, image et
texte[18], artistes et
paroliers, (vous mêmes en
l’occurrence), que vous avez
trouvé dans votre sac municipal
et nantais, vous l’aura déjà
fait ressentir : nous ne vous
confinons décidément pas dans la
Galaxie Gutenberg qui reste
notre fin et mission propre
d’universitaires et de
chercheurs, mais ici enchâssée
entre le film de ce soir,
Artisan Pickpocket[19],
(notre beau mais terrible remord
à l’égard de la Chine, cet autre
univers qui monte dans le monde
qui va), et l’inauguration plus
festive de l’exposition du
photographe Robert T0, de
vendredi soir, les sociétés
de la mondialisation encore
mais faites images au risque
d’un regard singulier.
L’ensemble des personnes et des
pensées, l’ensemble de ceux qui
vont s’exposer à penser et,
peut-on dire, à imaginer
et imager
dans ce colloque, scandé
d’images fixées, (tout sauf un
art moyen, triste formule),
et animé d’images mouvantes, (le
cinéma ou l’homme imaginaire,
joliment dit par Edgar Morin),
tout nous semble dessiner comme
une forme expérimentale
totalement contemporaine et
totalement enracinée, donc
résolument risquée ; mais du
moins, (c’est ce que nous avons
espéré en nous lançant dans
cette aventure), le profil que
nous aimerions voir se révéler
serait celui d’un espace à
la fois hétérogène et commun, un
lieu commun évidemment,
de sciences sociales (et d’art
vivant réchappé d'une sociologie
désymbolisante), devenu
nécessaire, urgent même et,
osons le dire, libérateur.
Libérateur d’abord pour ceux qui
l’ont organisé dans les rets,
disons, d’une certaine situation
d’étouffement...institutionnel
et disciplinaire.., dans
tous les sens, pas vraiment
joyeux, de ce vocable, à
l’instar des ex-bataillons du
même nom ! Libérateur aussi,
nous l’espérons, pour vous,
toutes celles et tous ceux, (un
peu plus nombreux à s’être
maintenus que les premières
pourquoi ?) qui n’ont pas
craint, dans ce monde de
dé-différenciateurs, selon la si
profonde et prophétique analyse
de Georges Devereux[20], et
rêvant de clones, de prendre le
risque, devenu presque incorrect
avec l’inter (ou pourquoi pas
l’alter) disciplinarité, de
l’altérité des savoirs et plus
encore des questions, voire des
langages, sans s’effrayer du
destin de Babel, du destin ou
plutôt du festin ? Babel
n’est-ce pas, la patrie des
hommes humanisés ce qui
n’est pas (ce qui n’est plus ?)
un pléonasme, c’est à dire des
humains, ayant aussi des
patries, des cultures, des
sociétés des civilisations, ces
médiations en concert
inachevable et peut-être menacé,
de l’universel concret ?
Questions toujours
que tout cela, bien sûr , ne
craignez rien ; mais questions
encore !
Les
sociétés de la mondialisation
entre retour de
sujets de l'histoire et
fourmilière libérale faisant
régresser l'humanité des
civilisations à l'espèce
?
C’est de là, du sein et du goût
de cette
sociodiversité que notre
appel, Les sociétés de la
mondialisation, prend
son origine. Ce chœur des unités
sociétales et
civilisationnelles, n’a rien à
voir avec la maladie
différentialiste qu’a
diagnostiqué Emmanuel Todd[21],
et qui, venue d’Amérique, avait
envahi le discours des
classes parlantes françaises
lors de l’entrée en
mondialisation, en gros, en
France après cette date si
incroyablement connotée à
l’avance de 1984. Certes nous
n’oublions pas que cette
diversité, est en partie
digérée, distribuée en des
lois d’airain (mais l’airain
fond aussi si l’on s’en donne
les moyens !) entre centre et
périphéries.
On n’échappera moins que jamais
au questionnement de cette forme
de valorisation à partir d’un
centre de l’inégalité du monde
que formalisa Fernand Braudel.
