Sociologiser : un
art de funambule
Pierre Cam
Sociologue
Il est toujours
tentant dans cette complexité
qu’offre le social de n’en
retenir que les aspects se
prêtant au mieux au jeu des
explications totalisantes. La
tradition sociologique ne manque
pas de concepts tel champ,
culture, classe, habitus, etc.
qui, tels des « deus ex
machina », peuvent remplir
aisément les vides au sein des
chaînes de la raison sociale.
Tel chercheur qui croisera
l’origine de l’épouse avec
l’origine de l’époux constatera
une corrélation qu’il pourra
toujours rapporter aux habitus
culturels ou à l’origine de
classe sans se prêter à
l’analyse toujours complexe des
rencontres, et des occasions qui
les favorisent ou les entravent.
Il me semble que la
compréhension d’un fait social
ne peut se réduire à
l’application quasi automatique
de concepts ou de nomenclatures
sans vérifier au préalable leur
ancrage dans la « réalité
sociale » présente.
Elle ne peut également résulter
d’une simple analyse des
situations particulières qui
n’aurait pas une vocation de
généraliser les schèmes au-delà
de l’expérience. C’est
entre ces deux abîmes – le
totalitarisme abstrait et la
singularité expressive – que se
situe le métier de sociologue.
Le travail de
sociologue est de fait un art de
funambule. Il faut se déplacer
avec méthode sur le chemin
étroit qui part d’une situation
particulière à sa compréhension
en posant au fur et à mesure que
l’on progresse les jalons qui
permettront de faire le chemin
inverse. C’est sans doute
en observant mon grand-père que
j’ai eu l’intuition de ce jeu de
va-et-vient entre les situations
particulières et leur
compréhension.
Les
jalons du social
Mon grand-père
était veuf et mon père
naviguait. Cette conjoncture a
largement déterminé mon rapport
au social. Ce grand-père présent
suppléait l’absence de mon père
surtout pendant les périodes de
vacances. Mon grand-père
paternel était à l’époque
secrétaire de Mairie dans une
commune située près de
Sablé-sur-Sarthe. Il devait
cette place autant à ses amitiés
avec le maire qu’à son passé de
résistant. Le dimanche matin, il
recevait à son domicile les
journaliers et les saisonniers
qui travaillaient dans les
fermes environnantes. Ces fermes
dépendaient des trois grands
domaines qui se partageaient le
territoire communal.
Le dimanche
matin, je dessinais sur la table
de la cuisine tout en écoutant
les conversations. Il s’agissait
le plus souvent pour mon
grand-père d’aider ces salariés
proches de l’illettrisme à
remplir leurs « papiers ». Mais,
il recevait également les
plaintes formulées par ces
saisonniers concernant leurs
salaires, leurs indemnités de
congés payés et toutes formes de
primes attenant à ces emplois.
Renvoyés sur un coup de tête ou
après une rixe avec leur
employeur, ils venaient
quémander la médiation du
secrétaire de Mairie pour
obtenir leur dû. Durant cette
première entrevue, mon
grand-père écoutait, prenait des
notes posait quelques questions
tout en s’efforçant de ne pas se
laisser entraîner dans les
diatribes du salarié vis-à-vis
de son « patron ». Il savait par
expérience que les situations
n’étaient jamais aussi simples
que l’exposé qu’en faisait le
salarié.
Le lundi matin,
on partait sur les routes en 2
CV et on se rendait dans
les fermes. Les fermiers nous
accueillaient dans des offices
vastes et sombres où chauffaient
à perpétuité des cuisinières en
fonte. Les convenances voulaient
qu’on offre un verre au
visiteur. Il s’agissait le plus
souvent d’une eau de vie dont
l’essence pouvait varier. Quant
à moi, on m’installait à un bout
de la table dans l’office et on
me servait un chocolat chaud ou
une chicorée avec des boudoirs
ou des madeleines. Après les
politesses d’usage, mon
grand-père abordait les
raisons de sa venue. Dans la
discussion qui s’en suivait se
construisait peu à peu ce qui
allait devenir une « réalité
sociale » c’est-à-dire une forme
acceptable de la situation
devant conduire à une solution.
Pour ce faire, mon grand-père
posait des jalons en suggérant
des interprétations qui puissent
être entendues par l’employeur.
Ce travail de médiation se
situait au-dessus du vide social
qu’aurait constitué pour chacune
des parties la perte de
« réputation » constitutive de
leur « valeur ». Les fermiers
avaient besoin des saisonniers
autant que les saisonniers des
fermiers, et la réputation des
uns ou des autres était le seul
garant sur un marché du travail
où régnait une forte incertitude
tant du côté des employeurs qui
étaient parfois de mauvais
payeurs que des salariés souvent
prompts à reprendre la route.
Chacun avait intérêt à régler à
l’amiable son différent pour
conserver la « réputation »
attachée à sa condition, et
au-delà son image sociale auprès
de la Mairie acteur
incontournable dans ces petits
villages.
La co-construction
des valeurs
Beaucoup des
objets qui m’ont fasciné par la
suite en sociologie relèvent
de ce travail de médiation
auquel se livrait mon
grand-père. L’orientation des
élèves, le choix d’une
profession, les litiges
prud’homaux, l’annonce d’un
diagnostic, etc., sont le
produit d’une co-construction où
intervient à chaque fois une
pluralité d’acteurs qui
dialoguent ou s’affrontent pour
donner sens et valeur à une
action ou une situation
individuelle. Cette élaboration
ne se fait pas dans une sorte
d’abstraction mais hic et
nunc
- dans un lieu
et un temps donné. Le
travail de médiation auquel se
livrait mon grand-père avait
pour cadre une France rurale où
les syndicats d’employeurs ou de
saisonniers étaient inexistants.
Rien de tel ne se passait au
Mans dans les usines Renault où
travaillait le cousin de ma
mère. Ici, les litiges
individuels étaient quasiment
inexistants. A contrario, les
conflits collectifs formaient la
trame quotidienne qui
alimentaient les discussions
lorsque ce cousin venait manger
le dimanche.
Cette idée que la
valeur accordée à une action ou
une situation individuelle est
un bien collectif - co-construit
- non réductible à un habitus
ou à une quelconque « essence
cachée » qui la
déterminerait en dernière
instance - est au centre de mes
réflexions depuis mes premiers
écrits. Du côté des
philosophes, la volonté la plus
explicite de faire du « je » un
bien collectif se trouve sans
conteste chez Wittgenstein qui
ne manque pas de souligner dans
son argumentaire sur le
« journal privé »
l’impossibilité de construire
son propre système de référence
sans la présence des autres.
Du côté des sociologues, on
trouve cette « idée » dans les
écrits de Simmel et en
particulier son essai sur les
« pauvres ».
Mais c’est Goffman qui a été le
premier a exploré méthodiquement
cette voie en sociologie. Dans
les premières pages que consacre
Goffman à l’avènement de maladie
mentale dans Asiles, le lecteur
assiste à une description quasi
ethnographique de la manière
dont se construit collectivement
l’acceptation par un individu
d’une identité « référente » -
le fou.
S’agissant des
litiges prud’homaux que j’ai
étudiés,
c’est souvent moins le fait
d’être « licencié » qui
importe car on peut l’être pour
de nombreux motifs - y compris
« économiques » - que le fait de
l’être pour « faute ». Un
licenciement pour faute
compromet l’identité sociale du
salarié et la valeur qui lui est
attachée. Le travail juridique
qui va consister à requalifier
le « licenciement » engage une
multiplicité d’acteurs
(syndicalistes, prud’hommes,
avocats, experts, etc.) et de
médiations – conciliations
officielles ou conciliations
officieuses - sans qu’une
issue soit toujours prévisible.
Car il faudra faire pression
d’une manière ou d’une autre sur
l’employeur pour qu’il
redéfinisse la valeur qu’il
accorde à la situation dans les
limites compatibles avec ses
propres « engagements ».
De fait, pour qu’une volonté
puisse naître sur les valeurs
accordées aux situations
individuelles, il faut une
sorte de pré-accord social sur
les frontières qui cernent ses
situations. C’est ce que
j’appelle le sens des limites.
Ce sens des limites s’oppose
tout naturellement à ce que
Raymond Boudon nomme l’ « état
de nature » c’est-à-dire un
espace social où les acteurs
n’ont pas le souci des autres.
Pour que puisse naître un
« souci de l’autre » et au-delà
une « morale » au sens de
Durkheim,
il faut qu’existe cette bonne
distance « sociale »
qu’évoque Lévi-Strauss à propos
des indiens Mandans s’adressant
à une peuplade voisine : «
N’allez pas trop loin, car les
peuples qui vivent éloignés sont
comme des étrangers, et la
guerre peut éclater entre eux ».
Le sens des
limites
Dans la plupart
des conflits qui tissent notre
quotidien que ce soit au sein
des familles, au sein de
l’entreprise ou encore au sein
de l’institution scolaire se
trouvent engagés d’une part un
désaccord sur les valeurs à
conférer à une situation ou à
une action individuelle – ce
sera le fait pour un
adolescent d’être rentré trop
tard, pour un salarié de s’être
absenté de son poste sans
prévenir, pour un étudiant
d’avoir manqué un contrôle
continu, etc. – et d’autre part
un pré-accord global sur les
limites tolérables dans ce genre
de circonstance. Il n’y a pas de
désaccord social qui
n’intervienne sur un accord « en
creux » sans lequel la situation
serait incompréhensible tant
pour les acteurs sociaux que
pour ceux qui les observent.
En matière de
contrat, la théorie juridique de
l’abus de droit conceptualise
les manquements possibles liés à
une situation particulière.
Ainsi, l’employeur peut rompre
durant la période d’essai le
contrat de travail sans
respecter a priori de forme
particulière. Mais un directeur
d’établissement qui viendrait
suspendre le cours d’un
enseignant pour lui signifier
son renvoi devant ses élèves
plutôt que de le convoquer dans
son bureau dépasserait sans
aucun doute les limites
imparties à son pouvoir. Pour
donner une signification
juridique à un licenciement, le
magistrat doit recréer en
imagination la situation des
parties et les possibilités
liées à cette situation. Il y a
abus de droit lorsque
l’employeur face à plusieurs
possibilités a choisi celle qui
niait la « valeur » attachée à
son salarié, et n’a pas
manifesté son « souci » de
l’autre.
A la différence
des juristes, le sociologue ne
possède pas d’équivalent de la
théorie de l’abus de droit. Et
pourtant, le chercheur en
sciences sociales est souvent
confronté à des situations
particulières où la
signification qu’il doit
conférer à l’action d’un
individu implique qu’il émette
des hypothèses sur les limites
« sociales » affectées au
contexte. Pour Durkheim
cette « morale sociale » se
construit dans les rapports
quotidiens puis s’objective dans
des règles qui peuvent prendre
différentes formes :
conventions, coutumes,
règlements intérieurs, etc. Mais
peu de travaux empiriques
viennent appuyer à ce jour cette
intuition. Une des difficultés
de mener de telles recherches
provient du fait qu’il faut
disposer d’un terrain où
s’élaborent voire se
redéfinissent des pratiques
nouvelles. On acceptera
volontiers l’hypothèse
Durkheimienne selon laquelle ces
« repères » se constituent en
deux temps : un processus
d’itérations - pour éprouver la
distance et les limites – puis
une autonomisation ad hoc
lorsque le compromis est
atteint.
Le travail de
valorisation
Après avoir
décrit l’objet de mes
préoccupations sociologique,
j’en viens donc à mon terrain.
Le hasard a voulu que l’on me
confie un travail d’enquête sur
l’annonce du diagnostic de la
mucoviscidose. Jusqu’à une date
récente, c’est-à-dire 2002, il
n’existait pas en France de
dépistage néonatal de la
mucoviscidose. Ce dépistage a
été institué à partir de 2002 et
étendu progressivement à
l’ensemble du territoire
français. Ce dépistage est
conduit par les CRCM - Centres
de Ressource et de Compétence la
Mucoviscidose. Il en existe une
quarantaine en France
métropolitaine. A la naissance
de l’enfant, on prélève une
goutte de sang qui va être
ensuite analysé en laboratoire.
Cette analyse conduit à un
premier diagnostic. Lorsqu’il
existe une suspicion concernant
la mucoviscidose, les enfants
porteurs éventuels de la
« maladie » sont convoqués au
CRCM dont ils relèvent pour y
subir un test dit de la
« sueur » qui permettra de
confirmer ou d’infirmer ce
pré-diagnostic.
La mucoviscidose
est une maladie génétique pour
laquelle il n’existe aucun
traitement permettant une
guérison. L’annonce du
diagnostic est une situation
particulière où les « valeurs »
qui sont en jeu tant du côté des
parents que du côté des
thérapeutes déterminent la suite
des relations entre ces deux
parties. En effet, la manière de
faire en cette circonstance
importe d’autant plus que le
suivi de la maladie ne peut se
réaliser sans un travail de
collaboration ou de co-construction
entre les parents, le milieu
médical et l’enfant. Pour le
praticien, l’annonce doit se
faire de telle manière qu’il ne
prive pas l’enfant de toute
« valeur » aux yeux des parents
et que ce faisant il enlève
toute « valeur » au rôle
parental. Du côté des parents,
face au patricien, il faut
qu’ils restent dignes face à
l’épreuve et donnent une
« image » de leur couple qui
puisse servir de base à une
relation qui va nécessairement
perdurer.
Notre recherche
porte sur les praticiens et la
manière dont ils essaient de
construire un cadre où préserver
les valeurs liées à l’enfant et
donner un rôle aux parents. Il
est trop tôt pour exposer ici
les résultats d’une recherche en
cours. On peut souligner
simplement comment tout est fait
pour conférer des significations
possibles à l’enfant comme aux
comportements parentaux. Un
certain nombre de stratégies
conscientes ou inconscientes
visent à rappeler qu’il s’agit
d’un enfant comme les autres en
occultant les aspects
particuliers. Dans les salles
d’accueil ou d’auscultation, les
chauffes-biberon, les jouets
colorés, les tables à langer et
les décorations sont mis à
contribution pour rappeler que
le petit malade est d’abord un
enfant comme les autre. Du côté
des parents, pour conférer une
importance à leur statut futur,
le premier accueil est assuré
par le pédiatre qui suivra
l’enfant. Par ailleurs, dans le
bureau du médecin, des mouchoirs
en papier sont mis en évidence
pour montrer que l’émotion est
possible. En général, c’est une
petite équipe constituée d’une
infirmière, d’un
kinésithérapeute et du pédiatre
référent qui assiste les parents
lors du diagnostic. Le message
est relativement clair. Face à
l’épreuve, les parents ne seront
pas abandonnés.
Ces pratiques
diffèrent cependant d’un CRCM à
d’autres. Cinq ans après la mise
en place du diagnostic, le
balisage des situations est
encore dans sa phase itérative.
Beaucoup de praticiens restent
au départ sur des scénarios
relativement simples s’agissant
des valeurs accordées par les
parents à leur descendance ou à
la médecine. Ils découvrent au
fur et à mesure des annonces des
gammes plus complexes de
comportements parentaux.
L’indifférence, la défiance
voire l’hostilité manifestées
par certains parents sont des
situations qui
déstabilisent les moins
aguerris parmi les praticiens en
compromettant la valeur
qu’ils accordent à leur propre
rôle social. Pour surmonter ces
épreuves, d’autres pratiques se
font jour en amont ou en aval du
processus d’annonce pour créer
une base d’accord minimum sans
lequel une collaboration
pouvant supporter des désaccords
sera compromise. Il reste à
aller au-delà du rapport
parents-patriciens pour
s’interroger sur la manière dont
les parents eux-mêmes doivent
trouver face à l’événement la
bonne distance sociale sans
laquelle le couple ne peut
sombrer que dans la « guerre »
ou dans l’indifférence.
_______________________________________
Les concepts comme les
nomenclatures sont des produits
historiques nécessairement
assujettis à l’érosion. Les
formes de subordination
juridique n’ont cessé d’évoluer
obligeant les juges de la Cour
de Cassation à redéfinir
au fil du temps le concept de
« contrat de travail ». Il en va
de même pour des catégories qui
semblent aussi intemporelles que
les « représentants de
commerce ». Voir à ce sujet :
Pierre Cam, « Les intermédiaires
du commerce : métiers masculins,
métiers féminins » in Quand
les jeunes entrent en emploi,
ouvrage coordonné par M.Arliaud
et H.Eckert, Paris, La Dispute,
2002.
Chez Weber ou chez Mauss,
le terme d’habitus n’a pas de
vocation à expliquer la totalité
du social mais seulement les
savoir-faire adaptés aux
situations. Lorsqu’il pleut, on
sort son parapluie comme le note
Weber. Mais, le fait qu’un grand
nombre d’individus sortent leur
parapluie en même temps -
c’est-à-dire qu’ils aient les
mêmes habitus ou habitudes - ne
constitue pas chez Weber une
voie pour comprendre le
social.
Voir à ce propos Jacques
Bouveresse, Le mythe de
l’intériorité, Paris, Les
Editions de Minuit,
1976.
Georg Simmel, Les pauvres,
Paris, PUF, 1998.
Erving Goffman, Asiles,
Paris, Les Editions de Minuit,
1968.
Pierre Cam, Les Prud’hommes :
juges ou arbitres ?
Presses de la Fondation
nationale des Sciences
politiques, Paris, 1981
Raymond Boudon, Effets
pervers et ordre social,
Paris, PUF, 1977.
A ce propos Pierre Cam : «
L’ethos et la juste mesure des
rapports sociaux au sein de
l’entreprise », Angers, Colloque
« L’éthique : un facteur
de compétitivité pour
l’entreprise », 23 novembre 2006
paru dans les actes du colloque.
Claude-Lévi Strauss, « Rapports
de symétrie entre rites et
mythes de peuples voisins », in
Anthropologie Structurale II,
Paris, Plon, 1973, p.299.
Emile Durkheim, Les règles de
la méthode sociologique,
Paris, Flammarion, 1988.
La justice des cités
urbaines de banlieue :
une Justice pour la
société tout
entière
Sébastien Peyrat[1]
Les jeunes qui habitent
les « cités interdites »[2]
sont parfois perçus
comme anomiques,
asociaux et sans rapport
à la loi, comme des
individus « … sans
repères, ni moraux, ni
sociaux, ni civiques »[3] ,
« auxquels on n’a jamais
inculqués les notions de
règles sociales,
d’interdits, de morale
civique »[4] ;
« Dans la jungle, les
plus forts tapent les
plus faibles et c’est
ainsi que va le monde »[5].
Ces jeunes deviennent
objet d’études
particulières[6]
, on les incite à
s’engager dans des
projets dits
« citoyens » en vue de
leur socialisation. S’il
est exact que certains
jeunes des cités (ceux
qui sont les plus
visibles dans la cité –
d’autres choisissent de
ne pas rester dans la
cité) ne respectent pas
les règles en usage et
parfois les lois du
monde extérieur, on ne
peut cependant pas en
conclure qu’ils vivent
sans loi dans une sorte
d’état de nature à la
Hobbes.
Le point de départ de
mes recherches a été de
poser la question de
savoir si, au contraire,
les jeunes des cités
respectaient des lois
particulières ou, en
tout cas certaines
normes. Afin de répondre
à cette question, il m’a
fallu découvrir la
nature de ces normes et
la nature du rapport à
la loi dans la cité.
Cette recherche a été
menée du point de vue de
ces jeunes eux-mêmes,
dans leur logique et non
du point de vue et dans
la logique du monde
extérieur à la cité.
Elle est le résultat de
près de quinze ans de
rapports suivis et
continus avec des jeunes
de deux cités en
particulier et de
plusieurs années passées
à parcourir les cités de
la Seine-Saint-Denis et
des Yvelines.
La
cité comme territoire
La cité est un lieu
situé à la périphérie du
centre-ville. Ses murs
sont tagués voire
dégradés plus ou moins
fortement selon les
cités et les programmes
de réhabilitation ; ces
derniers ayant tendance
à s’accélérer ces deux
dernières années sans
cependant changer la
population qui y habite
et les jeunes, en
particulier, y
demeurent. Le revenu des
habitants y est modeste
et la population jeune
visible. On peut y
apercevoir des jeunes de
moins de vingt-cinq ans
qui traînent dans
les halls ou sous les
porches. Ces jeunes sont
largement
reconnaissables : ils
portent des vêtements de
sport (et de marques
connues) et lorsque vous
vous approchez d’eux, en
tant qu’étranger à la
cité, ils vous regardent
droit dans les yeux et,
une fois à portée de
voix, vous interrogent
sur la raison de votre
présence ici
(c’est-à-dire dans la
cité). La cité est
gardée par les jeunes
qui l’habitent. Ils en
sont l’âme parce qu’ils
s’y trouvent et parce
qu’ils s’y retrouvent
afin de partager leurs
expériences de vie. Les
membres des forces de
l’ordre parlent à leur
propos d’insultes voire
d’agressions physiques
violentes. La cité
devient non plus un lieu
mais un territoire,
exclusivement réservé
aux jeunes de la cité et
à ses habitants, composé
de tout ce qui se trouve
sur les terrains lui
appartenant et qui, en
conséquence,
appartiennent aux jeunes
(comme par exemple les
terrains vagues
alentours). La cité est
aussi un Bien commun à
tous les jeunes de la
cité. Chacun peut en
disposer comme bon lui
semble et le nom de la
cité devient le second
nom des jeunes qui y
traînent.
La cité est leur
propriété et, à ce
titre, ils en disposent
de trois façons qui sont
similaires aux attributs
de la res juridique :
- l’usus, les
jeunes de la cité
peuvent user comme bon
leur semble de son
territoire (jouer au
football sur un
terrain ; faire un rodéo
en voiture sur un
parking…) ; - le
fructus, les jeunes
profitent des
opportunités que leur
offre la cité (faire du
business mais aussi
profiter d’un voyage
durant les vacances
offert par un service
public local) ; -
l’abusus qui
consiste à disposer de
la faculté de détruire
une chose qui vous
appartient ; cela se
traduit par la faculté
que ces jeunes ont de la
détruire (par exemple
des incendies
volontaires dans les
cages d’escalier ou des
dégradations
d’abris-bus…).
Les services des
Renseignements Généraux
eux-mêmes ne cessent de
classer de plus en plus
de cités sur une
« échelle des violences
urbaines » allant du
degré 1 (c’est-à-dire le
degré de la délinquance
et de l’incivilité) au
degré 8 (c’est-à-dire
celui de l’émeute). De
plus en plus de jeunes
s’approprient un espace
qui devient
exclusivement le leur
au fur et à mesure
de son abandon par les
autres adultes. Mais
l’appropriation du lieu
de la cité ne peut pas
se faire de la même
façon pour tous (que
cela soit dans la cité
ou dans les cités en
général) sans
l’existence de règles,
de normes, seules
capables de gérer
l’existence d’un groupe
social donné. Les jeunes
des cités n’occupent pas
la cité sans raison.
S’il peut vous
arriver des bricoles
(comme me le dit un
jeune dans un entretien)
lorsque vous passez dans
la cité en tant
qu’inconnu, c’est parce
qu’il existe un accord
entre les individus qui
vivent dans la cité sur
le fait qu’effectivement
il y a occupation des
lieux publics et
dangerosité pour
quelqu’un qui traverse
ce lieu particulier et
protégé sans raison.
