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un
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de com.:
joelle.deniot@wanadoo.fr
et
jacky.reault@wanadoo.fr
Entrée
libre
Joëlle DENIOT
Professeur de sociologie à l'Université de Nantes
Droits de reproduction et de diffusion réservés ©
LESTAMP 2005
Que
signifient les multiples rapports à l’écriture
aujourd’hui ?
C’est peu dire que la question est vaste. Il ne s’agit
pourtant pas d’emblée de la réduire. Mais l’écriture ne
peut être, ici, déchiffrée dans toutes ses modalités
sociales ou privées, et ce d’autant plus que
l’engouement actuel pour les messages connectés sur la
toile électronique, vient encore diversifier les
facettes déjà multiples du geste d’écrire. Or si
l’écriture ne renvoie pas à l’ensemble indéterminé des
manifestations scripturaires, c’est aussi -
fondamentalement - que l’on souhaite interroger
l’écrire en un sens plus ultime.
Commençons alors par définir l’écriture comme acte
d’engagement intime dans un désir d’exprimer quelque
chose de vital dont on ne connaît ni la direction, ni la
forme. Prenons pour postulat d’appeler écriture
cette hantise à dire, à faire apparaître ce qui est
encore sans représentation. Cela toucherait à la
souffrance, au plaisir, au sentiment, au travail, à la
perte, au souvenir, à la pensée, à l’errance ou la quête
… autrement dit au plus difficilement symbolisable dans
nos liens à nous-mêmes et aux autres, que ces liens
soient envisagés sous l’angle de notre propre
trajectoire, celle de nos proches ou bien sous l’angle
de l’histoire commune.
Écart sensible
Bien sûr ce postulat radical passe sous silence les
éléments les plus mobilisés de nos usages
professionnels, conviviaux, citoyens de l’écriture. Car
écrire suppose très souvent de fournir un message
conforme à l’attente d’un destinataire qu’il soit
collectif ou individuel, connu ou non, mais toujours
idéalement représenté.
Écrire,
aurait-il pour raison fondatrice d’écrire à … ? d’écrire
pour ? … Sans doute, toutes les formes de l’écrire
en appellent-elles à leur insu, ou de leur vœu, non pas
d’abord à une visibilité, mais plus essentiellement à
une lisibilité. Et c’est précisément la façon de
concevoir ce regard – lecteur, cet Autre dans l’écriture
qui va orienter le cadre problématique du questionnement
du geste d’écrire et placer son interprétation sous le
signe d’une sémiologie plus ou moins ouverte.
En effet, si l’on suppose qu’écrire, c’est toujours
(tendre à) bien écrire … autrement dit toujours (tendre
à) s’inscrire dans un espace sémantiquement,
syntaxiquement, lexiqualement normé par les attentes des
« scribes », des commanditaires, des correspondants on
s’engage alors dans une analyse sémiologique restreinte,
ne mesurant la signification de l’écriture qu’à l’aulne
d’un simple code culturel. Or ce dernier nous renvoie
plutôt à l’ordre du répétitif, de l’interdit, de la
censure et non aux possibilités d’écoute de l’inédit en
soi.
Il est vrai qu’écrire, c’est manier un code rhétorique.
Il est vrai que la socialisation de l’acte d’écrire – en
termes de compétition, de convention, de mode,
d’impératifs énonciatifs ou stylistiques – menace
paradoxalement la création. Mais le geste d’écrire se
situe surtout dans la marge. Il consiste à opérer ce pas
de côté qui s’insurge contre les évidences usées du
langage et qui n’a pas le souci inhibant d’un
destinataire concret.
Aussi pour dire cette marge, peut-être faut-il une
approche sémiologique plus libre ?
Polygraphies de l'être
Souligner qu’écrire est un geste « profondément
intime », ne revient pas à en faire un geste autarcique
ou asocial, bien au contraire. Mais c’est effectivement
ne pas réduire son caractère socialisé à ses seuls
effets de domestication, de standardisation, de
neutralisation issues de tel marché de la communication,
de l’édition ou bien issues des exigences d’une
reconnaissance publique.