Certes est omniprésente
l’expérience si lourde de la
structure totale d'une mutation,(ce)
processus global de
transformation[22],
Mais cela n’épuise pas la sociodiversité humaine pertinente, à l’instar de
l’œuvre des sociétés
braudélienne elle - même où n’a
jamais été tentée la synthèse
entre l’apport sur les
grandes civilisations et
celui sur l’histoire générale
du monde.
Qu’à son exemple notre propos ne
s’effraie pas de balancer sans
jamais trancher entre l’un et le
multiple, pour nous orienter
dans ce labyrinthe historique où
nous sommes. Comment, comme nous
y invitera Guy Bois à la
première place qui lui revenait,
pourrions nous relativiser les
contradictions motrices de la
mondialisation pensée comme une
unité écrasante réduite à la
violente clarification de son
épure ? Les libres échanges
contraints, l’obligation de
s’ouvrir à ce qui vous détruit,
des exploitations d’échelle
inédite, des prédations
terrifiantes d’une planète rare,
des injonctions centrales à des
servitudes sournoises ou
sanglantes. Comment ne pas
penser dans le même temps de
l’immédiate actualité les
prodigieuses vagues de
développement de la Chine à
l’Inde, les effervescences de
néo-tribus anti-destins
collectifs festifs et choisis,
et ces serviteurs électroniques
de la mise en réseau sans qui ce
colloque n’aurait pu exister. ?
Mais ce n’est pas de ce seul
mouvement central ou des mêmes
flux diffus que
s’originent les mobilisations
publiques ou privées,
collectives ou individuelles
dont la mondialisation est la
résultante autant que la cause.
L’on postule que c’est avec
cette
sociodiversité que doit
faire la mondialisation[23].
Imaginaires comme le sont les mythes pour les déconstructeurs de tout
poil, irrationnelles pour
les tenants des faits sociaux
réduits à l’état de
choses
sociales à l’instar des
marchandises, les
identifications collectives sur
des mémoires réelles et
reconstruites à la fois et ceci
sans garantie et sans fin, les
unités empaysées,
dirais-je, sociétés Etats
lignages territoires,
transmissions liant les
ressources avec l’émotion et le
signe, sont tout autant les clés
historiques des
mobilisations qui
affrontent les processus globaux
et les politiques qui les
condensent, jusque dans des
guerres toujours plus
rapprochées.
Guerres mondialistes[24] ?
Comment ne pas questionner comme
telle leur effrayante nouveauté
? Qui nous trouvera des
mobilisations, des résistances
ou des abandons décidés, voire
des ruées modernisatrices et
autres
movidas très réactives, sans
ce que dénient presque toutes
les sciences sociales, sans les
émotions liées à des sens sur le
conservatoire toujours mouvant
des peuples ? Questions encore,
en tout cas quelques unes de nos
questions, d’ici et maintenant.
N’ayons
pas peur !
(Jean-Paul II)
Nous n’aurons en tout cas pas
peur des questions au plus large
y compris l’ultime : qu’est-il
de l’humanisation en crise -
tant le disent parmi les plus
profonds ! - dans le monde qui
va ? L’horizon d’une
société-espèce universalisée
pourrait il augurer autre chose
qu’un destin de fourmilière ?
Mais nous n’avons pas non plus
pensé qu’il y aurait des plus
restreintes questions qui soient
pour cela des moindres. Notre
espace-milieu,
le programme en est assez éloquent, n’a ni haut ni bas,
(ces vilaines formules d’une
post-sociologie des classes
déclinante ou réchauffée), ni
petits ni grands
objets, ni autorités
centrales ni chercheurs
marginaux. Il n’y a de
bornées que les réponses déjà
données dans les questions, une
tentation certes très
sociologique encore et très
économique aussi, arguant
d’épistémologies de la
rupture d’avec le monde
commun. Nous ne sommes pas ici
pour rompre, encore moins
pour
éduquer…cette autre maladie sénile des sciences sociales, à très moyenne
portée, pour contrôleurs sociaux
régionalisés.