La cité est une
mutualité réglée
La première chose que
l’on peut voir dans les
cités ce sont des
groupes de jeunes. Il
est rare d'y rencontrer
un jeune tout seul et
isolé. Lorsqu’on
"extrait" quelques
jeunes de la cité (par
exemple lorsque des
jeunes de la cité vont
se promener quelque part
ou lors de sorties
organisées par telle ou
telle structure) et si
un conflit grave éclate
entre un jeune et un
inconnu, la première
chose qui se produit est
le rassemblement des
autres membres du groupe
autour du jeune. Et, si
le conflit tourne au
désavantage du jeune
engagé, les autres
membres présents
interviennent. Lors de
bagarres entre bandes
appartenant à des cités
différentes, les
présentations
(indication par les
protagonistes du nom de
leur cité d’origine) ont
souvent lieu. Les jeunes
de la cité se
définissent comme
appartenant au groupe de
la cité. Ce groupe porte
son nom. Vu de
l’extérieur, ce groupe
apparaît compact et très
uni. En fait dans la
cité, la règle
principale est la
mutualité et la
protection mutuelle des
jeunes entre eux. La
cité est décrite comme
un lieu de protection,
dans lequel on peut
faire ce que l’on veut
(dans la limite de la
règle de la mutualité)
et comme un lieu de
liberté, alors que
l’extérieur est vécu
comme un endroit
dangereux et privatif
des libertés
(d’expression et de
comportement), inique et
discriminant, agressif
envers les jeunes.
L’extérieur devient le
représentant de
l’injustice alors que le
monde de la cité est
perçu par les jeunes
comme Justice ; ses
règles, dont celle,
fondatrice, de la
mutualité, sont le
résultat d’une entente
sur un concept de
Justice plus juste que
celui de l’extérieur (il
y a plus de liberté,
plus d’égalité et
plus de fraternité
dans la cité, en
référence à ce concept
appris par les jeunes à
l’école de la République
française).
L’existence du groupe de
la cité est le seul
moyen pour que la
cité soit forte
(extrait d’un
entretien). Cette force
ne peut se faire qu’avec
le concours de tous et,
même, l’entraînement de
tous à la lutte physique
(lors des bagarres
rituelles qui ont lieu
entre les jeunes à
l’intérieur même de la
cité) afin de pouvoir
se défendre. C’est
pour cette raison que
les jeunes de la cité
doivent être solidaires
les uns des autres
en-dehors de ses murs :
pour se défendre. Cette
défense se justifie
autant contre les
membres des groupes des
autres cités que face à
des gens inconnus. La
vie en-dehors de la cité
est considérée comme
risquée physiquement.
D'où leur solidarité,
même lorsque leurs liens
sont ténus (ils ne se
connaissent pas très
bien parce qu’ils ne
traînent pas
ensemble, ils ne sont
pas du même sous-groupe
affectif) ou s’ils sont
en conflit. L’extérieur,
qui est l’inconnu, ne
doit pas se rendre
compte des dissensions
entre jeunes de la même
cité, toujours dans un
souci de cohérence et de
protection mutuelle
solide et solidaire.
Cela ne veut pas dire
que les jeunes de cité
ne forment qu’un seul
groupe parfaitement
homogène. En fait, ils
se structurent en
différents groupes, qui
sont fonction de l’âge
et de l’importance
hiérarchique de ses
membres ; celle-ci est
aussi fonction de
l’intégration du jeune
dans le système
délinquant et/ou
criminel de la cité.
Ainsi, le groupe des
« grands » qui
trafiquent dans la cité
est très respecté parce
que sa capacité à punir
physiquement les autres
membres (et les plus
jeunes en particulier)
de la cité est très
forte. Mais la formation
des groupes internes à
la cité se fait aussi
selon un critère plus
affectif. Les jeunes de
la cité qui s’entendent
bien, qui se connaissent
et se fréquentent depuis
le plus jeune âge
forment autant de
sous-groupes à celui,
général, de la cité.
Chacun d’entre eux
occupe une place dans la
hiérarchie des groupes.
Les groupes des plus
âgés et des plus
délinquants occupent une
place importante et
reconnue. Cette place
est élevée dans la
hiérarchie de la cité
parce que les plus
« grands » ont une forte
capacité violente et
que, en cas de problème
grave, ce sont eux que
les plus jeunes iront
trouver pour les aider
(lors d’une expédition
punitive et vengeresse
contre une autre cité
par exemple) toujours
dans l’application de la
règle de la mutualité de
la cité. Puis,
l’occupation d’une place
hiérarchique élevée
dépend de l’âge et du
niveau d’intégration au
groupe des jeunes qui
commettent des délits ou
des crimes. Plus un
jeune de la cité est
intégré dans un groupe
de jeunes en infraction
avec les règles du
Droit, plus il sera
craint par les autres,
et plus son pouvoir sera
grand sur eux. Mais il
existe une différence
entre la détention du
pouvoir et son exercice.
Ainsi, si un « grand »
fait usage de sa force
de façon trop forte et
sans raison sur un plus
petit et qu’il le blesse
visiblement (le
« petit » aura des
marques physiques
durables et visibles),
l’autorité du membre
incriminé sera très
amoindrie. La règle de
la mutualité veut que
les jeunes d’une même
cité prennent garde de
ne pas l’affaiblir en
blessant trop fortement
l’un de ses membres.
Enfin, comme les groupes
sont hiérarchisés et
ordonnés chaque membre
exerce un pouvoir sur un
ou d’autres jeunes à
travers la position
communautaire du groupe
auquel il appartient et
sa propre position à
l’intérieur de son
groupe.
Il découle de la
hiérarchisation et de
l’ordonnancement des
jeunes des cités en un
groupe général et en
sous-groupes un ensemble
de règles et de normes
propres aux cités, à
toutes les cités (où
ça se passe mal,
comme me le dit un
jeune). La raison d’être
de ces règles et de ces
normes est la garantie
de la cohérence et de la
survie du groupe des
jeunes de la cité. Ainsi
la fameuse loi du
silence existe dans
le but de protéger les
membres de son groupe.
Si un membre du groupe
de la cité disparaît (du
fait d’une dénonciation
par exemple), c’est
toute la cité qui
s’affaiblit. Et cet
affaiblissement est
insupportable car elle
pourrait alors être en
danger (lors d’une
agression par une autre
cité par exemple). Les
joutes physiques,
nombreuses, entre les
jeunes de la même cité,
sont aussi destinées à
augmenter la force
physique du groupe.
C’est l’entraînement
de la cité (extrait
d’un entretien de
recherche). Cette force
est avant tout physique.
Chaque cité occupe une
place dans la hiérarchie
des cités. Telle cité
(avec un groupe de
jeunes important en
nombre) sera connue pour
ses capacités de
vengeance violente et,
de ce fait, sera crainte
(son pouvoir sera
grand). Cette hiérarchie
explique aussi ce que
les médias appellent des
« vengeances aveugles ».
Tout membre reconnu
appartenant à une cité
ennemie (parce qu’il a
été aperçu dans cette
cité) est susceptible
d’être la cible de
représailles physiques
violentes (lorsqu’une
guerre existe entre les
deux par exemple). Les
jeunes de la cité ne
sont plus des individus,
mais les membres d’un
lieu particulier reconnu
comme tel par tous (les
autres cités mais aussi
les gens de la ville).
La reconnaissance de son
existence par tous
montre bien, aux yeux
des jeunes, qu’ils sont
reconnus à travers leur
faculté à appliquer
leurs règles. Tout le
monde sait qu’il ne faut
pas aller, sans risque
physique, dans certaines
cités. Les règles de la
cité s’appliquent à ses
membres (les
histoires de la cité
ne regardent que la
cité) et les conflits
entre jeunes se règlent
dans son périmètre. Pas
question pour un jeune
de cité d’aller voir la
police afin de résoudre
un problème avec
un autre jeune et encore
moins lorsqu’il s’agit
d’un membre d’une cité
différente. La
résolution du
problème, du conflit
est toujours violente
avec d’autres jeunes ou
d’autres gens comme les
éducateurs (des membres
d’un établissement
scolaire par exemple)
extérieurs à la cité.
Le règlement des
conflits internes à la
cité passe par
l’instauration d’une
véritable justice
instituée. Tout débute
par une bagarre publique
et rituelle. Mais la
résolution du conflit a
lieu après la bagarre.
Lorsque les
protagonistes sont
fatigués de se battre,
ils vont parler après (extrait
d’un entretien).
Le règlement du conflit
a alors lieu devant des
membres du groupe de la
cité. Chacun va
intervenir afin d’aider
à la résolution du
conflit interne dans le
cas où les protagonistes
ne pourraient pas
s’arranger seuls entre
eux. La résolution du
conflit va passer par
l’analyse de la
situation, de son enjeu
et du caractère des
protagonistes par les
membres présents. Puis,
la majorité des membres
va prendre position en
faveur d’une solution
dite par l’un d’entre
eux obligeant les
protagonistes à se
soumettre à la décision
de la cité. Le conflit,
après la décision rendue
par la justice de la
cité, ne peut plus faire
l’objet de plainte de la
part des protagonistes ;
le conflit est alors
réglé définitivement aux
yeux du groupe des
jeunes. La justice de la
cité est rapide, orale
et sans appel en
contradiction directe
avec nos règles de Droit
(qui instaurent la
procédure d’appel comme
un droit très important
garant d’une bonne
justice). La justice de
la cité fonctionne dans
ces conditions comme une
méthode d’application de
ses règles, mais aussi
comme facteur de
régulation sociale au
sein de son groupe. Les
règles de Droit de la
République ont aussi, en
théorie, ce rôle
primordial pour la
communauté désireuse de
se pérenniser dans le
temps. La justice
institutionnelle,
qu’elle soit de la cité
ou de la République, est
aussi là pour empêcher
l’implosion du groupe,
de la communauté donnée.
Les règles de la cité
sont reconnues par tous.
Ces règles existent et
se développent depuis
plusieurs années en
particulier avec la
reconnaissance dont
jouissent les cités
urbaines dangereuses.
En fait les règles de la
cité se pérennisent et
se transmettent. Les
plus grands « éduquent »
les plus petits (les
plus jeunes) en leur
montrant l’exemple et en
leur parlant. Ainsi
parce que les grands
peuvent se faire
1000 Euros en une
soirée, le petit voudra
faire à l’identique.
Ainsi parce qu’ils
disent aux plus jeunes
que les policiers sont
tous violents, racistes,
méchants, les petits ne
les verront que de ce
point de vue (surtout
après avoir assisté à
des descentes de police
musclées). A travers les
discours des grands et à
travers l’expérience
journalière que chacun
se raconte les soirs
dans les halls
(expérience de violence
et de tension entre les
jeunes et les autres
gens de l’extérieur, en
particulier ceux des
Institutions dont
l’école), la nécessité
de l’existence de la
mutualité de la cité est
toujours ressassée. La
cité est le lieu de ces
jeunes, qui sont
identiques parce qu’ils
proviennent tous d’un
milieu précaire, et ils
ont conscience d’être
relégués et ségrégés (à
cause de leurs origines
étrangères ou de leur
lieu même de vie
c’est-à-dire la cité).
Alors les règles de la
cité sont transmises,
pérennes (et
pérennisées) et de plus
en plus intériorisées
par les jeunes qui
vivent dans la cité et
même ceux en-dehors. Les
grands décrivent souvent
la cité et les membres
de son groupe qui y
vivent comme le seul
lieu de protection, le
seul lieu dans lequel le
jeune est considéré en
tant que ce qu’il est
dans ses qualités et ses
défauts : on ne peut
pas juger quelqu’un si
on ne le connaît pas,
me dit un jeune. Or,
dans la cité, chaque
jeune connaît chaque
jeune, au minimum de son
sous-groupe et aussi du
groupe général de la
cité. Cette connaissance
se fait sur des critères
moraux et éthiques
(ainsi tel jeune sera
considéré comme « fou »,
tel autre comme
« intelligent », tel
autre comme « voleur »
etc.). Mais
chaque jeune sera estimé
dans sa cité par les
autres. Cette
considération justifie
la règle de la mutualité
de la cité, même si
celle-ci est parfois en
violation directe avec
les principes
fondamentaux de la
démocratie (par exemple
l’usage à outrance de la
force physique dans la
cité, la difficulté
d’avoir une vie privée
etc.). Mais alors
pourquoi les jeunes des
cités, qui savent aussi
être en souffrance à
cause des conditions de
vie qu’ils s’imposent
eux-mêmes, acceptent-ils
des règles parfois si
dures ?
Les jeunes des cités :
une scission entre la
société française et la
cité
Afin d’analyser les
raisons qui poussent ces
jeunes à s’imposer des
règles contraire à nos
lois et à la morale
républicaines, il
convient d’abord de
rappeler ces normes qui
régissent la société
française. Le territoire
de la Nation française
est régie par un
ensemble de textes
publics disponibles à
tous, qui régissent le
comportement des gens
qui vivent ou sont de
passage sur le
territoire. Il s’agit
des textes de loi. La
loi est une règle
écrite, générale et
permanente élaborée par
le Parlement et par le
Gouvernement. Elle
devrait être le résultat
d’un contrat social[7]
entre les membres d’une
même communauté, qui
s’efforce de concilier
l’aspiration des
individus au bonheur
avec les exigences de la
vie sociale, les
libertés individuelles
avec la soumission des
individus à l’intérêt
général. Rousseau
exprime ce contrat à
travers un idéal
républicain dirigé par
quatre grands principes
: la renonciation à nos
droits naturels au
profit de l’État, qui,
par sa protection,
conciliera l’égalité et
la liberté ; la
sauvegarde par le peuple
tout-puissant du
bien-être général contre
les groupements
d’intérêts avec l’aide
d’un législateur ; la
pureté de la démocratie
par la tenue
d’assemblées
législatives ; enfin, la
nécessité de créer
une religion d’État.
Le contrat social ne
peut se réaliser qu’au
travers de
l’institution.
L’institution est, selon
la théorie juridique[8],
une organisation
juridique sociale,
c’est-à-dire destinée à
un ensemble d’individus,
dont l’autorité est
reconnue parce qu’elle
est établie en
correspondance avec
l’ordre général des
choses du moment, et qui
présente un caractère
durable, fondé sur un
équilibre des forces ou
une séparation de
pouvoirs. En assurant
une expression ordonnée
des intérêts adverses en
présence, elle assure un
état de paix sociale qui
est la contrepartie de
la contrainte qu’elle
fait peser sur ses
membres. L’institution,
dans cette perspective,
est organisée en
plusieurs institutions
spécialisées. Parmi
celles-ci, on trouve
l’institution judiciaire
c’est-à-dire les
tribunaux, dont le rôle
est de régler les
conflits entre les
personnes conformément
au droit écrit dans les
codes. Un procès a lieu,
pendant lequel les
parties exposent leur
vision des faits avec
l’aide facultative ou
obligatoire d’un avocat.
Le juge (ou les juges en
ce qui concerne les
formations collégiales)
tranche alors le litige
et règle le problème
entre les parties en
fondant sa décision sur
le droit. Mais certains
conflits peuvent relever
d’un droit particulier
spécifiquement dédié à
la protection des gens
et de leurs Biens. Il
s’agit du droit pénal.
Les infractions à ce
droit portent atteinte à
la collectivité dans son
ensemble. Ces
infractions sont les
contraventions, les
délits et les crimes.
Elles sont jugées
suffisamment graves pour
faire l’objet de
sanctions privatives de
liberté ou de peine
d’amendes. Le
contrevenant a, dans ce
cas, une dette envers la
communauté française
qu’il doit payer. Après
quoi, il est amendé et
jugé apte à reprendre sa
place dans la
communauté. Le juge des
enfants (au pénal) a un
rôle social encore plus
fort que lui octroie
l’Ordonnance du 2
février 1945 relative à
l’enfance et à la
jeunesse délinquante. Il
a un pouvoir
d’éducation. Ce pouvoir
est en fait un panel de
sanctions éducatives
destinées à faire
comprendre au mineur la
vie en communauté dans
la société française.
Ces sanctions mettent
toujours en œuvre les
services judiciaires de
l’éducation. Des
éducateurs spécialisés
sont nommés afin
d’apprendre au jeune les
règles qui sont celles
de la société française
actuelle fondées sur son
contrat social.
Cependant la
représentation que les
jeunes des cités ont de
la République est très
différente de celle du
législateur. Ainsi ils
ne voient jamais
l'institution gardienne
des lois, c’est-à-dire
le juge, comme un
personnage chargé
d’expliquer la règle
sociale ou comme étant
le bras d’une communauté
sociale juste condamnant
un comportement déviant.
C’est un personnage qui
dit quelque chose de
lointain, qui rentre
par une oreille et sort
par l’autre. Ils se
refusent à entendre le
sens des paroles du
juge. Pour eux, celui-ci
ne dispose que d’un seul
pouvoir qui est
d’envoyer en prison. Une
prison qui fait
majoritairement peur aux
jeunes. Mais son rôle
socialisant, son rôle
d’explication du fameux
contrat social n’est
absolument pas compris
par ces jeunes, parce
qu’ils vivent sous le
« diktat » d’un autre
contrat social : celui
de la cité, et par
ignorance de l’autre
contrat social : celui
de la République. Ils
ont d'ailleurs une
représentation négative
de la République qui
rend difficile les
nombreuses tentatives
d’enseigner la
citoyenneté à l'école.
Cette représentation
leur semble justifiée
par les faits. Combien
de jeunes lors
d’entretien disent qu’il
n’y a que des reubeus[9]
ou des reunois[10]
dans la cité ? La
discrimination,
négative, commence par
une politique de
logement jugée injuste
et source de la
relégation. Les
promesses de l’autre
communauté, autant
celles de l’accès à
l’emploi que celles de
l’accès aux richesses,
sont jugées réservées à
une élite à laquelle ils
n’appartiennent pas. Ils
se représentent les
institutions françaises
comme iniques et
injustes à leur égard.
Ainsi la préfecture est
habitée par des
fonctionnaires racistes,
et l’enseignant, le juge
et le policier
n’échappent pas non plus
à cette image. Ils sont
tous iniques et se sont
montrés
institutionnellement
violents (par
exemple dans l’école)
envers les jeunes. Les
contrôles abusifs et les
arrestations plus
violentes que nécessaire
alors que le français
ne se fait jamais
contrôler ou arrêter en
sont un autre exemple
dans la représentation
des jeunes du travail
policier. Les
enseignants de banlieue
dont le comportement
peut parfois être
provocateur ou blessant
vis-à-vis des jeunes ne
font que renforcer leur
sentiment d’injustice
dont l’origine se situe
dans cette autre
communauté. Le
comportement des gens à
l’extérieur qui voient
des jeunes de cité (un
jour j’ai demandé
l’heure à une Dame dans
le bus, elle a sursauté
comme si elle avait cru
que j’allais la voler ou
j’sais pas quoi,
extrait d’un entretien
de recherche) justifie
aussi ce sentiment
d’injustice. En fait,
les jeunes des cités
sont à la fois fiers et
déçus de cette
reconnaissance négative
(car fondée sur la peur
et la crainte) car c’est
uniquement de cette
façon, pensent-ils,
qu’ils peuvent se faire
reconnaître. Enfin, la
proximité d’une société
aux richesses nombreuses
et variées fait qu’il
est difficile, pour ces
jeunes, de résister à la
tentation des choses à
portée de la main. Les
discriminations
positives peuvent aussi
être ressenties comme
infamantes. Les gens
extérieurs aux cités ou
à la cité sont jugés
comme responsables de la
ségrégation et de
l'image stigmatisante
dont ils sont les
victimes. Ces
gens respectent et
adhérent à un contrat
social auxquels ils
n’ont pas accès, un
contrat qu’ils ne
peuvent pas passer,
parce qu’ils jugent que
cette autre communauté,
qu’ils ne comprennent
pas, ne les reconnaît
pas et ne les respecte
pas. Le contrat social
de la République n’est,
aux yeux des jeunes des
cités, pas respecté. Il
est la source d’un
sentiment d’injustice
très fort, qui les
conduit à revendiquer
leur propre contrat
social.
L’acceptation des règles
de la cité c’est la
poursuite d’un but
commun, la recherche de
la reconnaissance par
les autres et la
protection vis-à-vis de
ces autres. Si les
autres ont peur des
jeunes des cités, il
devient légitime et
juste de créer ses
propres règles en
réponse à d’autres
règles jugées iniques et
violentes (du fait de
leur résultat ségrégatif
et reléguant). Et
puisque la relégation
est une réalité[11],
autant que ceux qui
relèguent l’apprennent à
travers l’adoption de
règles tout à fait
contraire à celles
qu’ils tentent d’imposer
aux relégués. Ainsi les
comportements violents
(agressions physiques,
intimidations envers les
enseignants etc.)
se justifient amplement
du point de vue de la
cité. L’autre est jugé
comme étant la source
des souffrances endurées
et il doit le payer. Le
fait de « payer » pour
la faute commise envers
autrui est juste. Même
dans notre Droit commun
(voir les procédures de
dommages et intérêts).
Le code (et le contrat)
de la cité, même s’il
est par certains côtés
injuste (domination des
plus « grands » ; loi du
silence etc.) est
respecté parce qu’il
est, en fait, une
application inversée
(inégalité pour
l’égalité, cantonnement
pour liberté et
individualisme pour
fraternité) du contrat
social proposé par
l’autre communauté.
Ainsi les jeunes des
cités ne sont pas des
gens anomiques au
comportement dépourvu de
sens. Ils ont créé leur
propre contrat social,
leur propre communauté
régie par des règles
précises et non écrites.
La création d’un groupe
particulier régi par des
règles particulières est
la preuve irréfutable de
la volonté des jeunes
des cités de se faire
justice eux-mêmes. Si
les autres, ceux qui
sont en-dehors des
cités, sont injustes
avec elles et leurs
jeunes, alors il
convient de se créer ses
propres règles fondées
sur ses propres valeurs
qui, par là même,
deviennent justes. Pour
les jeunes des cités il
est juste d’être reconnu
pour ce qu’ils sont et
non d’être réduit à un
« sauvageon » ou à un
élève en échec
irrécupérable. Il est
juste d’avoir droit à la
protection physique et
morale (et la cité sait
le faire bien mieux que
la police d’une
communauté extérieure).
Il est juste d’avoir
accès facilement à
l’argent (à travers les
trafics de la cité). Il
est juste de faire
payer, en faisant peur,
ceux qui sont jugés
responsables d’une
condition de vie si
différente de celle
décrite sur tous les
écrans et sur tous les
murs. La cité devient le
seul et unique
territoire de la justice
avec son propre concept
de Justice fondé sur une
expérience de vie dans
les cités urbaines de
banlieue ; bien loin
d’une théorie de la
Justice inapplicable.
Ma
recherche se situe donc
au carrefour du droit,
de la philosophie de la
Justice, de la
sociologie .. et de
l’ethnométhodologie /
ethnologie.
Il y a peu d’auteurs qui
ont conduit une
recherche similaire sur
le terrain, mais on peut
citer : Stéphane Beaud
(« Banlieue : lendemain
de révolte » et
« Violences urbaines,
violences sociales :
Genèse des nouvelles
classes dangereuses »),
Laurent Mucchielli avec
« Quand les banlieues
brûlent… retour sur les
émeutes de novembre
2005 », « Violences et
insécurité »), David
Lepoutre (« Cœur de
banlieue ») et Joëlle
Bordet (« Les jeunes de
la cité »).
L’analyse de ce
« problème social » est
souvent étudiée dans une
logique émotionnelle
voire irrationnelle (les
jeunes des cités sont
des animaux) ; les
analyses internes
sont rares. Les membres
des Institutions
(police, justice, école
agents sociaux etc.)
manquent de
connaissances et de
formation face aux
jeunes des cités de
banlieue (monde inconnu
pourtant à l’intérieur
de notre société). Il
n’existe aucune
passerelle
institutionnelle entre
notre société et
le monde des jeunes des
cités (problème de
médiation et de
remédiation dans les
écoles de la cité et
donc, la formation à la
citoyenneté de la
République est
inopérante). Il n’y a
aucune analyse en termes
de Justice du
monde de la cité,
or cela est fondamentale
à toute société humaine
(même injuste). Il
s’agit d’une recherche
dont les conclusions et
l’importance
n’apparaissent pas
toutes (voir le rapport
sur les émeutes de 2005
n°4 du Centre d’Analyse
Stratégique). La
méthodologie entreprise
a permis de décrypter le
fonctionnement d’un
groupe humain
particulier au sein de
la société française.