Solitaire, l’écriture n’est pas un soliloque. Car écrire
suppose d’être en résonance personnelle avec d’autres
verbes–amis, d’autres paroles–sœurs, d’autres langages
qui vous touchent. Écrire, c’est en ce sens, toujours
co-écrire. Écrire trouve son sol natif dans cette
intersubjectivité souterraine, dans le tissu des mots
ordinaires, dans le tissu des textes qui, dans la vie,
vous frappent l’oreille, l’œil et le cœur. Écrire, c’est
écouter sa voix à travers d’autres voix, c’est entrer
dans une polyphonie des voix humaines ; chœur virtuel
des vivants et des morts affirmant, en amont, la racine
assurément collective et socialement coopérante de
l’acte d’écrire.
Graphismes des traits, chorégraphies des pas, des
couleurs, des volumes l’écriture a plus d’un alphabet.
L’écrire ne se décline pas sur la seule ligne
graphique des lettres. Écrire, c’est chercher ses
traces ; c’est retenir, faire apparaître, recréer ses
traces par une médiation d’images, de symboles noués au
fil des mots, ou bien liés à de tout autres voies :
expressions des corps, des objets …
Si le geste d’écrire est fondamentalement solitaire et
intime, c’est qu’il est souvent suscité par des épreuves
personnelles ou collectives, qu’il est tenu par cet
impossible récit des blessures. « Impossible » … car
écrire, c’est saisir une émotion qui toujours échappe.
L’écriture est souvent considérée comme support de
mémoire, elle se situe plutôt entre souvenir et avenir.
En effet, quel que soit le médium choisi, l’écrire
rêve toujours l’absence : ce qui n’est pas encore (
les possibles, l’utopie, les désirs, les langages
enfouis … ) et ce qui n’est plus ( l’origine,
l’enfance, l’enfui … ). Alors écrire, c’est face au
temps, se donner un espace libre de continuité. Cela
peut être une expérience d’apaisement, toutefois,
toujours menacée … et à reprendre sans cesse.
Si écrire est bien sous-tendu par un désir d’exprimer,
cette expression ne peut certes se mettre en œuvre et en
forme que face à un récepteur potentiel. Oui, écrire
c’est bien s’adresser à … non pas à un destinataire avec
demande ciblée - ce serait juger l’écriture d’après ses
seuls exercices de commande ou de complaisance - mais
s’adresser à un lecteur imaginaire, réel et irréel,
idéalement vrai qui, comme pour le musicien, posséderait
l’oreille absolue. Cet Autre invisible de l’écriture ,
qui met à distance l’auteur-sujet du sujet
psychologique, qui permet « de parler de soi en
faisant abstraction de soi »[1],
correspond pour qui s’engage dans le chantier de
l’écriture - à l’invention de cette oreille absolue.
A l'aube du langage
Écrire, c’est travailler dans l’argile d’une langue
vivante. Cela signifie éviter un ensemble de pièges
rhétoriques : les prêts à dire, les associations
convenues, les lissages trop convenables. Car il s’agit
d’aller vers un langage de l’émotion, qui en fasse
résonner les éclats, affleurer les déchirures et les
silences. Et c’est une tâche difficile que d’ôter tous
ces freins à l’intensité de la parole. C’est une tâche
le plus souvent transgressive. On est parfois surpris
par la puissance de certaines écritures dites brutes ou
par la fulgurance des réparties abruptes du parler
populaire qui se placent, pourtant hors considération
des atours et disciplines linguistiques. Écrire, c’est
aussi résister à la langue. C’est faire surgir, par
instants, par fragments la voix de l’intoléré, le cri
alogique, la violence du réel, la brûlure inconnue de
l’inexprimé.
Joëlle Deniot
Droits de reproduction et de diffusion réservés ©
LESTAMP 2005
..et c'est
reparti pour une nouvelle année
!
2013
Non, Mycelium n'a
pas encore
dit son dernier
mot.
Meilleurs voeux à
tous
contre vents et
marées..
Laurent Danchin &
Jean-Luc Giraud
Au sommaire un
débat ouvert enfin sur l'ainsi
nommé
ART CONTEMPORAIN
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