Bref, nous n’aurons pas
peur…sinon que ferions nous
ensemble ? pas peur des vastes
questions transversales. Mais
sans jamais oublier que nous
parlons tous et chacun,
modestement, de quelque part et,
les uns pour les autres.
Toujours d’ailleurs.
N’est-ce pas un préalable
absolu - l’ailleurs
- pour qu’ait existé ici,
pendant trois jours, au moins, -
le temps d’une passion -, un
lieu commun qui ne soit pas un
lieu unique, pour que
l’effort d’un
langage ordinaire[25] fasse
reculer nos jargons, nous
permettant de nous entendre
entre nous et d’être entendus
dans un monde commun ? pourquoi
pas d’ailleurs, dans un
common sense[26] - phobie
des idéologues - qui ne refuse
pas aux expériences humaines
pratiques ou réflexives, la
dignité de savoirs
échangeables ? voire dans cette
common decency, à valeur
anthropologique que Georges
Orwell considérait comme la
revendication principale des
peuples quand d’autres
prétendent à leur place et,
voire contre eux, traiter
désormais en nouveaux
oligarques, du bien et du mal,
de la négation des sexes,
des âges, des filiations même,
de la vie et de la mort, de
leurs territoire à dépayser et
de leur mise en réseau ... dans
le
champ ou plutôt le néant
humain d’une post-humanité
réduite au marché mondial.
Aurions-nous une
conception passéiste du
populaire
ou par trop enracinée dans le
printemps 89 ? En tout cas le
lien central de la
mondialisation et du devenir des
peuples, la question de la
voix des peuples est au
centre de notre heuristique du
moment actuel.
Peut-être ne le répéterez-vous
pas !
De
l'aventure à distance
Ce colloque se présente comme la
résultante indéductible d’un
appel indiscipliné aux
travailleurs libres de toutes
les disciplines des sciences
sociales, civilisationnistes,
linguistes, psychosociologues,
anthropologues, historiens venus
trop rares hélas, et beaucoup
heureusement de géographes et
même oserais -je dire des
sans étiquettes (en tout cas
n’avons nous pas su, et eux
peut-être non pas pu,
s’étiqueter ... et
sociologues enfin,
d’appellations contrôlées et non
contrôlées. Tout colloque certes
est une aventure. Entreprise
ne serait pas mal non plus mais,
(comme l’avait noté un, devenu
très lointain fondateur), elle
peut requérir des
entrepris
vilain mot !). Aventure donc, au bord de la Fosse le mot résonne et raisonne
encore assez bien ; encore les
aventures colloquantes
sont-elles en général pondérées
par un double volant de sécurité
: la solidarité d’un
réseau ou sous - réseau
disciplinaire déjà éprouvé dans
quelque expérience antérieure
homologue, la mobilisation d’un
tissu d’universitaires et de
doctorants au sein
d’institutions universitaires
globalement coopérantes ou, au
pire, positivement
indifférentes. De tout cela nous
n’avons eu, à l’instar de ce bas
clergé de 1789 qui finit par
rejoindre le tiers-état, que la
portion congrue.
Ce qu’il est convenable de faire
savoir ici c’est que cette
mobilisation et ce vivant tissus
de jeunes gens, de maîtres plus
ou moins blanchis et d’une
directrice qu’on afficha ici sur
les murs pour mauvaises
lectures, sont bien là, au
centre de tout cela ; mais
pour le reste, tout se déroulera
sans notables, si paradoxal que
cela puisse paraître à
l’épicentre de ces sociétés
d’Ouest qui les engendre à
profusion, hier et aujourd’hui
dans
l’aire et la nouvelle ère des re féodalisations,
(Legendre encore au risque de
Guy Bois en passant par André
Siegfried[27]). Tout se passera
sans filets, sans réseaux, sans
rets donc..., de ceux qui
emprisonnent l’oiseau.