Plus récemment, ma
recherche porte sur le
groupe le plus
problématique des jeunes
des cités : les 6-14
ans ; et sur ce qu’ils
deviennent en fonction
de leurs parcours
scolaires notamment. En
effet, les analyses sur
l’école en banlieue
s’arrêtent souvent aux
systèmes palliatifs
(ateliers relais, etc.)
au lieu de s’intéresser
aux causes fondamentales
(sociologiques et
psychosociologiques).
[1]
Docteur en Sciences de
l’Education, Laboratoire
Habiter :PIPS, axe III,
Université d’Amiens,
sebast.peyrat@laposte.net.
[2]
Alain Bauer et Xavier
Raufer, Violences et
insécurité urbaines,
P.U.F., Que sais-je ?,
1998 (p. 24)
[3]
Ibid. p. 27 (citation
d’un rapport de janvier
1998 consacré à
l’évaluation des Unités
à Encadrement Educatif
Renforcé)
[4]
Christian Jelen, La
guerre des rues,
Plon, 1999, p. 130.
[5]
François Dubet, La
galère : jeunes en
survie, Fayard,
1992, p. 103
[6]
Voir les rapports des
Renseignements Généraux
sur les « Violences
urbaines et
suburbaines », mais
aussi différents
rapports parlementaires
(Julien Dray, Jean-Marie
Delarue) et les enquêtes
des Inspections
Générales (sociales et
judiciaires
[7]
Au sens de Jean-Jacques
Rousseau, Le contrat
social, Aubier Montaigne
1967.
[8]
Et en particulier, le
Doyen Hauriou.
[9]
Jeunes d’origine
Maghrébine.
[10]
Jeunes d’origine Noire
Africain.
[11]
Jean-Marie Delarue,
Banlieues en
difficulté : la
relégation, Syros,
1991.
Matérialisme
romantique ou
épistémologie triste et sauvage
?
David Morin-Ulmann
Les
considérations d’auteurs peu
connus de la multitude ont pour
seule gloire celle de leurs
échos égotistes. Le commentaire
qui va suivre est le fruit de
cette monomanie universitaire de
la ritournelle et de ce besoin
de se faire voir, d’être perçu
avec ou sans étiquette, bien ou
mal, n’importe, la maturité du
On n’en a cure. De manière
anecdotique, ces lignes sont
d’abord la reprise avignonnaise
d’une conférence nantaise
devenue le texte propositionnel
« Brève introduction à un
matérialisme romantique » publié
dans le Cahier n°1, oct. 2008,
du LESTAMP Habiter PIPS. Le
premier chapitre eut donc lieu à
Nantes, en juin 2006, dans le
cadre des journées d’été du
LESTAMP association d’esprits
libres ; le second chapitre, en
janvier 2007, à l’invitation du
Master 2 Recherche en Sciences
de l’Information et de la
Communication de l’Université
d’Avignon. Les chapitres
suivants auront donc lieu sur
les terres amiénoises.
L’espèce
d’intellectuel que je présente,
apparemment sociologue et
philosophe, enseignant aussi
bien la psychosociologie et
maints autres tours, souhaite
donc revenir sur un moment
d’écriture complexe,
c’est-à-dire produire un
commentaire à cette introduction
qui, peut-être, collectionne
quelques aspects « législatifs »
ou surplombants, bien qu’elle
n’ait toutefois qu’un objectif
heuristique descriptif.
Afin de résumer
cette métabole définitoire et
préparatoire qu’était ce texte à
la fois romantique et
matérialiste, disons qu’il
s’agissait d’un pari à trois
niveaux. D’abord, dans l’usage
épistémologique des références
en sciences sociales, dans la
mesure où la « thèse » de ces
énoncés conduisait, malgré elle,
à une critique des principes
positifs desdites sciences tout
en s’inscrivant dans leur
théorie de la connaissance.
C’était ensuite un pari
conceptuel, dans la mesure où
s’y articulaient des modèles
théoriques (des constructions
d’auteurs) jusqu’ici rarement
articulés. Bien sûr il pourra
m’être reproché de conjoindre
des propositions qui n’opèrent
pas au même niveau ; mais il
s’agissait hypothèses à
franchir. Dans ce premier
versement donc, se racontait
plutôt un problème de fidélité
au positivisme qu’une critique
classique, voire radicale. Il
était enfin question d’un pari
méthodologique, puisqu’il y
avait confrontation de corpus
théoriques et non confrontation
du quantitatif et du qualitatif.
La méthode, si l’on peut parler
ainsi, était donc le parcours «
en tous sens d’un vaste domaine
De pensée »,
l’exploration dédaléenne de
champs théoriques, comme s’il
s’agissait d’une même
Littérature –– une construction
visant un même but.
Voici maintenant
trois commentaires asymétriques
qui permettront, je l’estime, de
tout à fait me faire comprendre.
Commentaire sur
les exergues de P. Bourdieu et
de R. Boudon
1.1. Professeurs
de sociologie et épistémologues,
ces adversaires obtinrent tous
les deux l’agrégation de
philosophie. Alors une question
s’impose : si un « philosophe
institué » peut faire un « bon
sociologue », comme nous le
montre l’histoire de la
sociologie, un sociologue
peut-il faire un bon philosophe
? Autrement dit, les sociologues
savent-ils toujours bien ce
qu’ils font et, surtout, ce
qu’ils disent ? Avec ces
exergues, je me questionnais in
petto sur ce que faire de la
sociologie veut dire ––
lorsqu’on est sociologue et
lorsqu’on ne l’est plus — et
d’où viennent les outils
conceptuels de nos propres
conjectures sociologiques.
1.2. Avec un
sourire en coin, je goûtais
également la position de P.
Bourdieu, qui, comme l’artiste,
soulignait que le sociologue
devait savoir dépasser la
technique, dépasser ce qu’il
avait appris et compris
institutionnellement. D’où ma
première citation de L.
Wittgenstein, dans
l’avertissement, et mon souci «
du comprendre » : « qu’est-ce
que je comprends et comment je
le comprends ? » sont mes
obsessions méthodo-épistémologiques.
Commentaire sur
la métabole et l’intériorisation
2.1. J’ai résumé
Brève introduction à un
matérialisme romantique en la
présentant comme une métabole.
Selon le Gradus (Dupriez, 1984),
la métabole est une accumulation
de « plusieurs expressions
synonymes pour peindre une même
idée, une même chose avec plus
de force. »
La métabole n’est
ni une figure de mots, ni même
une figure de style, mais « de
pensée ». Contrairement à la
dissertation en trois temps
arrêtés, elle permet la pensée
labyrinthique que je choisis en
conscience, après qu’elle m’aie
choisi... Une métabole,
définitoire et préparatoire,
sert donc à définir et à
préparer le terrain et sa
recherche dans les méandres de
son propre esprit. Il y a de la
récapitulation et une sorte de «
coq à l’âne » dans cette forme
propice à l’écriture
labyrinthique, talmudique,
proustienne, augustes adjectifs
s’il en est.
On peut me
reprocher d’utiliser exagérément
les notes, guillemets,
parenthèses et italiques, les «
comme » (pour marquer la
similitude mais non l’identité)
et les scolies ; mais le lecteur
délicat et critique sait qu’un
mot n’est pas placé là, comme
ça, ou alors — par mégarde,
mésinterprétation, « non-vérité
ou maladresse » comme l’écrit
Hegel, et c’est à ce moment
qu’il faut discuter, piquer,
contredire... Quoi qu’il en
soit, ce qui vient vers moi est
une écriture à tiroirs dans le
style des signifiants fétiches
Nietzsche-Proust-Wittgenstein.
Après avoir lu sur les procédés
de rédaction de Proust, je
crois, verbe trouble, que
Nietzsche et Wittgenstein
travaillaient pareillement : ils
posaient une proposition
principale, mais non
principielle (ou un titre :
cristallisation d’un moment),
proposition fondatrice,
originelle, due à une intuition
ou un raisonnement plus tendu et
expert. Sur des pages blondes,
tournaient alors, tout autour,
des « scarifications textuelles
», maintes ratures, des « trous
dans le parquet », des mots plus
lourds que des signes et des
signes enroulant plus de sens,
des chemins divers,
allers-retours et phases de
mono-rituel pour mieux se
retrouver là-dedans, là-devant,
et des phases de projections sur
le monde, des visions, pour
mieux le décrire et avoir un
certain échange avec lui.
(Critiques, approbations, échos
: l’écriture serait un sonar, si
écrire est voler à l’aveugle.)
Les phrases périphériques ou
satellites avaient alors comme
une vitesse –– et c’est cela le
style ; mais la phrase centrale
détenait déjà tout en sa
composition. Prémisse ou
aphorisme, germe. Nous tous,
écrivaillons et « gens
d’entendement », nous voyons et
ne voyons pas cette chose
indifférente, prémisse(s) sans
conclusion(s), se déployer
devant nous et aller avec nous
et sans nous, parfois là et le
plus souvent ailleurs, se
déployer et ne pas avoir besoin
d’extra, de vivre dans milles
nouveaux tiroirs à tiroirs,
esprits chiffonnés, gais ou
malades, ou en rester là. Dans
la note finale d’un texte sur la
presse people (Le spectacle de
la société, Istanbul, 2005),
répondant à un certain Corcuff,
j’osais parler de « sociologie
fractale » pour décrire
méthodologiquement le monde.
Peut-être cette allégorie de
tiroirs qui sortent de tiroirs
textuels, est-ce cela qui peut
donner à voir (d’une façon
illusoirement synoptique) le
monde dans sa complexité ?
2.2. Les
dernières lignes de
l’introduction de ce commentaire
avancent que les sciences
sociales sont une même
Littérature au même but. La
conférence de 2006-2007 devenue
texte en 2008 l’explicite ; mais
renvoyons ici, comme par
ricochet, aux délicates réponses
avancées. D’abord, utiliser le
mot Littérature, l majuscule,
c’est redire que la société
prend conscience d’elle-même à
travers le langage –– il n’y a
pas de connaissance directe
(Kant) –– et que le langage crée
le sujet et non l’inverse ; mais
le sujet participe à son
mouvement, à son déploiement.
Réexaminons le problème posé par
la scolie 4 de Brève
introduction : il s’agit d’une
glose sur la motivation et
l’intériorisation. David Hume
(empiriste : l’impression est à
l’origine de la connaissance)
pose dans ses écrits que le
respect est une passion, qu’on
n’obéit pas par raison, que la
raison n’est pas motrice du
respect (ce que voudra
contrarier Kant). Ainsi, dans le
Traité de la nature humaine,
III, « La morale », il conclut :
« en elle-même, la raison est
inactive (…) parfaitement inerte
et se montre impuissante à
prévenir comme à produire une
action ou une inclination. »
Deux siècles plus tard, en 1939,
Norbert Elias, dans son «
Esquisse d’une théorie de la
civilisation », explique que «
la stabilité particulière des
mécanismes d’autocontrainte
psychique qui constitue le trait
typique de l’habitus de l’homme
« civilisé, est étroitement liée
à la monopolisation de la
contrainte physique et à la
solidité croissante des organes
sociaux centraux. » Faisant écho
à Kant et Durkheim et à son homo
duplex, Elias écrit plus loin :
« dans un certain sens, le champ
de bataille a été transporté
dans le for intérieur de
l’homme. (…) les pulsions, les
émotions passionnés qui ne se
manifestent plus directement
dans la lutte entre les hommes,
se dressent souvent à
l’intérieur de l’individu contre
la partie « surveillée » de son
Moi. »des organes sociaux
centraux. » Faisant écho à Kant
et Durkheim et à son homo
duplex, Elias écrit plus loin :
« dans un certain sens, le champ
de bataille a été transporté
dans le for intérieur de
l’homme. (…) les pulsions, les
émotions passionnés qui ne se
manifestent plus directement
dans la lutte entre les hommes,
se dressent souvent à
l’intérieur de l’individu contre
la partie « surveillée » de son
Moi. »
Maintenant
conjecturons que la Littérature
scientifique a pour but la
proposition 3.-1. dudit texte —
une réflexion sur sa mission
descriptive de l’aléatoire qui
se structure lui-même, une
réflexion sur le contexte
sociohistorique de l’esprit : sa
sociogenèse. Cette Littérature a
donc pour but d’interpréter,
d’éclairer, d’expliquer le fait
qu’il n’« Il n’y a pas de Logos,
il n’y a que des hiéroglyphes. »
(Deleuze, 1996) ; c’est-à-dire
que si le monde est totalement
déchiffrable, comme le prétend
Durkheim, Wittgenstein et
Pontalis, c’est moins parce
qu’il y a une Raison
(extérieure...) que différentes
manières, c’est-à-dire langages
et énonciations, d’appréhender
cette histoire-là de l’Homme et
sa psychogenèse (scolie 6 et 8).
Enfin, la Littérature
scientifique aurait pour
finalité la description et
l’analyse exactes des faits
sociaux et inévitablement des
faits de conscience (proposition
romaine VII). C’est-à-dire que
la formule « sciences sociales »
dit bien les choses : dans ces
disciplines, on décrit le monde
selon des explications par les
causes, et c’est cela la
science, et des explications par
les raisons, et ce sont les
raisons d’agir du monde
psychosocial –– on a toujours de
bonnes raisons qui sont les
mauvaises pour un autre ; mais
ce sont les nôtres : il faut
donc les étudier et les
comparer. Ainsi les sciences de
l’homme sont bien les sciences
sociales et il y a toujours
anthropologie lorsqu’il y a
étude de la communication des
humains entre eux.
3. Le XIXe et la
crise des années 30 : vers une
épistémologie triste mais
sauvage
Le XIXe est
marqué par l’enthousiasme
positiviste, mais au début des
années 30, les théorèmes
d’incomplétude, en mathématique,
et le principe d’incertitude, en
physique, compromettent la visée
positiviste. (Que dire
aujourd’hui des anfractuosités
de plus en plus nombreuses dans
les théories cosmologiques ?)
Lorsqu’il y a fragilité des
mathématiques (vérités
formellement indémontrables) et
de la physique des particules,
il y a inévitablement
fragilisation des sciences
sociales. Conclusion : si les
sciences sociales appartiennent
aux sciences naturelles, alors
elles sont aussi fragiles que
celles-ci, mais ni plus ni moins
fragiles et inventives,
c’est-à-dire non closes sur
elles-mêmes, capables
d’autodépassement, d’invention,
de renouveau –– prouver que
quelque chose n’est pas
prouvable est le meilleur
exemple (Gödel).
__________________________________________
Note de
l’éditeur,
L’auteur, docteur en sociologie
de l’Université de Nantes et
membre fondateur du Lestamp-Association
dont il irrigue très
singulièrement les échanges
intellectuels, a répondu, par
proximité, à l’appel public (www.sociologies-cultues.com)
sur la journée de l’axe III
d’Habiter-Pips, Bilan
réflexif d’itinéraires de
recherche sans être membre
de ce laboratoire. Son
article fait référence en son
début, à sa communication,
Remarques sur 2001 et
l’odyssée spatiale à
paraître in J Deniot, J
Réault, Espaces et
territoires, Cahiers N°2 du
Lestamp-Habiter-Pips avril 2009.
Lestamp-Editions. Nantes, et
in fine à Brève
introduction à un "matérialisme
romantique" édité in J
Deniot, J Réault, avec A-S
Castelot et M. Giannesini,
Des identités aux cultures.
Cahier N°1 du Lestamp-Habiter-Pips,
même éditeur. Octobre 2008
_______________________________________________
C’est
la problématique de
l’extériorisation, du rapport
intérieur/extérieur des scolies
4 et 8 de Brève introduction à
un matérialisme romantique.
Pour
la démonstration se référer au
Traité de la nature humaine,
livre II, 2e partie, section X
et 3e partie, section III, et
livre III, 3e partie, section
VIII, et p. 217 et 224
N.
Elias, La dynamique de
l’Occident, Calmann-Lévy, 1975,
p. 188, 193, 197.
Concernant le reste du texte. ––
Il y a la psychologie historique
de Meyerson et de Vernant, et
celle de Sapir (1967). Mais la «
psycho-histoire » est cette
discipline que voulait fonder N.
Elias et que le romancier de
science-fiction Isaac Asimov
débroussailla dans Fondation. ––
Dans la scolie 2, le versus
antinomique final est
malheureux, car il y a bien
plutôt complémentarité des
notions de « condition
historique » et d’« inconscient
», de « religion » et d’«
histoire culturelle », etc. ––
Dans le point 4.1., qu’y a-t-il
de nietzschéen chez Weber ? Il
nous semble que le
perspectivisme de Nietzsche pose
que tout a une psychologie, tout
est angle de vue,
interprétation, perspective.
Cette pensée peut se retrouver
dans les fondements de la
sociologie compréhensive de
Weber. –– Dans la dernière
phrase du point 5.-4., après «
jusqu’à soi », il faudrait
ajouter, entre parenthèses :
autocontrainte ou Surmoi social,
au sens d’Elias (sociogenèse
determinatio psychogenèse). ––
En 5.-5., il faut entendre par «
la politique, c’est
l’administration transcendantale
» de trois problèmes principaux
(désir, pensée, mort), d’abord
une conjecture, et puis, «
transcendantale » au sens de
Marcel Gauchet (2003. p.13) et
non au sens de Kant. Il s’agit
alors d’une interrogation sur
les conditions de possibilités
des choses : qu’est-ce qui fait
qu’il y a de la politique ou la
production circulation
consommation de ces trois
éléments ? –– Dans les dernières
lignes de la note 9, si on
comprend bien « l’inquiétude de
l’incertitude » humaine,
inquiétude de l’ignorance,
c’est-à-dire lorsque
l’Occidental ne sait pas, ou,
plus exactement, le chercheur,
les « gens d’entendement » d’Est
en Ouest, du Nord au Sud, cela
les inquiète, nous affaiblie.
Mais qu’est-ce donc que «
l’inquiétude de la certitude » ?
–– Ce serait une inquiétude de
la connaissance, conscience
déchirée et comique face à
l’abîme et à la mort ; d’où nos
nombreuses citations de Pascal
et nos renvois à Shakespeare et
à Nietzsche.
Identité
réflexive
Un point à l'envers, un point
à l'endroit : être ou ne pas
être sociologue :
Gérard Déhier
Docteur en sociologie,
Université d’Angers
« Reste toutefois,
depuis ce seuil
circonscrit, ambigu,
à entrevoir,
apprécier - sans
illusion d’optique -
ce tissé entre nœuds
et fils, d’un
présent passé. »
Joëlle Deniot,
Ethnologie du Décor
en milieu ouvrier :
le bel ordinaire,
L’Harmattan, p. 335.
L’univers du
savoir ne donne pas d’emblée la
familiarité essentielle d’un
habitus
mais la constitue lentement,
d’abord avec une chronologie,
une histoire scolaire et
universitaire entourée de ses
rumeurs sourdes et admiratives,
où l’excellence sourd des
groupes et se pousse du coude à
rêver autour de professeurs. La
recherche peut se dédier non à
la nostalgie mais à
l’espoir dans une tentative
simultanément pour me penser moi
et les autres avec les
autres dans une volonté de
rendre compte d’une
interposition comme pacte social[1] .
Réfléchir sans être le reflet de
ses maîtres et apporter sa
propre pierre à l’édification
sociale voilà la problématique
qui se place
“spontanément” à l’origine dans
une volonté de trouver les
concepts d’une pratique - une
assise initiale à la fois
militante et autodidacte, un
point d’application l’enfance,
toutes les enfances - un
refus
de l’histoire
telle qu’elle nous est faite.
L’interrogation donne le
mouvement d’une sociologie de la
connaissance comme le rêve d’une
mise à distance radicale,
l’oubli d’un nécessaire
compromis qui laisse incertain à
un moment donné la position du
“sujet” et de “l’objet”, pour
que la conjonction puisse
avoir lieu. Spécifier une
logique comme sociale et, non la
définir comme cadre a priori
d’une connaissance[2]
pour avoir
quelque chose à faire, ne pas en
finir avec une
praxis : cette ambition
implique la prise en
considération d’un héritage
constitué par un ensemble de
représentations au fondement
d’une pratique analytique
du rapport au social.
Que faire ? De sa
peau ? De son ordinaire ?
L’efficacité est-elle à chercher
dans un ailleurs où les raisons
que nous avons de croire en des
raisons sont au fondement d’une
pratique dans l’arrière d’un
empirisme où persiste la
question à la fois de l’évidence
et du concret. Une première
réponse : l’idéologie spontanée
est dans la nécessité opératoire
de se penser à la source de,
point de départ, intervention,
présence réfléchissante et
reformulante, reflet actif[3].
L’interrogation ainsi place son
objet dans une sociologie de
l’évidence puis de l’adhésion et
enfin de la magie, dans les
lendemains de la déréliction -
une mythologie ? Une théorie
implicite : une idéologie. Il
est consolant alors d’imaginer
des structures anthropologiques
y compris de l’imaginaire ; il
faut accepter de lâcher ce qui
nous tient pour en faire l’ombre
d’une proie, transformer notre
abandon en posture de vigilance
épistémologique. Le
mythe à l’occasion
Lévi-Strauss le veut construit
sur les gravats de palais
idéologique
[4]
- est-il
l’expérience première ? Ou la
conviction dans une expérience
originale, à jamais distinctive,
qui vient obérer les mécanismes
successifs d’une mise en
perspective d’un lieu, d’une
position, empêcher l’abréaction[5]
et l’objectivation.
Faire sauter des
verrous
est-ce en dénouer le mystère ?
La sociologie
s’emploie alors à faire sauter
ceux qui lui contreviennent et
renforce alors, ipso facto,
un besoin de coïncider - c’est
ici, proprement, dans une
perspective anthropologique, le
mythe qui régulièrement se
manifeste dans une logique où
l’individu se joue contre la
société. Penser ainsi c’est
aussi trouver des raisons déjà
inscrites dans la pensée des
autres comme écran ou adéquation
à un processus - pensées de
quelque chose. La question
peut-être de distinguer l’objet
de pensée de la pensée de
l’objet, de penser en propre la
pensée les autres, de “démêler
le mien du tien” pour éviter de
reproduire un même discours ou
le discours du même, de
distinguer la pensée de la
raison, donc de penser la
différence des raisons et de les
rapporter “bonnes” ou
“mauvaises” à ce qui les fonde,
les retient. Il faut trouver
la théorie implicite rectrice de
la différence et pour ce faire
après l’hypothèse, trouver la
thèse au besoin en corrigeant la
précédente et ne pas
préfabriquer mais ajuster une
explication à ce qui la suscite
pour ne pas séparer la pensée de
son existence ou, alors rendre,
compte de l’une par rapport à
l’autre, donner le développement
analogique d’un lien sans
confondre l’un dans l’autre.
Sauver l’objet -
l’écran paradoxal :
contre le théoricien,
l’observateur doit toujours
avoir le dernier mot ; et contre
l’observateur l’indigène
tolérer la pensée sans nuire à
son existence, ne jamais jeter
le bébé avec l’eau du bain et ne
pas dire trop vite ceci ou cela
- d’un “penseur” - par exemple -
qu’il compense la médiocrité de
son existence en échafaudant
tout un système, toute une
société nouvelle et exemplaire
ne pas déprécier l’utopie en la
remmenant à un moment de
confusion, accepter le paradoxe
comme mode d’organisation
dialectique.
Par exemple si le
phalanstère
est un paradis à usage personnel
d’un vieil habitué des tables
d’hôtes et des bordels, si ce
lieu est vrai alors on peut
admettre que celui-ci au moins a
trouvé sa solution théorique :
la maison close.