Aventure encore
faire ce genre de colloque dans
ce moment actuel
celui d’une guerre atroce et,
(première dans l’histoire
contemporaine ?) sans un
journalise libre. Moment de la
crise qui vient de s’ouvrir, le
savez-vous, en octobre à
Londres[28], (où la City se
souvient d’avoir été près de
ceux siècles centre d’économie
monde), crise entre les gentils
altermondialistes et
l’antimondialisme réel pour le
moins plus rugueux, le plus
conséquent porté par des soldats
et des croyances et des formes
de guerre inintégrables dans un
Disneyland médiatisé.
Oserons-nous, avons-nous les
biscuits, (invention nantaise au
demeurant que ces deux fois
cuits, pour faire bonne
mesure) pour le faire ?
Oserons-nous affronter tout
cela, ce défi à la connaissance
et à l’action concernant
désormais, quoique à jamais
inégalement[29], la totalité
des hommes d’une planète,
d’évidence sans précédent
historique et sans pôle
antisystémique garde-fou de
l’entropie de l’unique ?
Penser la mondialisation des
guerres mondiales ? Faux
paradoxe Vraie question !
Nous n’en parlerons sans doute
pas ou peu par modestie crainte
ou tremblement, mais
l’historien, que je ne peux
cesser d’être sans cesser
d’être, ne pouvait conclure sans
cette inconfortable évocation
que ne résoudra d’évidence pas
l’invocation des pensées de
camps-clés-en-main de la
simplification binaire :
Laïcité Droit de l’homme
et
Démocratie importée
éclairant le monde d’un
côté,
Islamisme radical ou tout
autre construction qui pense
possible à l’instar des tomates
hollandaises des religions
agissant sans sols, de l’autre !
De cela nous forcément nous
reparlerons cependant.
Deux vœux peut-être pour
résumer ce que nous avons voulu
faire, (mais c’est vous qui
ferez),
Ici donc, priorité d’abord
donnée au Monde réel
qui va … sur les pensées
a priori élaborées,
socialisées contrôlées dans les
réseaux de conquête des places
et pouvoirs disciplinaires.
Priorité donnée au monde qui va
ou ne va pas, c’est selon !
Priorité aux mondes petits et
grand.:
Ici donc, plutôt que le thème
devenu un peu litanie du
local
et du global, et d’abord,
ne l’oublions pas slogan d’une
multinationale[30],
on suggère l’heuristique, plus
proche d’une anthropologie
fondamentale du macrocosme
et du
microcosme ,
pondérée par une monadologie ;
l’inventaire des
composantes du tout est présent
partout, mais pas sa
structure[31]. Le colloque
se clora, non sans quelque clin
d’œil, sur notre -
so small world - la sociologie d’avant le lieu commun ou peut-être en un
autre sens des lieux communs –
mondialisés ?- de la
sociologie !
Deuxième vœu, la revendication
quasi militante - pourquoi
pas ?- (au sein de sciences
sociales tentées par le
sociologisme abstrait),
l’obsession, d’historien
d’ethnographe, de géographe, de
la prise en compte des
singularités, des Unités
concrètes, (ce qui ne veut pas
dire seulement les petites, le
Monde en est une), des totalités
vivantes de tout ce qui est
supposé ne pas survivre à une
mondialisation pensée comme
déréliction comme individuation
absolue.
N’y aurait il de science que
du général, qu’il faudrait
encore plus se méfier, non de la
science, mais de ceux qui
l’invoquent tant pour conjurer
le réel. On se plait à reprendre
à Guy Bois, la thèse de la
singularité radicale de la
mondialisation[32] qui
se noue, il y a trente ans, mais
elle n’est, comme le reste,
acceptable que réfutable ;
si d’autres recherchent, presque
avec émotions, leurs première
mondialisation[33], de
gauche si possible, comme
d’autres leurs premiers
sous-vêtements Petit-bateau, ils
ont bien le droit de le dire
aussi et je mérite un gage pour
sembler me moquer d’eux qui
furent invités à l’instar du
monde entier.
Mais quitte à réintroduire avec
notre inassouvissable faim
d’histoire, la singularité
irréductible d’un
moment actuel
contre l’aplatissement
anachronique ou anhistorique
voire le délire millénariste
d’une fin de l’histoire,
pourquoi ne pas pousser plus
loin le rééquilibrage des
sciences sociales, en quête d’un
nouveau lieu (qui soit)
commun aux spécialisations
disciplinaires et réintroduisant
le singulier des transmissions
donc des signifiances donc des
mobilisations, donc des unités
de permanence et de liaison
humanisante entre des
territoires valorisables des
hommes, des symboles et des
affects, dans une inachevable et
précaire universalisation.
Jacky REAULT
LESTAMP - Université de Nantes
Droits de reproduction et de
diffusion réservés © LESTAMP -
2005
Dépôt Légal Bibliothèque
Nationale de France
N°20050127-4889
____________________________________________
Pierre Legendre.
L’inestimable objet de la
transmission Etude sur le
principe généalogique en
occident. Fayard 1985
Ibn Khaldoum (1332-1406),
Le livre des exemples.
Muquaddima.
In Edition Gallimard 2002.
Moins solubles nous semble t il
qu’on ne le dit, dans
l’urbanisation et la
mondialisation
On s’est plu à terminer ce
colloque sur l’indispensable
critique de la sociologie
réellement existante ou deux
moins sur ceux qui prétendent la
dominer ; avec J. Deniot,
A so small world, inter - dit
sociologique et mutation
mondialiste.
Générique transversal de toute
une série de livres de Cornelius
Castoriadis.
Fernand Braudel Civilisation
matérielle, économie et
capitalisme, XV°-XVIII° siècle
T. III. A Colin. Des
économies-mondes à la mondialisation, la filiation est sans
discontinuité dans la conception
d’une histoire sociale comme
histoire générale du monde,
à l’inverse de l’histoire
sociologiste des thémes partiels
et relativistes comme de
l’interdit de penser les
totalités.
Bien fou pour l’humanité non
pour qui tente d’éprouver
l’heuristique de cette
proposition.
Jean-Claude Michéa, le ré
inventeur de l’anthropologie
d’Orwell et de sa common
decency est de ceux qui
identifient clairement dans tous
les totalitarismes qui se
succèdent, y compris le
« libéral », le fantasme
meurtrier (quand il n’est pas
porté, ajouterions nous,
par le noyau civilisationnel
d’une religion bien enracinée en
sociétés réelles) de
« l’homme nouveau ). Impasse
Adam Smith, Climats,
Castelneau Le lez 2002.
D-R Dufour (infra) reprend et
développe le même thème.
P-A Taguieff, Résister au
bougisme. 2 Mars Mille et
une nuits 2001
le couple délirant crise-réforme, à peu près totalement détaché de ses
signifiants et propositions
originaux, en vient à hystériser
(ou symboliser la dipolarisation
folle) les champs de
représentation et les théories
sociales, face à une classe
intellectuelle quasi amorphe,
qui semble acheter ses concepts
dans des grandes surfaces
discount quand elle ne fouille
pas les poubelles des grands
prêtres de l'économisme et du
scientisme. Djallal Heuzé,
La crise et la réforme: normes
et dérives d'une hystérie
normative. Résumé de
communication.
C’est postérieurement à notre
propre réflexion sur
dépaysements et dépaysation
que nous avons aussi trouvé ce
terme chez Dany-Robert Dufour
après son passage à Nantes,
l’Art de réduire les têtes. Sur
la nouvelle servitude de l’homme
libéré à l’ère du capitalisme
total. Denoël 2003. Nous
nous référons ici aussi à
l’analyse de la crise de la
subjectivation.
Philippe Forget, Gilles
Polycarpe. Le réseau et
l’infini Essai d’anthropologie
philosophique et stratégique.