Cette réponse enferme le citoyen
dans un ubris ménager qui
le voue à la pavillonnarisation,
à l’ennui libertin expression
pratique d’un “échec” aménagé.
L’utopie comme symptôme
nous révèle la contrainte et
l’impatience brutale qui lui est
associée, le projet, son
absence. L’existence d’une
pensée “propre” à un homme,
l’autodidaxie, en l’occurrence
celle de Fourier, identifiée et
identifiable en un lieu est
peut-être exemplaire de la
figure théorique d’un refus de
la pensée d’un “civilisé”
c’est-à-dire d’une victime de la
Civilisation, fléau passager,
maladie temporaire, l’effet
d’une situation où
une minorité d’esclaves armés
contient une majorité d’esclaves
désarmés
.
c’est affirmer la
pensée dans un nécessaire
rapport d’homologie à un mode de
vie par ailleurs inévitablement
produit par des
jugements de valeur.
Penser est donc aussi un acte
qui permet d’accéder à
l’existence, une façon de
prendre place.
“…qu’il me soit
permis d’examiner mon existence
du même regard dont je considère
la vie en général : comme
l’expression d’une activité
intellectuelle qui tend à se
donner une forme, dans le
domaine du savoir, de l’art ou
des rapports privés
.”
Comment penser, à
quelle heure ? L’oiseau de
Minerve connaît-il un midi de la
pensée ? Marx et Engels à ce
propos sont en désaccord, pour
l’un à toute heure, pour l’autre
à son heure : d’où
s’envole l’oiseau de Minerve ?
Entre discours et histoire
il y a le rêve d’un médiateur.
Cette absence d’un tiers juge
d’une situation sans que l’on
soupçonnât qu’il puisse s’y
intéresser, est peut-être
aujourd’hui à l’origine de
l’expertise : une nouvelle ruse
de l’Histoire. En l’absence de
chef d’orchestre à qui se
fier ? Il faut prendre la mesure
d’une formation d’instrument en
instrument, avec une bonne
connaissance de la partition.
Les représentations que les
hommes se font de leur position
incluent l’idée que ceux-ci se
font de celles-ci sans impliquer
nécessairement une adéquation
entre les positions occupées et
celles conçues ou imaginées
comme positions occupées
L’objectif est
ici de saisir l’entre-deux, ce
qui cherche à se maintenir, dans
un endroit, sur une ligne et un
projet, en quête de position
d’atteindre à une sociologie du
virtuel. Les logiques sociales
ne semblent pas nécessairement
s’acclimater au “sociétaire”.
Elles s’y jouent et déjouent à
travers des “pensées” qui
toutefois bien que rejouées
restent dans un rapport où
celles-ci demeurent suspendues
comme si leur fondement,
organisation ou transmission
n’avaient jamais été assurés -
l’incertitude pèse. Nous sommes
obligés de faire cette hypothèse
pour comprendre un besoin de
certitude, de détermination,
savant ou religieux.
Les oracles de l’Apollon de
Delphes ne furent vérité divine
pour le peuple, enveloppés dans
le clair-obscur d’une puissance
inconnue qu’aussi longtemps que
le trépied pythique fit entendre
la puissance manifeste de
l’esprit grec ; et le peuple
n’eut de relation théorique avec
ces oracles qu’aussi longtemps
qu’ils firent retentir la propre
théorie du peuple ; ils ne
furent populaires que tant
qu’ils demeurèrent étrangers au
peuple.
Si l’avenir n’est
plus au “travail vivant”, aux
salariés nécessaires à la
collectivité d’une manière ou
d’une autre, l’individu
deviendra plus que jamais
contingent et lui sera dû son
aptitude à rêver, à mobiliser
encore et encore autour d’un
projet, nous sortir de l’ennui.
Les hommes et les femmes seront
plus que jamais appelés à
devenir des inventeurs de
finalités pour justifier de leur
existence et de leurs exigences.
L’existence et la pensée auront
enfin partie liée- la question
des valeurs sera enfin au centre
et nous pourrons alors peut-être
citer Marx :
Si les dieux
avaient autrefois habité
au-dessus de la terre, ils en
étaient maintenant devenus le
centre
Les sciences
critiques dès lors avec Aristote
se rappelleront que
démontrer ce n’est pas demander,
c’est poser qu’il n’y a ni ordre
ni désordre dans la nature,
l’univers n’a pas de but, le
monde ne renvoie à aucune
arrière pensée formelle éthique
ou esthétique
qu’il n’y a de
question qui ne finît par se
transformer en demande pour se
trouver ainsi poser car demander
c’est poser une question donc
chercher à sortir d’une
réification ou d’une hypostase
du regard pour aller à la
rencontre de ce qui nous choque.
L’enfant
d’ouvrier : l’être et le néant
L’enfant
d’ouvrier
découvre de l’usine à la maison
un changement d’échelle, d’une
part l’unicité, la singularité
d’un être aimé, de l’autre son
nombre, sa masse mouvante mais
accueillante dans laquelle il va
jouer à le chercher. Trouver son
père parmi les autres, ce n’est
pas l’avoir tout à soi et une
bonne fois pour toutes - c’est
aussi l’absence. La mère sera
celle de la permanence et le
père celle du jeu et de la
sanction - celle de
l’ambivalence par rapport à une
pérennité, un représentant d’un
monde inconnu
à la
fois attirant et terrible. :
l’usine. Trouver une “boite”,
la BOITE, l’usine, rentrer à
Merlin-Gerin ou à Neyrpic, voilà
l’objectif d’une classe de fin
d’étude au début des années
soixante dans le quartier
Berriat à Grenoble, et “courir”
les filles qui se trouvent,
mitoyennes, de l’autre côté de
la grille. Les bons élèves, ceux
que l’on ne voit pas partir vers
le lycée, ne descendent pas dans
la rue pour jouer au ballon ou
faire du vélo dès six heures du
soir au beau jour. Ils font leur
devoir et s’attirent le sourire
admiratif de la belle
institutrice remplaçante. Ils
sont retenus quelque part dans
un projet invisible dont on
découvre plus tard dans
l’inversion des rôles, les
dessous et les calculs savants.
La rue en
attendant ouvre à l’exploration,
à la transgression, à un
“sentiment” de liberté pendant
que d’autres apprennent à
optimiser un parcours scolaire,
en étudiant l’histoire des
Romains et des Grecs, certains
explorent les terrains vagues,
sondent les flaques d’eau,
jettent à la volée et dans la
foulée des pétards “pirates”
dans une épicerie. L’écho des
positions sociales nous
est donné par cette
inaccessibilité des uns par
rapport aux autres plus que par
l’importance de la taille de la
demeure, par le compagnon qui ne
s’attarde pas le soir en
rentrant “à la maison”, le fils
R. dont le père est directeur à
la “S.D.M.” et dont “la Maison”,
cachée dans les frondaisons d’un
parc, du trottoir en terre après
l’avoir accueilli, a livré un
instant par la porte
entrebâillée, un caractère
corpulent, la stature que nous
avons déjà rencontrée dans le
petit Larousse illustré. Nous en
avons pour nos frais et
solitaire nous nous en
retournons car il est difficile
de détourner l’enfant qui rentre
chez lui pour faire ses devoirs.
Rétrospectivement les choses se
mettent mieux en place, une
certaine logique semble s’avouer
mais trop tard pour être utile :
la réversibilité des destins
sociaux n’existe pas - il y a
tout au plus une fatalité
modifiable. Qui proposera
autre chose dans ce qui se
déroule ? Ce qui aurait pu être
et n’a pas eu lieu : une
décision des parents au bon
moment - une meilleure
connaissance d’un “système”
scolaire - une véritable
ambition “secondaire” ?
Trouver une
bonne boite
pour rejoindre le monde du père,
c’est d’abord l’évidence.
Autrement c’est ne pas en être,
ne pas savoir ce que l’on veut
ou tout simplement se bercer
d’illusion, trahir - croire
“qu’ailleurs” se trouve la
solution du présent, “péter plus
haut que son cul”, se prendre la
tête, se hausser du col etc. Ces
expressions parsèment le terrain
d’une dissuasion venant autant
d’un instituteur que des
adolescents eux-mêmes. Les
solidarités sont aussi des
viscosités qui restent à
qualifier : sont-elles
spécifiques à une classe ?
Conservatrice ou progressiste ?
Intéressante on non dans une
perspective de changement, ou,
sont-elles, plutôt, une façon
plus générale de neutraliser la
concurrence ?
L’abstraction de
l’analyse ne doit pas faire
perdre de vue les valeurs d’une
époque, d’une conjoncture où
“aller à l’usine” c’est aussi
prendre le relais d’une mémoire
ouvrière et affirmer des valeurs
positives de solidité, de
compétence, de capacités
“réelles” à faire “tourner la
machine” et “bouillir la
marmite”.
Lâcher l’école
pour l’usine c’est l’ordinaire.
Les Écoles Nationales
Professionnelles, “Vaucanson” à
Grenoble, la “Nat” à Voiron,
des formations longues dans le
domaine technique, ne cachent
pas leur finalité et ce qu’elles
valorisent. L’univers de
l’entreprise a aussi ses
fleurons de la pensée, ses hauts
de la “planche à dessin” et du
pied à coulisse, où la blouse
blanche, la blouse bleue et la
blouse grise cèdent par
intermittence la place au “bleu”
(habit de travail de couleur
bleu) pour le travail en
atelier, les heures d’“ Atos”
(heures d’atelier).
Le métier reste
en rapport encore avec l’idée
d’un bon métier, c’est-à-dire
quelque chose qui se fait bien
avec un tour de main et permet
de s’attirer l’estime de ses
compagnons : être un bon
compagnon ça compte- il ne
suffit pas d’être camarade
encore faut-il passer pour
quelqu’un “qui fait bien son
boulot”. Si “l’ailleurs” existe
c’est dans une révérence pour
ceux qui sont ingénieurs, ceux
qui sont “quelqu’un”, alors
“poursuivre ses études”
n’engendre pas que le dépit mais
aussi la jalousie, une rivalité
père-fils qui sert d’écran à un
orgueil et une ambition
familiale, celui d’une promotion
qui doit se faire accepter sans
trop blesser la susceptibilité
des uns et des autres, ne pas
trop raviver des nostalgies. “On
verra bien ce que tu feras plus
tard” autrement dit on verra
bien si tu deviens “quelqu’un”
dira le père à son fils où alors
il lui rappellera les
“sacrifices”, les “saignements
aux quatre veines” en même temps
qu’il affichera le ton et
l’allure qui n’attend de
remerciements de personne. La
contradiction entre
l’attachement et la valorisation
d’une condition ouvrière
d’une part et d’autre part, la
nécessité d’avoir un bon
métier..Ainsi certaines
équipes deviennent les
victimes de ce rapport à une
idée d’un salut collectif
qui s’oppose à celle du salut
individuel. Le problème latent :
s’en sortir seul ou avec les
autres - émerge pour mettre en
évidence le problème général de
la conciliation entre ce que “je
me sens obliger de faire” et les
choses auquel “je crois”, entre
deux partis pris, “les miens” et
“les autres”, “mes” proches et
la société, les “autres”, ceux
que je croise ailleurs, à
l’usine, dans l’atelier, sur le
terrain de “foot” : des valeurs
dont je me sens plus responsable
que d’autres, l’origine
peut-être d’une opposition entre
éthique de la responsabilité et
de la conviction.
La tribu
est celle d’abord ceux dont on
est tributaire, redevable.
S’occuper des siens, rester dans
sa tribu ou accomplir son destin
personnel telle est parfois la
question : faire le mieux que
l’on peut compte tenu d’une
ambition familiale de promotion
sociale plus ou moins bien
formulée. Encore faudrait-il que
nous soyons sûrs de la présence
de ce distinguo dans une
représentation du quotidien où
être responsable ne se dissocie
pas d’une intime conviction de
“faire ce que l’on doit” avec
“l’intime” conviction d’avoir
fait ce que l’on devait, tout ce
que l’on pouvait pour élever ses
enfants, l’ignorance n’étant pas
vice mais ressenti dans le “je
savais” comme une excuse, un
effet du destin, aussi face à
l’organisation, qui convoque
l’immanence du savoir,
l’individu peut-il se sentir
paralyser par un artifice dont
il n’a pas appris le rudiment,
le père ou la mère s’en remettre
à des “enfants” comme à des
intermédiaires obligés pour en
effectuer le parcours au sein
d’une mécanique sociale.
L’enfant dans la famille devient
parfois celui qui remplit des
dossiers et effectue des
démarches, prend en charge le
groupe. C’est aussi celui qui
devient un Monsieur, changer de
classe, ne plus être dans le
même monde, a une bonne place,
accède à une position, devient
un “grossium” montre ce qu’il
vaut et ce qu’il est car il
n’est pas n’importe qui, qui
doit savoir cependant mettre de
l’eau dans son vin tout en
sachant jouer des coudes et
connaître les bonnes combines.
Accéder à la
classe ?
Devenir un grand ? Tout est-il
là ? Et encore faut-il voir où
aller. Les classes chez Marx
sont implicites d’un sens qui
les fait exister non pas en soi
- elles ont des réalités
diverses attestées par l’enquête
et la réflexion sociologique -
mais vraiment à partir du
conflit généré d’abord par une
situation de travail.
Ordinairement elles sont
masquées dans le mécanisme
sournois de l’extraction de la
plus-value. L’accès à la classe
est donc d’abord l’accès à une
conscience de classe et
peut-être plus violemment encore
à l’idée d’en être, d’être avec
les autres, volonté d’être à
l’autre ce qu’il est à nous et
pour nous, une leçon à chaque
instant dans un démêlé
permanent. La théorie de la
lutte des classes passe d’abord
par l’idée d’un conflit majeur,
principal, par l’idée d’une
dominante agonistique
induite par une réorganisation
historique d’une domination de
“classe” qui devient de ce fait
“classe en tant que classe” et
dont il reste à construire
l’issue politique : la
“dictature du prolétariat”
- une société au goût du plus
grand nombre qui pourra ainsi se
réaliser, devenir
polytechnicien, c’est - à - dire
l’ensemble des hommes “total”
non pas additionnables et
chronométrable mais tous à
considérer chacun dans leur
singularité.
L’analyse de Marx
nous intéresse particulièrement
en tant qu’utopie qui mobilise
en chacun de nous, la
possibilité un jour d’être plus
et mieux, d’accéder à une
activité variée et à
l’individualité. “Individu”,
j’échappe à un classement social
dû à autre chose que des
qualités personnelles, à
“l’argent”. Marx dénonce non
seulement l’aspect tactique du
salaire, son opportunisme, mais
son insuffisance, son caractère
limite et limité en rapport à un
référent sociologique : une
société capitaliste qui ferait
du salaire le seul instrument
d’une reproduction de la
force de travail en rapport avec
la nécessiter de lutter contre
la baisse des profits. La pensée
de Marx justifie d’une politique
sociale du salaire et d’un
déplacement du lieu d’un
arbitraire, d’une “négociation”
de la société civile vers
l’État. Le problème se pose
aujourd’hui avec le traitement
social du chômage qui permet de
recycler économiquement une
fraction de l’exclusion
sociale : que rémunère le
salaire ? C’est selon ; doit-on
vraiment travailler au sens où
on l’entend encore comme
fatalité, obligation civique ?
Le salaire est donc aussi une
institution qui rend la
nécessité obligatoire dans
l’activité : “il est
nécessaire de travailler pour
vivre” sans que qui que ce
soit puisse en définir la
nécessité pour chacun en dehors
de normes de travail et de
rémunération qui lui sont très
relatives géographiquement et
historiquement. Ainsi ne peut-
on séparer la préparation au
travail de celui-ci, un temps
hors - travail du travail lui -
même, valeur d’usage et valeur
d’échange mais considérer l’une
comme préparant à l’autre, signe
de signe - “comme on fait son
lit, on se couche” - l’individu
de ce qu’il apprend à faire pour
le refaire. L’école nous
apprendrait le travail simple,
abstrait et socialement
nécessaire avant de nous livrer
au monde vulgaire de
l’apparence, à la
diversité phénoménale de la
réalité du travail, ce télos
de la production que l’on nous
définit comme réalité, la
vraie réalité de la vie,
l’obligation de travailler donc
de manifester de toute façon un
minimum de bonne volonté.
Marx est là pour nous rappeler
qu’il y a maldonne et que
derrière l’acceptation d’une
situation dont nous ne sommes
pas les promoteurs, l’analyse
est toujours à faire : celle des
arrières pensées.
Être à l’heure :
le corps docile
Quand on est
enfant, collégien, lycéen, le
retard est parfois une
souffrance et l’on hésite alors
à rentrer en classe, à frapper à
la porte de la classe. Il faut
être “à l’heure”, ne pas se
faire remarquer par une arrivée
qui dérangerait et pourtant être
présent. Ce
paradigme pédagogique n’a
pas disparu il s’est déplacé
vers le “haut” pour se “diluer”
vers le “bas” où l’on se
déclasse plus que l’on se
reclasse. On change de division,
on disparaît, on se
lumpenprolétarise. Il n’est
pas question de rester dans un
lieu qui ne soit prescrit
pourtant et l’on se bat parfois
pour lutter contre ce qui est
ressenti comme une descension,
un amoindrissement du
“travail” : on tient à sa
classification et un O.S.
n’est pas un O.Q. ni un
O.P. a fortiori quand cet
O.P. est un O.P. 3[21].
La montée comme inscription
dans une échelle de valeur
disqualifie ce qui s’écarte de
celui qui passe. Le premier de
la classe et le dernier sont le
couple exemplaire sur lequel
s’essaient les modèles
socialement admis. La notion de
classe n’est cependant pas
neutre axiologiquement, elle
admet un principe d’identité
entre tous ses membres - le
tabou consiste donc à ne pas
transgresser un principe
d’appartenance qui est au
fondement d’une définition
collective. Classe et révolution
dans leur rapport impliquent un
tour complet effectué autour
d’une même position, une liberté
interne à la classe qui explose.
Autrement on évolue dans sa
classe, ce qui peut apparaître
comme antinomique avec le
concept de classe ou encore au
fondement symbolique d’un
réformisme. Nous sommes mis
en concurrence entre “égaux”,
tout au moins est-ce
l’affirmation de l’institution -
nous sommes d’une même qualité
reconnue par un concours
d’entrée avec classement - dans
et sous le regard des uns et des
autres, nous nous surveillons et
parfois cherchons à nous
handicaper dans la course à la
première place. “Sans foutre”,
ou “être le meilleur” est une
façon d’en sortir, ou bien alors
chercher sa performance
ailleurs, s’exclure.
La classe
n’empêche pas la
rivalité, la formation de
clan, l’isolement. Il y a des
luttes intérieures à la classe.
L’enseignant certes peut-être
aimé ou non, mais lui seul est
maître du jeu et juge des
résultats. Les chahuts et
charivari n’inscrivent que le
désordre comme frein à
l’activité pédagogique et encore
ils ne font pas l’unanimité car
certains tiennent à être
contrôlés pour être reconnu dans
leur travail. En soixante - huit
le “non aux examens bourgeois”
ne résout pas la question d’une
exigence d’évaluation qui
demeure. L’évolution de la
classe dépasse la volonté et le
pouvoir de l’élève alors que la
concurrence en est un aiguillon.
Les élèves quel que soit le rôle
qu’ils choisissent réalisent un
destin qui les dépasse parce
qu’ils le méconnaissent d’abord
et aussi parce qu’on ne leur
reconnaît pas le rôle de
décideur. Ils font un premier
apprentissage d’un travail en
transparence dans un
environnement opaque : ils
savent plus de chose sur
Archimède que sur la politique
militaire romaine en Sicile.
Comment
être reconnu ? Être à
l’initiative ?se
faire remarquer dans
l’institution scolaire où
l’artisanat pédagogique ne
suffit pas, ni l’esprit
d’entreprise ou l’audace ? Il
faut y savoir répondre avec
précision à une demande anonyme
de calme, de propreté, de
ponctualité et d’efficacité. Ni
trop lent, ni trop rapide
(agité) il faut être là avec les
autres dans le même rythme.
Cette exigence s’accroît bien
entendu avec les effectifs, la
production en masse de diplômé,
l’alimentation de “gisement de
diplôme”. Le prolétariat devient
classe dominante parce que
tendanciellement il devient la
seule classe, il n’est plus
classé ni classant, il est la
dernière classe, celle qui
survit à un système prédateur.
Mais une classe arrivera-t-elle
au pouvoir sans se fracturer à
son terme pour être redistribuée
afin de reconstituer
partiellement la classe des
premiers, une élite. Dans un
“cracking” permanent de
l’efficacité, la classe serait
en fait et, toujours, l’illusion
d’une stabilité d’un social
fracturé. L’école assurerait le
passage de la gestion privée à
une gestion publique, deux
conceptions du rapport aux
pouvoirs qui se disputeraient
les élites en sortie, l’une
autour de la construction
permanente d’un État, d’un
consensus transversal à un
ensemble de groupes sociaux, qui
privilégie l’action des groupes
les plus dynamiques, les plus
puissants dans l’organisation de
la société civile : l’État n’est
alors que l’expression de cet
objectif et de ses effets.
Se déclasser : la stigmatisation
De l’altérité :
D’une classe à
l’autre que se passe-t-il ? Le
phénomène classe parce qu’il est
aussi la rencontre entre un
univers abstrait, statistique,
une procédure de regroupement et
aussi une opération de
standardisation à plus ou moins
grande échelle en rapport avec
des objectifs. Une classe n’est
plus l’expression spontanée
d’une position elle est
construite autour de cette
position (donc positionne),
comme expression de sa
rationalité - mythe achevé de
l’efficacité. La classe ouvrière
n’est pas simplement
l’expression d’un mode
d’exploitation économique mais,
simultanément, d’un mode
d’organisation économique.
L’exploitation trouve dans la
constitution d’une classe, sa
profitation, son efficacité,
son armée pour la lutte
économique comme l’école trouve
dans ses élites les futurs
cadres de cette armée et les
inspirateurs des combats à
venir. Aussi peut-on comprendre
la solidarité au sein d’une
classe comme groupe primaire où
se joue une division du travail,
des rôles pour la plus grande
gloire de tous. Ce sentiment
d’appartenance nous l’avons
quand nous prenons la défense de
notre “classe” contre un regard
surplombant.
Interdirons-nous
à d’autres le droit de dire qui
nous sommes puisqu’ils n’en sont
pas, qu’ils se contentent de
nous réfléchir. L’élitisme crée
le sentiment de classe,
c’est-à-dire amène à développer
l’idée qu’un groupe n’a de la
valeur qu’à partir du moment où
il a des résultats. En fait il
s’agit d’un refus du statu quo.
À Vaucanson, l’école nationale
professionnelle (E.N.P.) la
“crème”, représentée par les
filières nobles et conscientes
de leur noblesse, prépare les
grandes écoles, et la “lie”, les
filières professionnelles, les
“commerciaux” à la blouse grise,
les futurs comptables, au sein
même d’un univers technique
déplace l’écart, un besoin de
distinction, entre ceux voués à
la gestion, les serviteurs, et
les autres, les maîtres de la
matière, de sa mise en forme et
de sa mesure. Le déplacement de
ce conflit trouve un mode de
résolution momentané par son
inversion virtuelle à l’occasion
d’un match de foot annuelle où
habituellement l’équipe des
sections “commerciales”
l’emporte en final sur l’équipe
des classes de
“Techniques-Mathématiques”, les
“TM”, ceux qui préparent las
“Arts et métiers” : forts en
maths ou en thème mais pas au
foot - une victoire de la
matière sur l’esprit.
Le “terrain” est
le lieu réel et symbolique où se
rejoue un classement social.
C’est de cette expérience d’une
parité qui échappe à une
institution que se pense
probablement, de notre point de
vue, l’idée d’un changement, le
passage à un classement élargi
et
relativisateur, la
production d’une situation qui
remette pratiquement en question
la signification d’un a priori
hiérarchique - et pour aller
jusqu’au bout, disons-le, un
autrui généralisé à
stratification variable.
Ce n’est pas la lutte des
classes dans l’idéologie que
nous vivons alors mais une
“revanche sociale” qui rappelle
à quiconque que personne ne peut
exceller en tout et qu’une bonne
équipe de football c’est aussi
une intelligence, c’est-à-dire
une supériorité ; des inférieurs
peuvent être aussi des
supérieurs à certain moment,
dans certaine situation, dans un
univers particulier, dans un
moment singulier : un bon tir au
but, un bon “dribble”, une jolie
passe, un bon placement, une
belle attaque : technique et
stratégie sont à l’épreuve de la
balle, un art de la circulation
d’un bout à l’autre, une
ouverture et une pénétration du
terrain de l’autre, la
réalisation de l’adversaire.
La lutte des
classes peut dès lors se
concevoir comme la lutte entre
deux univers dans laquelle il
est impératif de rester à sa
place. Le classisme est
alors une façon de garder sa
différence, d’en prendre soin et
l’ouvriérisme s’inscrit parmi
d’autres procédures d’exclusion,
de sécession, d’exacerbation de
la différence. Le conflit
s’inscrit alors dans la
construction de la différence et
devient la différence.
Paradoxalement le moment d’une
rencontre ici fait éclater les
différences. Nous sommes alors
dans l’admiration de ceux qui
nous dénie toute supériorité au
cri de : “au cul les
commerciaux” et nous avons
le plaisir de les voir
succomber. La rencontre rend
pour une fois les écarts encore
plus délicieux : une classe de
quatrième commercial bat une
classe de première
technique-mathématique : elle se
surclasse.
Il s’agit de la
découverte de la norme de
l’inique.
L’internat fait découvrir
l’iniquité normale mais indique
aussi des issues car la
cohabitation est presque
obligatoire. C’est un univers
qui n’a que les apparences de la
fermeture et dans lequel se
rejouent des choix et des
stratégies périphériques.
Aujourd’hui l’internat n’a plus
la figure d’antan. La république
est “moins” tendre avec le
citoyen. Le boursier se fait
rare ou autrement - à travers un
système de prêts se fonde le
citoyen endetté. Le problème de
la politique technicienne est
celui de l’administrabilité
d’un bas massifié, la
participation d’un démos
qui remet en cause régulièrement
la stabilité des élites et qui
doit retrouver son sens en terme
d’élargissement de la pyramide
des compétences - aujourd’hui la
technocratie ambiante parle de
repyramidage ce qui manifeste à
quel point le taylorisme a été
intériorisé - d’extension du
champ de contrôle et non point
de remettre en question trop
brutalement l’exercice des
pouvoirs. Il s’agit de la
destruction d’un ensemble de
pouvoirs distribué à travers le
champ d’une stratification
sociale.
L’effondrement d’un “social”
médian :
chercher,
enseigner, former, éduquer …
Nous avons été
moniteur, animateur, enseignant
et chercheur : sommes-nous dans
une période de régression
sociale, d’involution avec des
caractéristiques économiques et
sociales de pays sous-développé
ou en voie de développement ?
Dans une régression dans l’ordre
des valeurs intellectuelles :
c’est selon. S’il y a une lutte,
elle est contre un
déclassement : le surgissement
de l’individualisme - du retour
du sujet - est aussi un symptôme
de cette peur où, faute de
pouvoir compter sur les autres,
il faut se sauver soi-même. Les
concepts de moniteur et
d’animateur rendent compte moins
aujourd’hui d’un phénomène de
subsidence sociale et de
changement que d’un éclatement,
d’une réalité banalement
empirique qui n’accède pas à une
conscience socio-historique ou
tout au moins n’en veut pas,
pour ne pas avoir à rendre des
comptes à un quelconque tribunal
de l’histoire, diverse dans ses
techniques, ses objectifs, ses
organisations, ses principes,
mais dont le rapport à une
sémiologie ou psychologie, une
volonté d’application rendu
visible en des lieux disparates,
des institutions diverses :
écoles, crèches, centres de
vacances (du camp d’adolescent
de la FOL
au Club Méditerranée), Maisons
des Jeunes et de la Culture,
clubs sportifs, etc. Cette
volonté est aussi affichée dans
un désir affirmé de devenir
“communicant” ou il ne s’agit
plus de dire ou de faire mais de
dire au fur et à mesure ce que
l’on fait, l’apothéose de la
volonté de contrôle dans
laquelle s’exprime le désir de
faire coïncider communication
interne et externe.
L’“ Entreprise” a
particulièrement manifesté ce
souhait avec le concept de
“qualité totale” qui surgit
alors que d’autres évoquent la
fin des idéologies.
On assiste au
déplacement d’une représentation
holistique du social, du
sociétal, vers un social médian
ou
mesosociologique qui se
substitue, dans un holisme du
projet et de la tâche, à des
instances qui désormais se
cachent, ; elles laissent
à d’autres le soin de les dire :
Les groupes et les individus
sont sommés de dire ce qu’ils
sont face aux pouvoirs qu’ils se
sont constitués - c’est le
développement du lobbying
dans le prolongement des
activités corporatives et
“consuméristes”, de la défense
d’un cadre de vie (association
de défense des habitants de
la Remise aux fraises par
exemple, cf. entretien Catherine)
à la traditionnelle défense des
intérêts “professionnels” dans
le surgissement du métier -
c’est la “partie” qui tend à
prévaloir sur un “tout” en perte
de vitesse éthique et
économique. Comme on le chante
dans les colonies de vacances de
nos enfances : c’est “l’équipe
qui t’appelle
vient ! vient ! laisse tout”.
L’animateur caché est-il à
l’œuvre
dans des pensées, généreuses ou
séditieuses ?
Avec la distance
nous reconnaissons le point de
vue ancien d’un monde encore
présent dans lequel seul a des
responsabilités l’individu
libéré de la nécessité, du
“porte à porte” et il faut
entendre le discours de
l’intellectuel-cadre, un refus
de se coltiner l’ordinaire
militant pour se consacrer à des
tâches de responsable : “j’ai
tout de suite eu des
responsabilités avec mon
charisme”
. Monde
aristocratique des
intellectuels, de
l’intelligentsia, d’une cité ou
l’humanité ne se décrète pas, à
laquelle on ne peut accéder par
voie d’élargissement,
par décision de justice :
grecque, idéalisée, comme
blanchie par Viollet-le-Duc,
elle est celle du haut
fonctionnaire de la république,
du communiste de la “prise au
tas”, d’une élite d’initiée, du
capitaine d’industrie aux hommes
de qualité. Comment se remettre
d’une vision permise à très peu
et qui nous échappe dans la
gestion de l’ordinaire ? Celle
d’une activité d’enseignement où
la recherche est un luxe et la
nécessité une mythologie, les
gestes de l’efficience
ostentatoires, requis à travers
méthode et technique pour
justifier d’une place à la
grande table des chercheurs.
Comment contredire, renier un
projet de jeunesse celui d’une
pensée libre et partagée sans
trop en souffrir ? Comment ne
pas sombrer dans l’imposture si
ce n’est en acceptant de vivre
une schize dans un
dédoublement fonctionnel où le
chercheur se donne comme objet
d’étude le professeur,
l’enseignant, le poursuit de ses
assiduités inquisitoriales pour
se reconnaître en lui comme le
fruit d’une contradiction, le
mouvement d’une pensée
déterminée vers une pensée
indépendante. Il faut peut-être,
en dépit de ou en raison de
l’école de Palo Alto,
reconnaître peut-être que toute
contradiction ne se réduit pas à
un paradoxe,
à une confusion, accepter aussi
de considérer plutôt celui-ci
est encore la forme, à
l’occasion, de la conscience
prise de la contradiction et ne
pas l’oublier à cause de trop de
dialectique.
Les niveaux ou
les écarts n’existent pas en soi
et sont aussi l’expression
normée d’un mode de résolution
d’une contradiction, une façon
de séparer symboliquement des
individus dont les “intérêts”
divergeraient à un moment ou à
un autre : au hasard l’enseignant
et le chercheur – se pose
toujours la question des traits
d’union. Mais pour se rassurer
sur un état de santé
épistémologique, si le
sociologue pense l’école,
l’université - Durkheim a occupé
d’abord une chaire de pédagogie
- alors l’animateur, le
pédagogue, l’enseignant
chercheur ou non, chacun a
peut-être quelque chance de
pouvoir penser une société,
celle de l’exercice de son
métier - d’un métier à soi
mais aussi pour les autres,
celui qui s’exerce dans la vie
des siens et des autres, dans
une solidarité élémentaire.
_______________________________________________________
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_______________________________________________________
[1]
E. Kant, “ Sur l'expression
courante: c'est bon en théorie ;
mais non en pratique ”, in Kant,
théorie et pratique,
Hâtier, “ Contre Hobbes ”, 1990,
p. 56,
[2]
Un cadre socioculturel,
Cf. sur ce point Jean
MAISONNEUVE,
La psychologie sociale,
P.U.F., Paris, 1967,
chap. 3, p. 49.
[3]
Cf. L. ALTHUSSER, Philosophie
et philosophie spontanée des
savants, François Maspero,
“ Théorie ”, Paris, 1967,
1974, et D. LECOURT, Une
crise et son enjeu :
essai sur la position de Lénine
en philosophie,
“ Théorie ”, François Maspero,
Paris, 1973.
[4]
La pensée sauvage,
Plon, 1962, p.32, bas de page:
“ La pensée mythique édifie
des ensembles structurés au
moyen d’un ensemble structuré,
qui est le langage ; mais ce
n’est pas au niveau de la
structure qu’elle s’en empare :
elle bâtit ses palais
idéologiques avec les gravats
d’un discours social ancien. ”
[5]Reprise
en différé d'une émotion
identifiée plus particulièrement
dans l’expérience de l'analyse
chez S. FREUD - Ainsi toute
cognition dans son organisation
peut-être replacée dans la
perspective de l'émotion comme
une dialectique de la “ prise ”
- une reprise d'une première
surprise comme méprise en
direction d'un lâcher prise.
[6]
Cl. LÉVI-STRAUSS,
Anthropologie structurale II,
Plon, 1973, p. 15
[7]
E. BOTTIGELLI, Genèse du
socialisme scientifique, E.S.,
PARIS, 1967, p. 19,
[8]
P. BRUCKNER, FOURIER,
Éditions du Seuil, 1975, p. 7.
[9]
Ch. FOURIER, Vers la liberté
en amour, Gallimard,
1975.
[10]
Ibidem, in
Petit lexique fouriériste, pp. 8
à 14.
[11]
K. MARX, Lettre à son père,
1837, Pléiade, III, 1982,
Appendices, p. 1371.
[12]
Ainsi peut-on avoir un rapport
au savoir comme rapport d'abord
aux apparences trompeuse,
gangue, prénotions, obstacle
épistémologique. Cette attitude
trouve son paradigme dans le
Mythe de la caverne qui permet
toujours plusieurs chemins
mais toujours en direction du
Vrai, du Bien, du Beau et du
“ réel ” comme réalité des
essences - reste à laisser
parler les apparences pour
compléter un rapport à celle-ci.
[13]
Ibidem, “ Philosophie
épicurienne ”, Cahier
d'études II, pp. 818-819.
[14]
L'homme de retour sur son passé
peut le transformer en destin
alors il est exposé à l'ennui, à
l'embarras d'avoir éternellement
à renouer les fils d'une même
explication, d'un même discours.
Autrement l'histoire devient
tout aussi problématique que le
présent et sans parier sur la
transcendance. La réflexion dès
lors n'est pas nécessairement
l'expression d'un
“ divertissement ” ou
d'une “ rationalisation ”.
L'intellectuel qui s'institue
oracle et, ainsi oriente la
question, ne joue pas
forcément le jeu ; ou bien il
représente le pouvoir, ou bien
il en appelle aux dieux, à une
totalité de pensée, à la
nécessaire fiction mais de ce
fait il s'inscrit encore dans
une position. Cf. A. BRUSTON et
Michel MAFFESOLI, La
domination sans fard, Action
concertée de recherche urbaine.
Université des Sciences Sociales
de Grenoble, U.E.R.
Urbanisation-Aménagement, 1974,
pp. 184-185.
[15]
K. MARX, Lettre à son père,
op. cit. Appendices, p.
1376.
[16]
F. NIETZSCHE, la
Volonté, livre II, t1, pp.
297-298, in J.M. BESNIER, p.
348.
[17]
Ville situé à proximité de
Grenoble, à une trentaine
de kilomètre, en direction de
Lyon, au pied du massif
pré-alpin de la Chartreuse -
lieu de fabrication de la
liqueur de Chartreuse, à la
frontière des “ terres
froides ”, à la sortie du Y
Grenoblois et au porte du Sillon
Rhodanien.
[18]
M. WEBER, dans Le savant et
le politique, souligne cette
distinction qui met en conflit
le souhaitable et le nécessaire.
l’éthique de la responsabilité à
l’éthique de la conviction.
[19]
Cf. sur ce point le travail
d’Étienne BALIBAR, Sur
la dictature du prolétariat,
François Maspero, coll.
“ Théorie ”, 1976.
Cf. Cornelius CASTORIADIS,
« Valeur, égalité, justice,
politique : de Marx à Aristote
et d’Aristote à nous », in
rev. Textures, 75/12-13,
p. 9.
[21]
O.S. : ouvrier spécialisé,
manœuvre, “ manard ” - O.Q.
: ouvrier qualifié - O.P. :
ouvrier professionnel à un
certain échelon, de 1 à 4.
Après surgit le contremaître, la
figure du compromis, l’agent de
maîtrise.
Nous avons bien conscience ici
de reprendre un concept à G.H.
Mead qui permet ainsi de
considérer et penser des
patterns de changement, une
imposition symbolique de l’idée
du changement à partir de ce qui
en signifierait concrètement la
possibilité : carnaval, fête et
transgression en tout genre,
comme une récupération positive
des valeurs de marginalité. Nous
y revenons par la suite
dans l’analyse des impositions,
tant sur la Villeneuve que sur
l’Arche-Guédon.
Fédération des Œuvres Laïques.
Cf. Gérard DEHIER,
Représentations sociales et
« moments utopiques »
La quête d’un « pattern »
d’indépendance : enfance,
militance et habitance Tome I :
Retour sur une position,
le même et le proche. Tome
II : Utopologie habitante, au
loin… Université de Nantes :
U.F.R. Histoire et
Sociologie,
discipline : sociologie, Le 21
juin 1999.
Cf.- France-Culture, Lundi
10.01.1994, entretien entre
Antoine Spire et Jean Ellenstein.
Cf. Henri BERGSON, un des sujets
de philosophie du Bac en 1967.
Sur la question du paradoxe
comme pseudo-contradiction cf.
P. WATZLAWICK, J. WEAKLAND, R.
FISCH, Changements: paradoxes
et psychothérapie,
Seuil, 1975 ; Yves BAREl, Le
paradoxe et le système: essai
sur le fantastique social, P.U.G.,
1979. ; Autour d'Yves
BAREL, Système et paradoxe,
Seuil, 1993.
Cf. Ph. BERNOUX, Un
travail à soi, Privat,
1981.
_______________________________
Soi et/ou l'autre
: à qui sert la sociologie
Elisabeth Lisse
Docteur en sociologie Angers
« L’idée
de frontière ou de traits, avec
un dedans et un dehors, un ici
et un ailleurs, parait
insuffisante. C’est l’espace
d’entre-deux qui s’impose comme
lieu d’accueil des différences
qui se rejouent. »
Il y a une
trentaine d’années, j’ai
découvert l’existence de la
sociologie en faisant des études
pour devenir éducatrice
spécialisée. Un professeur
passionné va me transmettre son
intérêt pour cette discipline
et, en même temps, pour le
maoïsme. Pendant de nombreuses
années, Mao, Marx, Engels, « la
révolution culturelle »
chinoise, l’émancipation des
femmes… et la sociologie
resteront associés. J’accèderai
à la littérature sociologique
par une premier ouvrage, resté
gravé dans ma mémoire :
« L’origine de la famille, de la
propriété privée et de l’Etat »
de Friedrich Engels. Au fil des
années, la sociologie n’a cessé
d’enrichir les questions qui me
passionnent autour des rapports
que les hommes nouent entre eux,
la manière dont ils les
organisent, ce qui se joue entre
les individus et le collectif…
J’ai ainsi poursuivi ma route
accompagnée par la sociologie et
l’ethnologie. Ce compagnonnage
s’est fait pendant une quinzaine
d’années plutôt en dilettante à
travers des ouvrages, des
conférences, des rencontres…
Puis, j’ai repris
un cursus universitaire tout en
travaillant en prévention
spécialisée, comme éducatrice de
rue auprès de populations
habitant des quartiers
disqualifiés. A petits pas,
après quinze ans sur les bans de
la faculté, j’ai soutenu une
thèse en sociologie en 2005 sous
la direction de Joëlle Deniot.
Cette recherche avait pour sujet
les modes de vie en quartiers
populaires et elle s’intitule :
« On est quoi nous ? D’une
génération à l’autre des vies au
sein de la cité Ney».
Je suis
actuellement salariée de
l’Association régionale des
instituts de formation en
travail social (ARIFTS), à
Angers. Cet emploi à temps
partiel, (80%), me laisse un peu
de temps pour poursuivre des
recherches en sociologie.
En 1996, j’engage
une première étude auprès des
habitants d’une cité populaire
que j’ai nommé Ney. Je souhaite,
alors, comprendre le processus
de stigmatisation de cette cité
et entendre les résidants parler
de leur vie quotidienne. Mes
années de pratique
professionnelle, comme
travailleur social, m’ont
apporté des connaissances sur
les milieux populaires, mais mes
recherches en sociologie vont
infléchir mes interprétations
sur les pratiques observées. Si
toute recherche change le
chercheur, je n’ai pas échappé à
cette règle. Les rencontres, la
lecture de travaux, dont ceux de
Richard Hoggart, qui conservent
une place particulière dans les
auteurs qui m’ont marquée, ont
contribué à modifier mon regard
sur les milieux populaires, le
travail social et le métier
d’ethno-sociologue. Bien
qu’officiellement sociologue,
c’est à la croisée de
l’ethnologie et de la sociologie
que j’ai cheminé. J’ai
fait des emprunts à ces deux
voisines complémentaires afin
d’observer et de recueillir le
point de vue des acteurs et de
les analyser. J’ai ainsi tricoté
diverses disciplines pour
inscrire des histoires
singulières dans des histoires
collectives, dans un contexte
social. Dans ce voyage à
la rencontre d’autres hommes,
d’autres cultures, j’ai tenté de
franchir les frontières. J’ai
ainsi redécouvert d’autres
disciples des sciences humaines
et sociales. Pour essayer de
comprendre des humains
différents et semblables,
l’ethnologie, la sociologie,
l’histoire, la géographie, la
philosophie, la psychanalyse, la
psychologie… se conjuguent. La
notion d’inconscient, par
exemple, est présente dans les
travaux de nombreux
anthropologues et notamment chez
Marcel Mauss.
J’ai ainsi
navigué avec plaisir dans la
transdisciplinarité et j’ai été
encouragée et accompagnée dans
cette voie par Joëlle Deniot.
Cette femme passionnée et
passionnante va m’ouvrir
d’autres portes, d’autres
analyses et l’accès à de
nombreux auteurs.
Un cheminement : quelques
étapes…
Mon long
apprentissage du métier
d’ethno-sociologue est jalonné
de tâtonnements, de découvertes,
de rencontres… Chemin faisant,
des doutes se sont installés,
j’ai perdu des certitudes et
gagné d’autres convictions.
L’immersion…
Pour faire mes
premiers pas dans la cité Ney et
faciliter la mise en place d’un
processus d’interconnaissance,
j’ai déambulé, observé, écouté,
rencontré des personnes,
participé à des fêtes, assisté à
toutes les réunions, épluché
intégralement quarante cinq ans
de presse locale, réalisé des
entretiens… J’ai choisi une
approche plutôt ethnologique.
J’ai « traîné » pendant 8 mois
et mis mon nez un peu partout.
Ces déambulations m’ont permis
d’entretenir des contacts, de
repérer les lieux, d’observer
des manières d’être et de faire,
de commencer une observation
concrète de la vie sociale de
« faire partie du paysage »…. Ma
place s’est construite dans la
durée et elle s’appuie sur une
succession d’interactions.
Le premier
enseignement de cette étude est
de constater que l’histoire de
cette cité illustre le processus
classique de disqualification
des quartiers populaires. On
peut observer des moments de
ruptures associés au
traitement social et une lente
détérioration des conditions de
vies des habitants et de leur
réputation. Cette dégradation
est liée à la massification du
chômage, aux arrivés de
populations dépendantes des
aides sociales, mais surtout aux
préjugés attachés aux ouvriers,
aux étrangers, aux pauvres et
aux gens du voyage sédentarisés
dans cette cité.
Cette recherche
m’a permis de m’interroger sur
les mécanismes de production
d’une identité collective, (à
partir d’une histoire commune,
d’un mythe de l’origine, d’une
stigmatisation collective, de la
désignation de bouc émissaire,
de l’appartenance à une même
catégorie sociale, au partage de
pratiques semblables…).
L’identité d’une grande partie
des habitants de cette cité
semble diluée dans un collectif.
Cette représentation homogène de
la population fixe l’histoire et
les modes de vie d’une manière
altérée et partielle. J’ai
ainsi retrouvé ce que Maurizio
Gribaudi relevait dans
les quartiers ouvriers de Turin
au début du siècle dernier.
L’unité revendiquée occulte la
diversité et répond à une
rationalisation à vocation
interne (faciliter la vie
quotidienne) et externe (se
valoriser et se protéger).
La bonne
distance…
La fin de cette
étape marque un tournant dans
mon apprentissage et suscite
l’apparition d’une question
autour de la place de
l’ethno-sociologue : quelle est
la « bonne » distance ? Durant
une année, j’ai pris beaucoup de
plaisir à m’immerger dans la
cité et à m’en imprégner.
Déchargé du rôle de travailleur
social, j’ai tenté d’être à
l’écoute de la connaissance
ordinaire, me laissant aller, au
gré des rencontres et des
occasions. Cette approche m’a
ouvert de très nombreuses portes
mais la proximité avec les
habitants a, sans doute en
partie, orienté mes observations
et mes interprétations vers ce
qu’ils souhaitaient me montrer :
leur unité, leur qualité, leur
homogénéité, leur « esprit de
cité », leur vie de
« villageois »…
Le temps…
Au fil de cette
recherche, j’ai pris conscience
de l’importance du temps. J’ai
d’abord été attentive aux
différences entre les personnes
rencontrées, des gens d’autres
catégories et moi avant
d’identifier les similitudes.
Ces habitants disqualifiés,
stigmatisés, se sont, d’abord
présentés comme faisant partie
du groupe des résidants. Ils ont
mis en avant des
caractéristiques valorisantes
avant de pendre le temps de
parler de leur vie avec plus de
détails et plus de nuances. En
privilégiant ce qui unit les
habitants et ce qui
collectivement les distingue
d’autres catégories sociales, ne
risque-t-on pas de faire des
habitants des quartiers
disqualifiés des êtres à part,
de les isoler, d’autonomiser une
catégorie sociale, de présenter
les quartiers populaires comme
des entités séparées, des
isolats humains, de produire de
l’étranger, de les maintenir à
distance et ainsi alimenter le
discours ambiant qui les extrait
du corps social ?