Economica 1997
Bruno Lefebvre,
La transformation des cultures
techniques. L’Harmattan
1998.
Pierre Cam Le
marché des services et
l’externalisation problématique
du travail.
Communication au colloque.
Fayard 2002.
Pierre Cam o. c.
Formule condensant des
inventions et travaux de long
cours de Joëlle Deniot ; cf. par
exemple L’intime dans la voix.
Ethnologie française. 2002-3.
Gilles. Xxx, Virginie Péan,
Monique Giannesini, Robert To.
Jia
Zhang Ke. 1997
Notamment dans les Essais
d’ethnopsychiatrie générale.
1970 Gallimard, où l’invité de
Fernand Braudel et de Roger
Bastide, l’ethnologue par
excellence des acculturations,
livre pour la première fois en
français son anthropologie
complémentariste d’où
s’inspire directement
l’idée et la forme de ce
colloque.
Le destin des immigrés. Seuil 1994.
Guy Bois, Une nouvelle
servitude ; Essai sur la
mondialisation. François
Xavier de Guibert. 2003.
Nous nous en sommes expliqués in
Jacky Réault, Entre
antimondialistes et
altermondialistes, la question
d’une servitude. A propos du
livre de Guy Bois...
In Papinot Guichard.
De Bretagne et d’ailleurs
Université de Brest, Mélanges
offerts à A Guillou. 2004
Guy Bois,
o. c .
Comment nier sur ce point
l’interférence, même si nous ne
sous en sommes aperçus que
tardivement, de la réflexion
faite au sein du lestamp sur le
commun avec les
analyses de Michel Maffesoli,
notamment dans
La connaissance ordinaire Précis
de sociologie compréhensive
Librairie des Méridiens 1985
Vocabulaire,
(dit,) européen dieu
merci il est heureusement inter
national et inter linguistique )
des philosophies et ses
adeptes l’appellent dictionnaire
des intraduisibles.
Barbara Cassin (Dir.) Seuil.)
Tableau politique de la France de l'Ouest sous la III° République
Paris 1913. réed. A Colin, avec
PFNSP 1964.
Sur le 3° forum altermondialiste
lire en décryptant
l’occidentalisme deuxième
gauche de l’auteur,
Les gauchistes d’Allah, de
Claude Askolovitch, Nouvel
Observateur du 20. 10.04.
Le thème est, nous semble t il,
d’abord léninien mais nous
l’espérons non léniniste ; nous
le développons ici comme
postulat anthropologique de
sociodiversité y compris des
résistances, explicité dans
notre éloge de Babel, dépassant
le moment historique de l’impérialisme
sinon de la mondialisation.
ABB.
Selon la distinction faite à
propos de la vaine opposition
singularité/Universalité, par G
Devereux dans
Ethnopsychanalyse complémentariste. Flammarion.
Nous avons également invité,
sous réserve qu’il nous ait
reçu, Laurent Carroué dont la
substantielle
Géographie de la mondialisation
A Colin 2002 est entrée dans
notre viatique vers ce colloque,
lui qui s’inscrit pourtant dans
la thèse d’une mondialisation
progressive s’originant dès le
15° siècle des grandes
découvertes. Il reconnaît
cependant dans l’actuel moment
une « rupture historique »
Rupture certes mais débat
encore ! Yves Lacoste dont deux
numéros d’Hérodote ont
spécialement traité de la
mondialisation nous a
aimablement adressé ses
encouragement, comme l’a fait
aussi le spécialiste du monde
russe, (orient de cette Eurasie
que pense E Todd), Jacques
Sapir, indispensable critique de
l’économisme régnant.
Susan Berger qu’édite, (ce que
l’observateur du solstice
d’hiver de 1995 en France ne
trouve pas inattendu), la
collection dirigée par l’ex.
Fondation Saint-Simon de P.
Rosanvallon ce rééducateur d'un
peuple mondialisé.
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