Pour retrouver du
singulier dans les histoires des
habitants, de la nuance, de la
diversité, de la
différence au cœur de cette
unité revendiquée, et pour aller
voir plus en profondeur ce que
signifie vivre au quotidien dans
cette cité, j’ai choisi
d’utiliser un autre outil
méthodologique : le récit
biographique. C’est « un choix
idéologique (…) qui valorise la
subjectivité »,
c’est « une méthodologie engagée
et participative dans laquelle
le sociologue, comme individu
social, ne se retire pas
derrière le paravent fictif de
la neutralité et de
l'objectivité. »
C’est aussi un choix qui
m’inscrit dans une filiation
avec les apports de sociologues
de l’école de Chicago.
L’histoire de
quatre générations de la famille
Lavoix est le support de ma
thèse. Pour cette étude
j’ai repris des questions
laissées en suspens : Comment
vit-on aujourd’hui dans cette
cité ? Quels sont les points de
vue des habitants sur la manière
dont ils sont perçus ? Quel sens
donnent-ils à leurs pratiques ?
Qu’en est-il de la transmission
des systèmes de valeurs et des
références identitaires ?
J’ai rencontré
les membres de cette famille
durant sept années. Je les ai
observés au milieu de leurs
proches et de leurs voisins,
tout en maintenant des contacts
avec d’autres personnes de la
cité afin de saisir
des pratiques culturelles.
J’ai observé et écouté des
propos sur des vies en train de
se vivre, sur les problèmes du
moment, le quotidien, les
pratiques ordinaires, les ragots
de la cité et ceux de la
famille. La durée permet
d’approfondir les relations et
d’enrichir les matériaux, de
prendre en compte la diversité
et de nuancer les propos. Durant
ces années, mon interlocutrice
privilégiée sera Annick, la
grand-mère et j’ai fait le choix
de lui restituer mes analyses au
fur et à mesure. J’ai pris en
compte ses remarques, ses
commentaires, ses interventions,
ses interprétations même si mes
analyses contredisent parfois
ses points de vue.
Dans le recueil
de cette histoire de vie, une
étrange relation s’est installée
entre la sociologue et
l’enquêtée privilégiée.
L’évolution de cette relation
est révélatrice de mon processus
d’apprentissage du métier
d’ethno-sociologue.
Soi et l’autre…
Les premiers
entretiens ont posé les bases de
ce qu'Annick a appelé « notre
travail ». Son histoire doit
servir de support à ma thèse de
sociologie. De son côté, elle
attend un renvoi, une analyse de
ce que je comprends. C'est un
travail à deux, chacune y trouve
un intérêt, chacune apporte son
savoir. Au cours des mois, je
suis entrée progressivement dans
un univers qui n'est pas le
mien. La relation s’est
personnalisée et les réticences
se sont amenuisées. La première
année, nous partageons une
relation de travail. Nous
maintenons une certaine
distance ; il est possible que
la ritualisation de ces moments
et la présence du
magnétophone officialisent la
rencontre et entraînent une
certaine maîtrise des affects.
En racontant sa
vie, Annick prend du recul avec
celle-ci. Elle fait un effort de
transmission, de compréhension
et de précision. Avec une
certaine empathie, je tente de
m’approcher suffisamment de sa
vie et, par moment, de lutter
contre un certain
ethnocentrisme.
Mais pour reprendre les propos
de Ferrarotti « Chaque interview
biographique est une interaction
sociale complexe, un système de
rôles, d'attentes,
d'injonctions, de normes et de
valeurs implicites. (...) Cette
interaction doit être prise en
compte ainsi que les attentes
des deux interlocuteurs. »
Nous passons en
quelques mois du vouvoiement au
tutoiement et du salon à la
cuisine. L’atmosphère est
studieuse. Attentive à mes
questions, c’est parfois avec
humour qu’elle me les renvoie ou
me répond : « Tu ne pourrais
pas téléphoner tes questions la
veille ? » Elle me rappelle
ainsi « la brutalité de la
méthode d’interview, qui exige
du locuteur une réponse
immédiate, univoque et bien
entendue. »
Au fil des mois,
j’aperçois les petits faits, les
petits gestes, les petites
histoires du quotidien… des
relations avec les enfants, les
amis, les voisins…
La démarche
biographique m’oblige à
m’adapter en permanence au
terrain. Elle nécessite
une souplesse, des
improvisations, un tâtonnement
et une remise en cause
régulière.
C’est un travail de construction
et de réfutation des hypothèses
qui demande un va-et-vient entre
les observations, les paroles et
les interrogations. Les données,
l’analyse et la place du
chercheur sont à réajuster.
Après une année
d’écoute compréhensive, je ne
peux pas rester silencieuse et
observatrice lors des passages
des voisins, des amis et des
membres de la famille. Ce
silence pourrait peser et être
interprété comme de l’irrespect
et une manière condescendante de
regarder. Etre là ne suffit plus
et« rien ne sert de s'effacer,
de regarder de biais, de baisser
les yeux, de prendre un air
modeste, de se faire tout petit
et oublier, nul ne croira que
vous n'avez pas d'opinion sur le
sujet qui vous occupe, ni de
préférence aucune ».
Je tâtonne autour d’une
frontière entre implication,
engagement et distance. J’insère
un peu de ma propre vie dans
l’espace d’intimité qui m’est
ouvert. J’occupe une position
difficile à définir ; ni tout à
fait étrangère, ni vraiment
familière.
Annick lit,
corrige et commente les
premières ébauches de mes
analyses. Elle découvre que lire
sa vie n’est pas la même
chose que de la vivre. Elle
dit : « ça fait un peu
misérabiliste, surtout dans mon
histoire.
Mais c’est ça, tu ne peux pas
inventer. Mais quand on
le vit, on ne se rend pas
compte. Mais en le lisant…
C’est un peu misère, mais
c’est ça pourtant. (…) Je
me vois comme tu le marques. »
Ce va-et-vient,
entre l’énonciation et le
travail sur l’énoncé, est un
temps de recherche de sens qui
ne peut pas se réduire à la
conscience qu’elle en a, ni à
son analyse. « Tout ne peut être
expliqué par les narrateurs
eux-mêmes. (...) Pour tout un
chacun, il est bien difficile
d’avoir une totale clairvoyance
en ce qui concerne sa propre
vie. »
Ce travail d’interprétation sur
l’énoncé est un exercice de co-construction,
chacune de nous analyse la
situation en étant à des places
différentes.
Nous poursuivons
notre route. Annick a « bien
voulu accueillir « l’étrange »
indiscrétion d’une sociologue,
puis accompagner son
interprétation ».
Certaines informations ont été
suggérées, dites à demi-mot,
extirpées, parfois transmises
par d’autres personnes.
Annick est parfois en désaccord
avec ce que j’écris. Mais, je
n’écris pas à sa place et je
conserve ma lecture des
événements qu’elle me raconte.
Le temps qui passe joue un rôle
de variable de contrôle des
données. Les points de vue
recueillis à différents moments
se modifient, se complètent et
semblent parfois
contradictoires. Ils donnent
accès à une meilleure
compréhension de la complexité
des situations et des personnes.
Le temps évite de figer des
attitudes et permet d’entendre
des choses qui s’avouent au
détour d’une conversation.
Annick donne beaucoup à voir,
elle joue le jeu tout en gardant
son jardin secret. J’ai ainsi,
de temps en temps, entr’aperçu
des portes semi-ouvertes que je
n’ai pas forcées.
Une relation
s’installe où circulent de la
reconnaissance, de la
compréhension et de la
complicité. Annick repère
parfois ma naïveté et mes
préjugés. D’observatrice, je
deviens observée et sujet de
commentaires.
La durée ouvre
l’accès à la vie privée et dans
un va-et-vient entre proximité,
empathie et distance critique,
l’affectif s’est infiltré. Des
deux cotés, nous tentons de
garder une certaine distance
mais « ce que l’on sent et ce
que l’on analyse intuitivement
ne s’inscrit jamais sur une
bande magnétique» écrit Jean
François Laé.Curieusement,
on repose sans cesse les bases
de cette relation, sans évoquer
oralement le désir de
reconnaissance qui en est le
ressort. « N’est-ce pas là ce
qui régit quasiment toutes les
relations humaines ? Qui
entretient longtemps des
relations avec un interlocuteur
qui ne lui accorde aucun crédit,
aucune attention, qui ne le
valorise pas ? »
Dans la relation
enquêteur-enquêté,
s’enchevêtrent les dimensions
institutionnelles, affectives et
culturelles. Comme dans tout
travail ethnologique, le détour
par une culture un peu
différente de la sienne renvoie
à des interrogations sur son
propre groupe social. Cette
recherche de compréhension de
l’autre entraîne la mise en
question de soi. Tous les thèmes
abordés sont des supports à
cette réflexion : éducation,
croyances, rapport au corps,
fonctionnement familial et
social… La rencontre de deux
univers proches et différents
soutient la réflexion. La
distance sociale provoque des
surprises et révèle
l’ethnocentrisme. « On persiste
à se servir de son ego pour
interpréter la société et
vérifier ses interprétations.
(…)L’ego est l’élément essentiel
de la recherche anthropologique.
C’est, dans une large mesure, en
observant son propre ego en
action (...) que le chercheur
« découvre » la culture qu’il
étudie (…) C’est là la limite et
la force de l’anthropologie. »
Cette recherche
m’entraîne à parler de moi
autant que des autres. Lorsque
j’interroge les transmissions
familiales et culturelles dans
la famille d’Annick, je
questionne ma propre histoire.
Son histoire personnelle
rencontre, s’oppose et se
compare à la mienne, nos valeurs
se croisent et se juxtaposent
parfois. Cette relation nous
fait travailler toutes les deux
et nous renseigne sur notre
histoire, nos pratiques et nos
catégories de perception. Par un
jeu de comparaison, de
similitude et de différence, je
suis prise dans l’objet
d’analyse. Pour reprendre la
proposition de Philippe Laburthe-Tolra,
« le terrain éduque et modifie
l’anthropologue ».
Cette quête de
l’autre et du semblable, cette
recherche de l’universel et du
particulier, est en fait une
quête de soi. Inévitablement,
lorsqu’on observe et interroge
les pratiques des autres, on
interroge les siennes. Lors de
l’analyse et de l’écriture,
l’autre chez soi, et, soi chez
l’autre, sont toujours présents.
L’interprétation est prise dans
une recherche du semblable et du
différent. Sans cesse
reviendront des questions telles
que : est-ce que tout le monde
ne réagit pas comme ça ? Est-ce
propre à la personne
interrogée ? Est-ce lié aux
conditions de vie ? Est-ce
propre aux milieux populaires ?
Comment est-ce que je réagirais
dans une situation semblable ?
Je me situe où ? Pourquoi cet
intérêt pour les cultures
populaires ?
La fragilité de
l’interprétation…
La sociologie et
l’ethnologie sont une aventure
humaine à la rencontre de soi et
de l’autre. « Le savoir de
l’homme sur l’homme est
inséparable du cheminement de
l’être individuel qui le
découvre. »
Le chercheur doit se retourner
vers sa propre histoire et sa
situation. Il est obligé de
maintenir une vigilance critique
et se demander s’il n’est pas
entrain de parler surtout de
lui. Ce constat sous-tend
mes interrogations sur la
fiabilité de certaines analyses
sociologiques. Cette question
est d’autant plus importante
que, lors de mes recherches,
l’instabilité des situations des
gens rencontrés et le temps long
d’observation et d’échange,
m’ont entraînée à modifier sans
cesse mes interprétations. Dans
la durée, les situations
changent, les individus se
présentent différemment et les
évènements passés sont parfois
remodelés, réinterprétés en
fonction de la situation
présente. Au fil des mois et des
années, ma perception des
situations s’est affinée. A
travers ces témoignages, j’ai
perçu la complexité de l’humain,
ses contradictions, ses nuances.
Au cours des années, j’ai eu
souvent envie d’arrêter
d’entendre les personnes afin
d’éviter qu’un nouvel évènement
ne vienne remettre en question
mes analyses. Chaque semaine a
amené son lot d’anecdotes, mais
aussi d’évènements nouveaux, de
tensions, de conflits, de
réflexions sur des vies en train
de se dérouler. Par exemple, au
fil des années et en fonction de
leur situation et de celle de
leurs proches, j’ai pu constater
l’instabilité et la diversité
des discours tenus sur le
travail. J’ai observé des
modifications de situations
individuelles ou collectives
générant un réajustement des
pratiques. C’est, par exemple,
le cas de certains couples
où l’amélioration des ressources
et le travail régulier masculin
les ont recentrer autour du pôle
privé, voire vers un repli sur
la famille nucléaire. Cette
modification n’est cependant pas
présente dans tous les couples.
Avec les Lavoix,
j’ai perçu l’équilibre précaire
dans lequel ils sont en
permanence. J’ai ressenti la
fatigue que la précarité
entraîne pour chacun. Ils
soufflent peu, pour se
protéger d’un avenir incertain,
ils « tendent le dos » comme
dit Annick. Rien ne semble
acquis. Je comprends que
l’attente de ce qui va arriver
est aussi teintée d’espoir ;
d’un espoir d’un lendemain
meilleur. Tout peut arriver ;
même gagner au loto ! Je
comprends aussi qu’ils
s’accordent des pauses,
savourant certains instants.
J’ai compris que la précarité
économique pèse sur les
relations sociales et ne
contribue pas toujours à leur
sérénité. J’ai ressenti avec
force que « ces gens-là »
sont souvent sur la brèche ;
s’ils baissent les bras, s’ils
arrêtent de se battre, s’ils
s’apitoient sur leur sort ou
s’ils s’isolent, ils se
fragilisent. La proximité avec
les Lavoix m’a permis de
ressentir ce qu’est la
précarité, d’éprouver des
émotions face à des évènements
douloureux qui parfois semblent
s’accumuler. L’affectivité, les
émotions, (les leurs et les
miennes) et la durée ont été des
sources d’analyse de leur
situation. Pour ce type de
recherche, pour ouvrir des
portes de compréhension, j’ai
perçu l’importance de l’empathie
de l’ethno- sociologue avec les
personnes qui sont les sujets
d’étude ; à condition de
ne pas être trop près ! Le
principal obstacle à
l’interprétation n’est pas
qu’une question de distance
affective mais surtout
d’ethnocentrisme, de
représentations et de
confrontation de valeurs, qui
influence de toute façon
l’analyse.
Les savoirs
indigènes…
L’enquête de
terrain a ainsi alimenté ma
réflexion sur les conditions de
production de la connaissance
ethnologique et sociologique et
sur le rapport aux savoirs. Mes
recherches ont été l’occasion de
faire l’expérience d’une
confrontation des savoirs. Je
suis arrivée dans cette cité,
avec un passé de travailleur
social ayant arpenté pendant 15
ans d’autres quartiers
populaires. Je savais,
intellectuellement, que la
présentation de soi est
différente suivant
l’interlocuteur, mais j’en ai
fait l’expérience. La finesse
des analyses proposées par des
jeunes hommes de cette cité,
m’a, par exemple, étonnée. J’ai
d’abord pensé qu’ils étaient
plus matures que les jeunes
d’autres quartiers avant
d’accepter que je n’étais plus
l’éducatrice face à des
personnes jouant le rôle
assigné de jeunes « en
difficulté ». Devant la
sociologue, ces jeunes
hommes faisaient part de leurs
savoirs sur leur vie dans leur
cité. J’ai ainsi expérimenté les
effets d’un changement de statut
(travailleur social, sociologue)
sur les modalités des relations
et les contenus de
l’énonciation : écarts dans ce
qui est dit, montré,
cherché, compris,
vu, abordé, évité…
Fidèle à la
tradition ethnologique, je
considère les « savoirs
indigènes » comme ayant une
valeur scientifique et
« l'informateur, comme un
informateur mieux informé que le
sociologue qui l'interroge ».
Lors de mes échanges, Annick
Lavoix, par exemple, a émis des
analyses qui rejoignent parfois
celles d’éminents sociologues.
Elle a aussi formulé des
réflexions qui remettent en
question les miennes ou les
complètent. Avec elle, je
découvre que le narrateur et
l'interrogateur deviennent
partenaires d'un processus de
créativité commune. Il est
évident que « la collecte du
récit est une véritable
« maïeutique. »
Enquêteur et enquêté sont
engagés dans une « aventure du
savoir »
et dans une co-production de
sens. Dans cette relation, notre
position est dissymétrique.
Mais c’est la situation
d’enquête, qui la rend
dissymétrique et non le savoir.
Les places de l’enquêteur et
l’enquêté sont différentes
et des jeux de pouvoir
traversent cette relation.
Alternativement, celui qui pose
des questions, celui qui choisi
ses réponses, celui qui est en
position d’attendre… peut se
sentir en position de
domination. Plus que la
différence de catégorie sociale
des deux interlocuteurs, la
situation crée de l’inégalité.
La position sociale de
l’intervieweur, le statut de
chercheur, est cependant un
préalable a ce type de rencontre
et lui donne une légitimité.
Des sujets féminins ? Être
« une » ethno -sociologue ?
Mon apprentissage
est jalonné de rencontres et
celles-ci, étrangement, sont
très majoritairement féminines.
Est-ce lié au fait que je sois
une femme ou à mes sujets de
prédilection ? Lors de mes
recherches, sur les modes de vie
au sein de la cité Ney, j’ai
recueilli surtout le point de
vue de femmes. En dehors des
adolescents et de certains
jeunes adultes, les hommes de la
cité ont été discrets. Ils ont
surtout évoqué le travail, le
chômage ou l’histoire de la
cité. Ils se sont peu exprimés
sur leur vie familiale et encore
moins sur leur intimité.
Peut-être faut-il être un homme
pour entrer davantage dans les
réseaux masculins et établir une
certaine complicité. Peut être,
comme le dit Numa Murard, que le
récit masculin est avant tout un
récit de travail et qu’il est
difficile de recueillir leur
point de vue sur leur vie
familiale, surtout lorsqu’ils ne
travaillent pas. On peut penser
que les hommes ont intériorisé
des normes de définition du
masculin et des sujets
masculins.
Ces
interrogations ont été
réactualisées lorsque j’ai
entrepris une recherche sur les
besoins des parents en
situations professionnelles
précaires, pour faire garder
leurs enfants de 0 à 12 ans.
Cette étude s’inscrit dans le
cadre du programme européen
EQUAL Marguerite qui a pour
objectif de favoriser la
conciliation de la vie
professionnelle et de la vie
familiale, et de tendre vers
l’égalité entre les femmes et
les hommes. Cette recherche
s’est appuyée sur le constat que
l’accès difficile aux modes de
gardes des enfants est un frein
au travail féminin et que les
emplois proposés aux mères peu
qualifiées sont fréquemment
associés à de bas salaires, des
temps partiels et des horaires
atypiques.
Dans ce programme
européen est notifiée
l’obligation de faire participer
les usagers à la recherche.
Respectant le cahier des
charges, j’ai formé un groupe de
parents à l’entretien. Ce sont
en fait six femmes qui ont
répondu à cette proposition.
Elles habitent un quartier
populaire de la ville et ont un
emploi précaire et/ou des
horaires de travail atypiques
ou sont en congé parental. Nous
avons élaboré ensemble la grille
d’entretien, mis en place une
permanence hebdomadaire pour
échanger avec toute personne
intéressée par le sujet et
organisé des réunions avec des
parents et des professionnels.
Lors des permanences, je serai
accompagnée des six femmes
investies dans cette
recherche. Elles ont réalisé la
majorité des cinquante
entretiens qui ont permis de
recueillir le point de vue de
parents, de repérer leur
organisation, leurs difficultés,
leur ressenti, leurs
propositions… J’ai ensuite
poursuivi l’analyse des
entretiens après avoir échangé
avec les apprenties enquêteuses.
Nous avons confronté nos
connaissances. Pour cette
recherche-action, je me suis de
nouveau appuyée sur « les
savoirs indigènes ». Un
des intérêts de la participation
de ces mères a été de profiter
de leurs réseaux mais aussi de
leurs savoirs sur la
problématique du travail
précaire et de la garde des
enfants. J’ai ainsi affiné la
grille d’entretien à partir de
leur point de vue, des
réflexions qu’elles
recueillaient auprès de leurs
proches, de leur interprétation
et de la confrontation de nos
différentes représentations.
Nous avons, par exemple, eu un
très long débat sur les raisons
qui font que certains parents
acceptent ou non de faire garder
leurs enfants à leur domicile.
Ce débat a porté sur le rapport
à l’intimité, au propre et au
sale, à la honte, à l’image de
soi… Avec une question
récurrente : N’est-il pas aussi
difficile de confier son
logement que ses enfants à un
étranger ?
Lors de cette
étude, une nouvelle fois, je
n’ai rencontré que des femmes y
compris chez les
professionnelles. (12 mères
participeront aux réunions, 18
viendront discuter à la
permanence et 50 seront
interviewées.) Toutes ces mères
ont des emplois avec des
horaires atypiques ou/et
irréguliers ou/et à temps
partiel, faiblement rémunérés.
N’avoir entendu que des femmes
est lié en partie aux modalités
de recueil des coordonnées de
parents acceptant de nous
recevoir
mais surtout au fait que la
question de la garde des enfants
reste l’affaire des femmes. Lors
des entretiens à domicile,
certains hommes sollicités ont
laissé leur femme répondre. Dans
leurs propos, les mères
rappellent que les frais de
garde sont pensés en fonction de
leur salaire et non celui de
leur conjoint. C’est
« l’argent de la mère » et
pas celui du couple qui finance
la garde. Une femme dit « mon
métier doit payer ma garde ».
L’enquête montre que ces mères,
qui veulent ou qui doivent
travailler trouvent des
solutions de garde souvent
insatisfaisantes. Elles
entraînent une absence de
sécurité et de sérénité, une
succession de personnes
différentes auprès des enfants,
une absence de respect du rythme
des enfants, une très forte
culpabilité des mères… On
s’aperçoit aussi que la garde
d’enfant est précaire ou très
onéreuse dès que les parents ont
des horaires de travail
irréguliers ou atypiques. Cette
recherche montre aussi
l’incohérence de l’organisation
des différents modes de garde
des enfants. Le découpage
s’opère en fonction de l’âge des
enfants. Il n’est pas toujours
judicieux car il ne prend pas en
compte les fratries. Faute
d’harmonisation des horaires,
par exemple, il est possible de
faire garder un enfant de moins
de trois ans avant 7 heures
mais que fait-on de celui qui
est âgé de 4 ans ou de 6
ans ?
J’avais rencontré
précédemment, dans la cité Ney,
des jeunes mères qui avaient
renoncé à chercher un
emploi. Compte tenu de leur peu
de qualification, celui-ci
risquait d’être précaire, mal
rémunéré et à horaires
atypiques. Ces femmes, qu’elles
travaillent ou non ont les mêmes
désirs : ne pas être isolées,
avoir leur indépendance
notamment financière, ne pas
être chez elles toute la
journée, avoir une certaine
stabilité matérielle… Ces mères
de la cité Ney avaient renoncé à
travailler et elles avaient mis
en place d’autres stratégies
pour répondre à leurs
aspirations : se déclarer
officiellement seules pour
percevoir « leurs » aides
sociales et être indépendantes
financièrement, entretenir
quotidiennement un réseau de
relations et de solidarité,
sortir de chez elles… Mais leur
choix se faisait au détriment
des hommes. Pour bénéficier des
aides, pour anticiper les
risques d’instabilité, elles les
évinçaient en partie de la
sphère familiale. Les hommes
avaient du mal à trouver leur
place.
Quels que soient
les choix et les stratégies
mises en place, vie familiale et
précarité sont difficiles à
concilier.
La sociologie au service de
qui ?
Une
autre question fondamentale
imprègne ma réflexion : à quoi
sert la sociologie ?
L’ethno-sociologie
est, pour moi, une aventure à la
rencontre de soi et de l’autre.
Les recherches sont, il me
semble, des supports d’échanges.
Elles sont autant d’occasion de
combattre les représentations
sociales, les idées reçues sur
les « autres ».
Le
sociologie et les
représentations sociales : Le
peuple des sans…
Ce
sont surtout les représentations
sociales véhiculées sur la
population des quartiers
populaires qui m’ont mobilisée.
Je souhaite apporter ma pierre à
l’édifice de la connaissance des
milieux populaires. « Ces
gens-là » sont aujourd’hui
nommés par le manque : de
culture, d’organisation,
d’éducation, de goût, de
ressources, de prévoyance, de
repères… Les terminologies
actuelles sont porteuses de
représentations qui ressemblent
à une nouvelle déclinaison des
« classes dangereuses ». On
retrouve une étonnante
similitude avec les discours du
XIXè : hygiénistes,
paternalistes, moralisateurs et
colonialistes. Le vocabulaire
est souvent issu des discours
médiatiques et politiques. Peut
être qu’un travail d’invention
de mots est à impulser avec
l’aide, sans doute, de nos
collèges linguistes, latinistes
ou hellénistes. On peut penser
qu’il existe des mots mais que
les sociologues ont perdu une
certaine distance face à
l’utilisation que les médias en
font, (population à problème
voire problématique, problème de
l’immigration, diversité,
inemployable, exclus, quartier
sensible, mixité sociale,
banlieue…).
L’attention
portée à la vie des membres de
la famille Lavoix, m’a ouvert
des portes d’interprétations
d’expériences sociales d’une
population résidant dans une
cité populaire. Cette famille
singulière est inscrite dans un
espace disqualifié, celui de la
cité et dans une catégorie
sociale. Ses manières d’être et
de faire remettent en question
les discours tenus sur les
habitants des quartiers
populaires. Elles attestent,
notamment, d’une persistance de
traits culturels spécifiques des
milieux populaires pauvres : la
solidarité, la dignité,
l’honneur, la différenciation
marquée des rôles hommes et
femmes, la place centrale des
mères, la capacité à vivre
l’instant, une sociabilité de
proximité, un ancrage
territorial résidentiel, un
maniement de l’humour … Ces
modes de vie reposent sur le
primat du collectif sur
l’individu, sur la protection
des leurs et la solidarité
contrainte. L’appartenance à un
groupe familial et de voisinage,
la protection offerte par
ceux-ci, l’incitation au
conformisme, les expériences
partagées et la proximité
sociale et spatiale permettent
la reproduction de certaines
pratiques sociales et des
valeurs qui les soutiennent. On
identifie des valeurs et des
manières de vivre qui forment un
socle stable et sont transmises
à travers les générations, sans
être pour autant statiques.
Les manières d’être et de faire
sont réajustées aux conditions
de vie actuelle et laissent
place à des écarts individuels.
Comme pour chacun d’entre nous,
ces pratiques culturelles
s’appuient sur des modèles
hérités, l’expérience de chacun,
les normes du groupe
d’appartenance et les
interactions avec la société.
Les évolutions sont celles de la
société actuelle, tant sur le
plan démographique, politique,
qu’économique. Certaines sont
liées aux progrès de la
technique et des sciences. On
observe ainsi une progression du
confort, une diminution des
familles nombreuses, une
augmentation du niveau scolaire,
une émancipation des femmes, une
baisse de l’influence du PC, un
éloignement du politique, une
mutation dans les formes de
militantisme… On repère aussi
des stratégies qui s’adaptent
aux évolutions des politiques
sociales. Les modifications sont
le fruit de choix individuels et
collectifs dans un éventail des
possibles. Chacun a sa manière
d’emprunter au passé des
matériaux, des valeurs, des
modes de vies, des systèmes de
relations, dans lesquels il
puise et qu’il réactualise.
L’ampleur du chômage a cependant
déstabilisé les références
identitaires masculines. Le
chômage massif et la précarité
économique ont renforcé la place
centrale des femmes au détriment
de celle des hommes. La
modification du marché du
travail prive les hommes d’un de
leurs rôles traditionnels, celui
de travailleur nourrissant sa
famille. L’identité masculine
est renvoyée à un modèle
essentiellement défini autour du
travail et de l’autorité. Cette
référence permet de conserver
une place pour chacun et
d’orienter les relations mais
elle rend le rôle de certains
impossible à tenir. Un grand
nombre d’hommes de la cité ne
gagne pas sa vie et ne peut plus
être à la hauteur des attentes.
La situation sociale actuelle
les met dans une situation de
dette permanente.
Cette population
n’est pas homogène, la cité
abrite à la fois des gens
travaillant plus ou moins
régulièrement, des retraités et
des allocataires de prestations
diverses. Un grand nombre
d’entre eux vit en équilibre
précaire. Si les solidarités
humaines sont le ciment de la
vie d’une majorité des habitants
de la cité, elles ne peuvent
générer, à elles seules, une
réelle stabilité sociale. En
situation de vulnérabilité, les
personnes rencontrées restent
cependant attachées, incluses,
« affiliées » à la société. Si
elles ne sont pas sans repère,
elles ne sont pas non plus
passives, résignées ou exclues,
contrairement aux
représentations véhiculées dans
les médias. Elles sont
inscrites dans la société. Leurs
pratiques montrent avant tout
que leur modèle culturel n’est
ni complètement dépendant, ni
complètement autonome du reste
de la société. Il s’inscrit dans
un système culturel national
avec des écarts, des différences
et des similitudes. Les manières
d’être et de faire montrent
leurs connaissances du
fonctionnement de notre société,
des règles sociales et des
réglementations diverses avec
lesquelles ils savent jouer.
Elles confirment leur
inscription dans la société
française et leurs facultés
d’adaptation. Le chômage, la
pauvreté ou l’habitat en cité
disqualifiée ne sont pas
synonymes d’une rupture sociale.
Leur situation renvoie les gens
de Ney au sein des fractions
précarisées des milieux
populaires.
Loin d’une
conception binaire de la société
opposant les exclus au inclus,
les « in » et les « out », la
vie des résidants de cette cité
se laisse appréhender dans une
dialectique du proche et du
lointain. S’il n’y a pas
d’homogénéité culturelle au sein
de la société française, il n’y
a pas, non plus, de
discontinuité, de rupture, entre
les modes de vie des habitants
de la cité et ceux des autres
catégories sociales. Pour
reprendre les propos de Georges
Devereux, chercher à comprendre
une culture est « une manière
d’appréhender à la fois les
composantes particulières et la
configuration générale du monde,
de l’homme ou de son espace
vital ».
La
sociologie : « un dialogue entre
les classes sociales. »
L’ethno-sociologie
participe à la compréhension des
humains mais je m’interroge sur
la destination des travaux. Les
recherches sont-elles au service
des populations observées, des
pouvoirs publics, du grand
public, d’un nombre restreint de
chercheurs ou de sociologues ?
Les personnes qui
ont été les sujets de mes
recherches sont des co-constructeurs
de sens. Ils sont les premiers
dépositaires d’éléments
d’analyses que je peux apporter.
C’est pourquoi, comme de
nombreux sociologues, j’ai
décidé de restituer mes
conclusions aux gens
rencontrées. Cette démarche
reflète un choix éthique :
échanger avec les individus
concernés à partir des analyses
auxquelles je suis parvenue. Il
limite les discours « sur eux »
et tente des discours « avec
eux ». Cette restitution
participe au processus de la
connaissance collective et peut
apporter une contribution à une
meilleure compréhension de leur
situation. La demande faite par
des résidants d’un quartier
populaire en est une
illustration. Ils m’avaient
sollicitée pour faire une
conférence et animer un débat
afin de tenter de comprendre
pourquoi il y a un écart très
important entre ce qu’ils vivent
au quotidien et les discours
médiatiques tenus sur les
quartiers populaires. Une femme
a conclu la très longue soirée
en disant : « finalement
notre quartier, c’est juste un
quartier ouvrier, pourquoi il ne
le disent pas ? »
Restituer, est
aussi une manière de s’acquitter
en partie d’une dette. Comme
tout ethnologue, j’ai le
sentiment d’avoir une dette
envers la population de la cité
Ney qui m’a laissé observer,
fouiller, noter. La dette est
encore plus importante envers
Annick et sa famille. Pendant
sept ans, je les ai observé au
milieu des leurs. La restitution
de mon travail est sans doute
inconsciemment, une sorte de
contre don, un moyen de me
dédouaner d’une partie de ma
culpabilité. De la même manière,
j’ai restitué les conclusions de
la recherche sur les gardes des
enfants, aux cinquante femmes
qui avaient accepté de
participer.
Ces recherches,
j’ai choisi de les restituer aux
populations concernées mais
aussi aux salariées de
différentes institutions et aux
représentants des pouvoirs
publics locaux. Je constate que
la demande d’éclairage
sociologique est parfois
ambivalente. Les pouvoirs
publics sont parfois en
recherche de recettes, de
confirmation de leurs
représentations, de valorisation
de leur action, plus que de
connaissances. L’ethnologie et
la sociologie permettent
cependant la confrontation des
points de vue et de
l’expérience. Elles offrent une
lecture de notre société
et peuvent introduire de la
complexité, de la diversité, de
la nuance dans le débat
politique. Pour reprendre les
propos de Reisman, la sociologie
est pour une part « un dialogue
entre les classes sociales. Elle
montre aux gens les modes de vie
de fractions de la société avec
lesquelles ils n'auraient jamais
eu de contact autrement. »
Même si ce dialogue n’est pas
toujours facile, les recherches
peuvent permettent de prendre du
recul, de changer les
représentations et de sortir de
certains clichés. A un moment où
les écarts se creusent au sein
de la société,
les sociologues peuvent ramener
la question des quartiers
populaires sur le terrain
politique, en réintroduisant au
centre des débats les grande
thématiques sociologiques sur
les inégalités, la
stratification sociale, les
antagonismes de catégories
sociales... Aujourd’hui, avec la
massification du chômage, ces
thématiques ont été remplacées
par un clivage entre population
fragilisée et privilégiée et le
chômeur est renvoyé à une
responsabilité individuelle ou a
une explication par le milieu.
L’heure n’est pas aux
interrogations sur les facteurs
de dérégulation sociale qui
risquent de perdurer. Et, pour
reprendre les propos de Robert
Castel : « il semble plus facile
et plus réaliste d’intervenir
sur les effets les plus visibles
d’un dysfonctionnement social
que de contrôler le processus
qui l’enclenche, parce que la
prise en charge de ces effets
peut s’effectuer sur un mode
technique, tandis que la
maîtrise du processus exige un
traitement politique. »
Pour conclure, je
crois que l’ethnologue, le
sociologue, les chercheurs en
sciences humaines, sont des
passeurs de ce qui n’appartient
pas toujours à leur propre
histoire mais à notre humanité.
Cette conviction est un des
messages transmis par Claude
Lévi Strauss.
__________________________
D.
Sibony, Entre-deux. L’origine
en partage. Paris, Le
Seuil, 1991, P 13
Dans les travaux regroupés sous
le titre de Sociologie et
anthropologie, Marcel Mauss
affirme à de multiples reprises
la nécessité d’une étroite
collaboration entre la
sociologie et la psychologie. Il
fait régulièrement référence au
concept d’inconscient, notamment
dans Analyse et explication
de la magie. Il écrit
ainsi : « En magie, comme en
religion, comme en linguistique,
ce sont les idées inconscientes
qui agissent. » Paris, PUF, 1989
(1950) p 109.
M. Gribaudi, « Les diversités et
les conflits potentiels (...)
étaient minimisés et contrôlés
rituellement sur le plan public
de l'interaction sociale pour
permettre - dans un implicite
pacte de « fondation » -
l'existence de ce tissu
d'échanges et de relations
quotidiennes dans lequel
convergeaient, bien que dans des
mesures différentes, les
exigences de beaucoup d'acteurs
sociaux. » Itinéraires
ouvriers, espaces et groupes
sociaux à Turin au début du XXè
siècle, Paris, EHESS, 1987,
p 167 et p 168.
M. Catani et S. Maze, Tante
Suzanne, Paris, Méridiens,
1982, p 27.
N. Quéloz,
« L’approche biographique en
sociologie : essai
d’illustration et de synthèse »,
in Cahiers de l’IHTP,
7, 1987, pp.47-63,p
48.
Si
raconter sa vie c'est,
évidemment, sélectionner des
événements et des personnes,
réaménager sa vie en gommant les
passages incohérents, peu
glorieux... Si c'est un travail
de reconstruction, « les point
saillants du récit de vie
relèvent essentiellement de la
cohérence des choix sociaux
opérés. De la structure de vie
sociale du sujet se dégage
précisément des répétitions et
des constantes énumérées,
constantes qui permettent de
dessiner un mode de vie, une
éducation, des valeurs, une
unité idéologique, vérifiés par
la cohérence renouvelée des
choix du sujet. » Louis Vincent
Thomas dans la préface de
Tante Suzanne, op. cit,
« C’est l'assemblage plus ou
moins cohérent, plus ou moins
fluide, d'éléments quotidiens
concrets (un menu gastronomique)
ou idéologiques (religieux,
politiques), à la fois livrés
par une tradition (celle d'une
famille, d'un groupe social) et
réactualisés au jour le jour à
travers des comportements
traduisant dans une visibilité
sociale des fragments de ce
dispositif culturel, de la même
manière que l'énonciation
traduit dans la parole des
fragments de discours. Est
"pratique" ce qui est décisif
pour l'identité d'un
usager ou d'un groupe, pour
autant que cette identité lui
permet de prendre place dans le
réseau des relations sociales
inscrites dans
l'environnement. » Mayol in M.
De Certeau, L. Giard, P Mayol,
L'invention du quotidien. 2.
Habiter, cuisiner, Paris,
1994, p 18.
D’une « acculturation à
l’envers », « d’une attitude qui
tente de saisir par l’intérieur
le sens qu’(elle) donne à (son)
comportement ». F. Laplantine,
« La description ethnographique »,
Nathan, 1996, est cité
par P. Laburthe-Tolra, Critiques
de la raison ethnologique,
PUF, 1998, p 5.
F. Ferrarotti, Histoire et
histoires de vie : la méthode
biographique dans les sciences
sociales, Paris, Méridiens
Klincksieck, 1983,
p 52.
J. F. Laé, Travailler au
noir, Métailié, 1989, p
16.
« L’objet
se construit peu à peu, par une
élaboration théorique qui
progresse jour après jour, à
partir d’hypothèse forgée sur le
terrain. Il en résulte une
théorie d’un type particulier,
frottée au concret, qui n’émerge
que lentement des données »
J. P. Kaufmann,
L’entretien compréhensif,
Paris, Nathan, 1996, p 22.
A. Gotman, « La
neutralité vue sous
l'angle de l'E N D R »,
in A. Blanchet, ( dir.), L'entretien
dans les sciences sociales,
Paris, Dunod, 1985, pp
149-182.
A. Madec, Chronique familiale
en quartier impopulaire,
Thèse de doctorat de sociologie,
Paris VIII, sous la direction de
LAE Jean-François, 1996, p 337.
J. Deniot, Ethnologie du
décor en milieu ouvrier. Le bel
ordinaire, Paris,
l’Harmattan, 1995, p 21.
J. F. Laé « Les
perceptions et les intensités
relationnelles débordent
complètement le poids des mots ;
bien plus, elles les pilotent»,
op. cit., p 19.
(…) Dans la vie ordinaire, on ne
s’interroge pas en permanence
sur ce maintien des relations.
Tant qu’elles ne troublent pas
le cours de l’existence, on
empile, le plus souvent, les
séquences en ne sachant plus
très bien pourquoi on entretient
des relations amicales avec une
telle personne plutôt que telle
autre. » A. Madec, Thèse,
op. cit., p 39.
A. Cohen, « La tradition
britannique et la question de
l’autre », in M. Ségalen
( dir.), L’autre et le
semblable, Paris,
Presses du CNRS, 1989, pp 35-52,
p 48.
P. Laburthe-Tolra, Critiques
de la raison ethnologique,
Paris, PUF, 1998, p 16.
J. Jamin, Le texte
ethnographique. Argument,
Etudes rurales, janvier-juin,
97-98. Cité par G. Althabe,
J. Cheyronnaud et B. Le Wita,
« L’autre en question »,
in M. Ségalen ( dir.), L’autre
et le semblable, op. cit.,
pp 53-60, p. 54.
D. Bertaux, « L'approche
biographique : sa validité
méthodologique, ses
potentialités », Cahiers
internationaux de sociologie,
n° 69, 1980, pp 197-225, p 219.
« La collecte du récit est une
véritable « maïeutique. »
(...)Narrateur et narrataire
sont des partenaires qui se
trouvent situés dans un rapport
dialectique qui est celui de
l'interrogation socratique.
(...) Le document produit est
bien issu de l'interrogé, mais
l'interrogation est, elle, issue
de l'interrogateur. » S.
Clapier- Vallandon, J. Poirier,
P. Raybaut, Les récits de
vie, Paris, PUF, 1989,
(1983), p 52.
C. Petonnet et M. C. Pouchelle,
« Le rôle de l’ethnologue dans
les sociétés », in M. Ségalen
(dir.)
L’autre et le semblable,
Paris, Presses du CNRS, 1989,
pp. 183-191, p 191.
Alain Blanchet, l’entretien
dans les sciences sociales,
Paris, Dunod, 1985
Cette
recherche a fait l’objet d’un
rapport, intitulé : « Diagnostic
partagé : situations
professionnelles précaires :
quelles solutions pour l’accueil
des enfants de 0 à 12 ans. »,
Association Petite enfance,
Angers, 2007.
Les coordonnées des personnes
interrogées ont été transmises
par des structures de garde
d’enfants, l’ANPE, une
association d’aide à domicile,
par l’intermédiaire des réseaux
amicaux dans le quartier et des
femmes participant à la
recherche.
E. Lisse « Monoparentalité et
sociabilité féminine.
Apprentissage du rôle de mère en
cité populaire » in
anthropologie de l’école,
Ethnologie Française, paris,
PUF, Octobre 2007/4, pp 733-741.
G. Devereux, Essais
d’ethnopsychiatrie générale,
Paris, Gallimard, 1977, (1970),
p 365.
Dans ses travaux, Georges
Devereux différencie le modèle
culturel universel, qu’il
appelle « méta-culture » et qui
va de pair avec notre humanité
commune, et les différentes
cultures qui en sont « une
version particulière »
Ibidem.
Reisman est cité par H. Becker,
« Biographie et mosaïque
scientifique », in
Actes de la recherche en
sciences sociales, n° 62-63,
juin 1986.
Voir les travaux de
l’observatoire de la pauvreté
sur les écarts grandissants
entre le revenu moyen et le
revenu médian en France.
R. Castel, « Les pièges de
l’exclusion », in Lien
social et politiques R.I.A.C.,
34, Automne 1995, pp 5-21, p 17.
_____________________________________
L'hypothèse d'une
crise identitaire de la
psychologie
Théorisation,
professionnalisation, impasses
Yves Gérin
Docteur d'Etat, Psychologue
clinicien Amiens

Analyser
la situation actuelle de la
psychologie française nous
conduit à nous interroger sur la
spécificité de la
professionnalisation du
psychologue, essentiellement
clinicien
.C 'est, à partir
de cette perspective centrale,
envisager une grave crise
institutionnelle, transversale,
dont l’expression manifeste, le
conflit entre cognitivistes et
cliniciens, recouvre, en fait,
différents aspects intriqués et,
d'abord , du fait de la
confusion des registres,
théoriques et
pratiques, complexes et
difficiles à formalise
Alors qu’au cours
de la première moitié du XX°
siècle se développait, aux
États-Unis, une psychologie
comportementaliste, la
profession de psychologue
n’existait pas en France. La
psychologie restait une
discipline relativement
marginale; soumise, d'une part,
à
L’emprise
idéologique de l’ordre et des
pratiques médicales, de l’autre,
à la prégnance d'un enseignement
universitaire où elle n’était
qu'un secteur de la philosophie.
Pour essentiels qu'ils soient,
les développements relatifs à l
'oeuvre de Janet et à la pensée
Freudienne ne pouvaient
évidemment concerner une
profession toujours inexistante.
.L'époque restait celle d’une
conjoncture
intellectuelle, historique,
sociologique et politique, ou
l’avènement de pratiques
psychologiques de terrain
n’était pas encore identifiable.
Leur spécificité n’était
pas reconnue et le cadre
scientifique, sanitaire de
l’époque ne pouvait annoncer
leur implantation de masse, dont
on sait qu'elle interviendra
ultérieurement.
Les bases
épistémologiques et théoriques
de la psychologie actuelle sont
cependant déjà présentes. Des
débats ont lieu qui préfigurent
les rivalités actuelles
et annoncent une psychologie
irréversiblement divisée et sous
tension. En écho à la pensée
Freudienne émergent des
oppositions entre psychiatres,
psychanalystes, psychopédagogues
et tenants d’une psychologie
universitaire
expérimentaliste. Des
oppositions qui, pour autant,
n’empêchaient pas le
regroupement, au nom du
signifiant psychologie, de
spécialistes et
chercheurs soutenants des
options divergentes ayant,
chacune, leurs propres réseaux
de chercheurs et leurs
publications spécifiques. . Peu
structurée, la psychologie se
constituait à partir d'un
regroupement hybride reposant
sur le consensus sociologique et
politique d’experts qui
restaient, cependant, au plan
théorique, en désaccord. C'était
surtout à partir du dépassement
de certains points de vue
rétrogrades et conservateurs,
médicaux, psychiatriques,
éducatifs, pédagogiques, que
s’établissaient les contours
flous d’une communauté
intellectuelle et
institutionnelle. Une situation
dont on constate qu'elle est
toujours d'actualité.
Ce cadre
historique va déterminer
l’évolution récente de la
psychologie, dont la situation
contemporaine exprime
concrètement la
déstructuration et l'absence
d'unité. Il s’agit, en fait, de
situer l ‘irréversible de
l'aspect paradigmatique
de ruptures fondamentales
devenues impossibles à
élaborer. .L 'écart semble
définitif entre un ensemble de
démarches praticiennes, proches
du travail social,
psychothérapie, pratiques
d'approfondissement socio
éducatif, et le secteur de la
recherche investi par les
sciences neurologiques,
biologiques, psychiatriques,
éventuellement la linguistique,
la philosophie de l’esprit.
Soit entre la
psychologie praticienne et
clinique et une psychologie
qualifiée, à partir de critères
objectivants, de scientifique .L
'institution universitaire
semblant toutefois,
paradoxalement,
sociologiquement, résister.
Davantage que le champ de
pratiques fragilisées et
morcelées ou les psychologues
évoluent souvent dans la
précarité et la
dépendance.*
Aussi manifeste
et crucial qu'il soit, cet
éclatement de la psychologie
apparaît cependant peu lisible,
voire refoulé.
Ce qui a pour
effet d’annihiler les tentatives
et initiatives, universitaires
et professionnelles, dont
l’objectif serait de restaurer
la place et la lisibilité
sociale de la psychologie, de
son enseignement et de pratiques
en dette de cohérence. Davantage
que des oppositions frontales,
engageant théorie, éthique,
pratique,ce qui parait, au fond,
dominer est l 'impression d'une
confusion, d une difficulté et
même d 'une incapacité majeure à
structurer et articuler
des discours et pratiques en
fonction des exigences et
attentes sociale .Les
différences épistémologiques
fondamentales, les profondes
antinomies sous disciplinaires,
l 'empirisme des pratiques ,
paraissent ainsi devoir
entretenir une représentation
trompeuse, faussement unitaire,
un pseudo irénisme,
entretenus par la résistance à
admettre, tous secteurs
confondus, une
vulnérabilité .
Parmi les
multiples éléments permettant
d’analyser une situation
complexe, sont, exemplairement,
à retenir l’idée d'une relation
historiquement ambiguë du champ
de la psychologie clinique à la
médecine, les conditions
toujours précaires de
l’autonomie scientifique et
praticienne, la variabilité et
l'incompatibilité des différents
idéaux théoriques, l’enjeu
constitué par la proximité
méthodologique et technique de
la psychanalyse.
Université Formation Lisibilité
sociale.
La
création, en 1947, d’une licence
de psychologie, puis celle des
diplômes spécialisés
correspondants marque, au plan
universitaire, la création
statutaire de l’autonomie de la
psychologie. Elle s’accompagne
de celle de laboratoires
spécialisés, le CNRS, attribuant
des contrats de recherches aux
psychologues recrutés.
L'orientation était, selon leur
intitulé, sans équivoque :"
psychologie et
psychophysiologie", conforme à
une logique comportementaliste
toujours, au sein de la
psychologie, dite "scientifique"et
de laboratoire, très largement
dominante. La recherche
officielle en psychologie
reste, il faut le rappeler,
actuellement intégrée au domaine
des sciences du vivant, où son
identité apparaît, au demeurant,
malgré tout, menacée.
Si
l’autonomisation de la
psychologie universitaire, son
accès au statut de discipline
magistrale, intégrant les
sciences humaines et se séparant
de la philosophie, a constitué
un temps essentiel de
reconnaissance sociale, cette
création ne s’est réalisée que
dans un environnement spécifique
n’admettant pas l’émergence
corrélative d’une dynamique
professionnelle et praticienne.
De multiples malentendus,
tensions, une carence
identitaire, des impasses
techniques et méthodologiques,
institutionnelles, allaient
logiquement et définitivement
faire chroniquement symptôme.
Lequel résultait d’une
carence originaire d’ordre,
probablement, méthodologique,
relative à l’organisation, la
signification,
l’institutionnalisation des
pratiques.
La période de
l’après guerre était ainsi celle
de la nouveauté d'un
enseignement universitaire,
d’une formation, mais aussi de l
'attribution de diplômes dont la
finalité sociale, technique,
professionnelle ne répondait pas
à des objectifs clairement
et techniquement définis.
Si l’on
pressentait la notion d'un champ
spécifique d’exercice, scolaire,
social, médical, offrant
logiquement des débouchés,les
conditions en restaient
complexes, empiriques, soumis à
une commande sociale éloignée de
l 'université. Un hiatus
apparaissait, irrévocablement,
entre enseignement, recherche et
des pratiques vouées à la
discontinuité, sinon la rupture
(1).
L’idée, en
devenir, d’une pratique
psychologique, soignante et
relationnelle, clinique, sans
doute évaluatrice, se
faisait jour. Qui devait
intégrer la pratique des tests
Alors que La place des
tests, question complexe et
polémique, apparaissait
comme nécessaire Qui serait
celle d'une connaissance
empirique du sujet, dont le
statut serait complémentaire à
l’approche médicale.
La reconnaissance
de l’acquis universitaire
restait faible et l’impression
de para médicalisation dominait
.Au diagnostic et soin médical
pouvait faire écho une démarche
complémentaire, peut être
subsidiaire, utile plutôt
qu'indispensable.
C est dans ce
contexte historique que les
psychologues vont essayer, à
partir de l’emprise du discours
médical, de construire une
nouvelle pratique relationnelle
où il s’agirait d'admettre la
place du sujet, sa vie
psychique, mais aussi sa
relation aux institutions.
De nouvelles
attentes apparaissaient de la
part d’une société en quête
d'accomplissement et de
productivité ou le regard sur
la maladie admettait désormais
l’inadaptation, l’échec, le
handicap. Le sujet atteint dans
son psychisme n’était plus
seulement malade, il était aussi
celui qui, ne pouvant
s’inscrire dans l’idéal
institutionnel et social,
appelait une nouvelle
forme d’écoute et de
sollicitude. Inscrite dans
la mouvance des nouveaux idéaux
de l’après guerre, l’attention
au sujet en souffrance
impliquait donc, au delà du
regard médical et psychiatrique,
la nouveauté de l 'écoute
de "l’homme en situation" que,
le premier, Lagache définissait
(2).Le programme était
explicite. Il s'agissait de
conseiller, guérir, éduquer,
prévenir et résoudre les
conflits. Mais aussi de
conseiller et soigner
psychologiquement. Une démarche
qui, tout en restant proche de
la psychiatrie, se voulait être,
en même temps, une improbable
synthèse de la psychanalyse, de
la psychologie, de certains
critères expérimentaux et
diagnostiques, des tests. La
mise en place d'une pratique
psychologique annonçait
l'ambiguïté des fonctions de
conseil et de soin
auxquelles les psychologues ne
pourraient, par la suite,
jamais déroger. Celles ci
allaient proliférer.
Au cours des
années soixante, intervient
le phénomène, essentiel autant
qu'original, de la diffusion
massive de l ensemble des
pratiques psychologiques et,
distinctement, psychanalytiques.
Ce qui constitue
sociologiquement, l’expression
d’un nouveau statut pour
la psychologie, à propos duquel
il convient d’admettre un
éloignement essentiel du
discours de la psychologie
universitaire .La complexité,
souvent inextricable des liens
psychologie universitaire,
psychanalyse, s’installe et
devient une donnée historique et
épistémologique fondamentale.
De ce développement,
différencié de la psychologie
universitaire ainsi qu’à un
autre niveau, de la psychanalyse
et de la psychologie
praticienne, émerge, au moins
pour partie, la vulgarisation et
l’empirisme des pratiques.
Lesquelles entretiennent, en
définitive, un rapport ténu à la
formation universitaire, avec
tous les paradoxes d'une
situation spécifique ou l’acquis
d'un savoir diplômant ne
s'appliquait que de manière
aléatoire à l’exercice
professionnel. Abstraction et
séparation, l’autonomie
universitaire de la discipline
annonce une difficulté
fondamentale à théoriser ce que
parait recouvrir le champ
d'exercice des psychologues (3).
Il n 'y aura,
évidemment, pas de définition
univoque, cohérente et
rigoureuse, mais de multiples
évolutions singulières,
fréquemment individuelles,
toujours étroitement dépendantes
de l’espace social
d’intervention. Institution
scolaire, travail social,
psychiatrie et santé mentale,
travail et recrutement, hôpital
et laboratoire, justice ,
exclusion, constitueront
diverses figures de l 'évolution
professionnelle de psychologues
dont la pluralité évoquera
aussi, contradiction et
émiettement, singularité et
'individualisme .En définitive ,
malaise identitaire, coexistence
plus qu'intégration .Le corpus
théorique de la discipline, l
'unité d 'objet, tendront à se
désagréger du fait des aléas du
terrain et de ses multiples
contraintes . Un contexte ou
l’idée d’unité et de rigueur
méthodologique
disparaîtra, par exemple, à
partir, de la polyvocité et de
l’inflation de la démarche
d’entretien.
Se situer dans l
'actualité de la pratique des
psychologues nous conduit à
inverser la perspective basique
selon laquelle ils
reçoivent et travaillent la
demande du sujet. Ils
ne reçoivent de demandes de
sujets qu'en fonction de
l’adresse de leurs lieux
d’exercice (4).
Elles sont
complexes, recouvrent et
orientent, sinon occultent, la
problématique du sujet en
souffrance. Il s 'agit ainsi de
se positionner par rapport à
l'échec social, au sens large, à
l 'expression des symptômes de
la rupture du lien social et ses
corrélats , violence, passage à
l 'acte, toxicomanie,
marginalité, détresse économique
.C'est, en cela, le remède aux
crises de la famille, de la
filiation , du travail, le
recours systématique à l
'appareil judiciaire et
administratif, qui deviennent l
'argument d'un
travail diversifié ou le
psychologue est appelé à
résoudre concrètement la
situation conflictuelle de
malaise développée par un sujet
aux prises avec les aspects
complémentaires et intriqués des
conflits psychiques et sociaux
.En position de travail avec le
sujet mais aussi de
soumission au terrain et ,
de plus en plus ,confronté à une
clinique psychosociale ,le
psychologue est dans l
'obligation d'admettre la
mission consistant à
resituer un sujet en souffrance
psychique dans le cadre général
de la cohérence et de la
fonctionnalité des institutions.
Ce qui amène à s’interroger sur
l'aspect, particulièrement
compliqué, de l’abord clinique
d'un sujet confronté à la
désaffection d’idéaux
humanitaires, à la perte de
certaines valeurs filiales de
transmission, au nouvelles
formes, insidieuses ou brutales,
de déni de la subjectivation
mais aussi, à contrario, à la
nécessité de respecter les
critères de gestion adaptative
du social. A une indéniable
mutation des structures du
social ou apparaissent de
nouvelles expressions des
comportements individuels, aux
évolutions conjointes des
symptômes névrotiques ou
psychotiques, correspond la
nécessité, pour le psychologue,
d’admettre
la mission d'inventer une
position et une place, ce à,
quoi la formation universitaire
ne saurait préparer et n’est
pas, par ailleurs, sans soulever
d’importants problèmes
déontologiques et d’éthique. .
S'il y'a donc diffusion de la
psychologie, celle ci ne
recouvre pas exactement
l’expansion correspondante d’un
champ professionnel soumis à des
contraintes et paradoxes souvent
dissuasifs ou redoutables. Ce
qui est une question politique
puisqu'il y a à reconnaître la
question de la gestion de la
confrontation du sujet psychique
aux défaillances
institutionnelles, celles de
multiples dérives
psychologisantes et de
l’éloignement ou de l’impasse
témoignée, à ce propos, par les
universitaires.
Le
psychologue n’écoutant, selon
une certaine idéologie
normalisante du soin,
la souffrance qu'aux fins de la
réduire, sinon de la nier. S'il
s’agit du travail d'un réel
historique s'exprimant de
manière concrète et contingente
sur un sujet éprouvant la
souffrance liée au rejet, au
délaissement, au refus
d’admettre certaines exigences
qualifiées d'irrecevables, de
multiples dérives
psychologisantes, la
complexité mise en jeu, situent
donc, par rapport au terme
psychologie, la nécessité
d’adjoindre ce que
serait l’hypothèse conjointe
d’une clinique du social
(5)
L’expansion, au
sein du discours universitaire,
d’un enseignement axé sur les
sciences cognitives a,
logiquement et de plus en
plus, acquis une influence
accrue sur la pratique des
cliniciens. Elle ne va
nécessairement dans le sens
d’une clarification de celle ci,
telle qu’elle était développée à
partir du discours
psychanalytique. Elle contribue
à la réapparition des domaines
traditionnels de la psychologie
des comportements, de la
performance intellectuelle,
toujours difficile à associer à
une perspective de travail sur
le symptôme et l’opacité du
sujet psychique .La place prise
par l’explication cognitive tend
ainsi à accroître le conflit
méthodologique et
épistémologique et, surtout,
déstabiliser des professionnels
toujours en recherche de
supports et repères.
. Ce qui
contribue ainsi, de manière
insidieuse et détournée, à
dénoncer et détruire une
psychologie clinique
praticienne devenue science
sociale dont la
pertinence, révolue ou
suspectée, serait
expulsée par l’attente
pragmatique des effets et
résultats objectivants de
nouveaux courants expérimenta
listes et comportementalistes
exploitant l’observation des
conduites et comportements.
Avec, en ce sens, la
neutralisation de la dimension
subversive engagée par un sujet
dénonçant la défaillance des
institutions et de leurs
interférences.
Compléxité et ambiguité des
demandes
Insister
sur la dépendance du psychologue
aux institutions nous introduit
,logiquement ,à l 'inverse de la
position d 'un psychologue hors
institution ,qui serait alors
un psychanalyste ; à l 'idée d
'une référence à l 'idéal social
et institutionnel d'une guérison
ou, en tout cas,d' une
pacification.
Guérir, soigner,
traiter le handicap puis
accompagner, prendre en charge
et même instituer un protocole
compassionnel, prévenir et
comprendre les problèmes
sociaux, le psychologue admet
deux registres structurellement
disjoints de demandes. La
demande qu'on lui adresse et
celle adressée par le patient.
Ce qui en résulte
devenant une demande
hybride de
psychologie transformant
profondément la simplicité du
modèle initial fondateur
de la relation clinique
duale. Il s'agit d’autre chose,
soit d'une inscription originale
parallèle ou subsidiaire à
l’adresse du médecin, de
l’enseignant, du travailleur
social, du juge .La consultation
admettant alors une dimension
d'expertise supposée, conforme à
l’administration et gestion du
médical, du social, du
judiciaire.
Approfondir ce
que recouvre ici la nouvelle
configuration de la demande
nous éloigne radicalement de la
psychanalyse. S’il s’agit de
travailler avec"l’autre», c’est
avec l « autre » du social, mais
pas nécessairement avec celui
de l’inconscient. Psychologue et
patient sont tous deux
assujettis, à partir des
dispositifs psychiatriques,
médicaux et sociaux, à la
banalisation du traitement
social d’un "problème"à la
définition sommaire qu'il
s’agirait de subvertir. Effet
de demande, de nomination,
désignation, la marque
diagnostique et médicale évolue
vers un processus de lecture
assouplie ou
l’intervention du psychologique
devient alors dangereusement
proche de l’idéologie de la
psychologisation.
A la demande
adressée au psychologue fait
écho l’audience massive acquise
par une discipline remplissant
certains besoins paradoxaux, peu
en rapport avec la scientificité
originale et qualifiante
émanant de l’ordre
universitaire. Référence
dominante, la psychologie
constitue un appoint aux champs
scolaires, médicaux, sociaux,
qu’il faut distinguer
fondamentalement de l’exigence
inaugurale de l’axe et de
l’ambition du travail clinique
et psychopathologique avec le
sujet. Un certain discours
psychologique exerce, à ce
propos, une emprise
considérable dont la teneur
participe aussi de l’idéologie,
de la croyance, d’une
vulgarisation relative. Un
contexte ou l’expansion ne doit
pas faire illusion puisqu'il est
aussi celui d'un dangereux
affadissement de la rigueur des
pratiques. Où les
questions idéologiques portant
sur le contrôle social
retrouvent leur pertinence et
actualité (6).
Les orientations
universitaires restent, dans
cette conjoncture,
structurellement,
éloignées des attentes sociales
et de la difficulté des
praticiens à inscrire leur
pratique
Ce que devrait
être la reconnaissance de l
avènement d 'une psychologie
scientifique s 'efface derrière
la nécessité d 'une réussite
liée aux débouchés, celle ci
étant davantage effet d 'une
attente sociale de réassurance,
de création d 'un espace de
parole ,de rétablissement d 'un
espace d'expression de la
subjectivité, des motifs ou la
rationalité et scientificité
universitaire n 'apparaissent
pas autrement, en amont, que par
transparence.
Les recherches,
la formation, la sélectivité
élitiste constituent une logique
universitaire relativement
hermétique. Qui ne peut
cependant irréductiblement
refouler ou forclore ce qui
parait se jouer sur la scène
sociale. L’université jouant,
dans son espace et ce que
recouvre sa logique magistrale,
un rôle sélectif, contraignant
mais plutôt inadéquat à
apprécier ce qui pourra être
demandé par ailleurs aux
psychologues et à la
psychologie.
Aux demandes
sociales, soutenues à partir de
la psychologie, s’accorde un
fonctionnement original et
spécifique dont l’analyse
montre bien le paradoxe. Il
s'agit, en effet, de pratiques
extérieures et mêmes
antagonistes à la psychologie
universitaire.
Qui s’avèrent à
ces titres refoulées, ignorées
ou méconnues de celle ci.
Comment envisager l’implantation
massive des pratiques
d'adaptation aux situations,
individuellement vécues, de
crises? Comment apprécier le
travail, dont l’objet appartient
au domaine de la culture de la
performance? Comment situer
l’actualité de que R Castel
annonçait déjà d’un besoin
croissant de thérapies et, à
partir de la, de ce que nous
évoquons de la psychologisation
des problèmes sociaux?
Complexité du lien psychique,
clin ique psychanalyse
Comme il convient
de le rappeler, l’avènement de
la psychologie a correspondu aux
insuffisances de la médecine. La
résistance qu'opposent les
patients souffrant de maladies
mentales aux différents
traitements empiriques proposés,
leur non assujettissement au
corps somaticien et
médicalisé, a annoncé, comme on
le sait, de nouvelles voies.
Celles dont Freud, le créateur
de la psychanalyse, deviendra
l’initiateur paradigmatique.
L’élaboration
psychanalytique apparaît comme
l’approche indivise du sujet
autorisée par le détachement de
l’influence décisive du moi et
de la conscience puis
l'avènement de la dimension
fondamentale de l’inconscient ou
les symptômes prennent leur
origine défensive et
compensatrice. La psychanalyse
côtoie ainsi, sans s'y
confondre, la psychiatrie, Mais
les différences vont,
historiquement,
s’estomper, les
disciplines se rejoignent et les
profanes rassemblent les
différents praticiens sous le
vocable"psy"*.
C'est une
évolution historique ou il faut
donc situer l’événement majeur
constitué, au cours des années
cinquante, par la création
fédératrice de la psychologie
clinique. Celle ci ayant,
pour objectif, la
systématisation du rassemblement
de différentes branches de la
psychologie et de la
psychanalyse. Ou le présupposé
adaptatif de la psychologie
expérimentale,l 'adaptation, n
'est pas abandonné .Il s 'agit
d'étudier les conditions de l
environnement,les mécanismes
corrélés ; l'orientation
générale est toujours dominée
par la métaphore adaptatrice,
une recherche sophistiquée de l
'adaptation de l 'homme au
milieu(7)(8).
L’équivoque
persiste. Jacques Lacan va ainsi
dénoncer la psychologie et,
apparemment, contribuer à ce que
pourrait être l’affirmation,
plus explicite, d’une
psychologie clinique
psychanalytique. Dont la
référence se rapprocherait, non
sans ambiguïté, de la
psychopathologie et, à nouveau,
de la psychiatrie.
Des enjeux
théoriques et éthiques
s'annoncent. Difficiles à
discerner, ils supposent
l’approfondissement de
l’ignorance ou de la confusion à
partir de laquelle les
différentes références "psy"
vont évoluer
L’importance
déterminante de la place et du
rôle de la conscience est à
mettre en exergue. Car c'est en
fonction de celle ci que vont se
déterminer des pratiques visant
à travailler, ou non, avec un
sujet demandant une aide et un
conseil, un accompagnement, une
résolution immédiate et
ponctuelle des difficultés. Une
pratique traditionnelle, banale,
superficielle, illusoire. Une
pratique fondamentalement
contradictoire au champ de
pratiques psychanalytiques qui,
elle, repose sur du non savoir,
sur de l’ignorance. Celle du
sujet mais aussi celle du
psychanalyste, simplement
supposé savoir. Celle ou
transparaît, dans des conditions
souvent opaques, peu
explicitées, l’opposition
psychologie, psychanalyse;
psychologue, psychanalyste (9).
Le psychanalyste
admet une ignorance
structurelle, constitutive de la
subjectivité. Toute prétention à
une connaissance objectivante et
intégrale du sujet lui apparaît
comme du ressort du fantasme,
voire du délire. . Qui est
pourtant le paradigme de
l’actuel discours de la science,
l’opposé d'une
démarche recherchant, au
contraire à admettre l’ignorance
et l’assumer
Une ignorance
qui n’est pas u ne déficience,
mais, surtout, la reconnaissance
d’une volonté du moi de ne pas
savoir sur et à la place de
l’autre. .Qui suppose, la
mise en place de conditions
techniques spécifiques de
travail. Question posée à la
conscience, la démarche
analytique est ce qui permet de
supposer ce que peut
laisser échapper, en tant que
savoir inconscient, le sujet
.Lequel se l’approprie.
L’ignorance, le non su, l’insu,
étant alors ce qui est refoulé
et réapparaît comme manifeste du
réel de la parole.
En ce lieu du
malaise du sujet
témoignant de son refoulement
est à situer, précisément
la différence avec la
psychologie, Le non savoir
est, dans le discours
psychologique, promu comme une
loi du fonctionnement du
psychisme humain et du rapport à
la réalité que, seule, en son
registre propre, peut théoriser,
la psychanalyse. Qui ne
peut s’intégrer à
l’épistémologie d'une
psychologie appliquant les
critères des sciences
expérimentales aux situations
rencontrées.
L’opposition se
radicalisant du fait de
l’avènement de recherches psycho
biologiques tout à fait
étrangères aux questions
d'intégration sociale et
de contextualisation. D’une
tendance lourde oriente
les recherches vers
l’individu, par exemple
traumatisé, à propos duquel ne
se posera plus la problématique
incidente des effets psychiques
de la violence sociale.
C’est qu’ils
'agit donc, malgré tout, pour le
psychologue, de savoir, de
croyance au savoir puis, en
fonction de celui ci, de
s’autoriser à conseiller .L
'appareillage particulier d’un
savoir psychologique admettant,
l’implication, dérogeant à la
neutralité ou il s’agit
d'écouter un sujet dans son
abstraction et son étrangeté.
Le psychologue applique ce
qui reste de son savoir en
fonction d'enjeux, théoriques et
politiques considérables. Ce qui
définit une position
ambiguë où il s’agit
toujours, en dépit des
dénégations, de conseiller et
accompagner des sujets
conformément à certaines
exigences collectives de gestion
du malaise ambiant.
Des
perspectives aléatoires, une
discipline en crise
La situation
actuelle de la psychologie admet
donc une absence de cohérence,
ambivalence, duplicité, dont
l’expression se manifeste,
d’abord, au niveau des pratiques
.Celles ci recouvrent en fait un
champ correspondant à des
données multiples et variables
dont l’analyse montre qu'elles
actualisent des données
extérieures à l’exercice précis
de la psychologie scientifique
ou de la psychanalyse. La
psychologie s’inscrit de ce fait
dans une dépendance politique et
institutionnelle problématique
provenant de ce qu'elle répond à
certains besoins étrangers à son
objet, toutes théories
confondues Il s’agit donc
de fonction politique,
difficile à reconnaître et à
formaliser. Qui semble se
développer et en fonction de
laquelle intervient la question
récurrente de la
signification des débouchés en
psychologie proposée au très
important public étudiant.
La question du
recrutement des psychologues
reste, en effet, un enjeu
décisif, celui de l’argument
des débats sur le sens et le
contenu des formations
universitaires et des
recherches. Celles ci ou
apparaissent toujours des
clivages et ou on reconnaîtra
l’importance déterminante
des processus de gestion et
rentabilisation sociale et, en
ce sens, la place de la
biologie et de l’ingénierie. Ce
qui a trait à l’ampleur,
considérable du malaise social
et aux choix idéologiques
définissant la place du
travail sur les langages et
logiques de subjectivation.
Les polémiques
sont évidemment présentes qui
évoluent vers le champ des
pratiques et auraient trait au
statut du savoir. Lequel pouvant
être, d’une certaine manière,
légitimé par les options
scientistes de certains et
entretenir le malaise
identitaire d'autres. De ceux
qui, psychologues cliniciens,
apparemment, démunis de ce
support, mis en doutes,
évoluent, par éloignement d’une
psychologie scientifique
orthodoxe, dans une position
particulière de soumission et
interpellation de leur utilité
sociale et savante.
Questions
d'idéologie et de formation
Des tendances
lourdes font que toute
reconnaissance du statut du
psychologue va dans le sens
d’une évolution de la
psychiatrie et psychothérapie
vers la technologie sociale.
Le titre de
psychologue continue à recouvrir
des pratiques fort
différentes. Leur mise en
cohérence avec la formation
reste généralement et
paradoxalement faible,
l’application d’un savoir se
délite, l’unité disparaît. Le
rôle de la formation, à partir
du discours psychanalytique de
référence ne permet pas
d'échapper pas à ces objections
majeures.
Perdant, au sein
des pratiques, aura et prestige,
la psychologie clinique recouvre
une conception du psychisme,
marquée par la
psychanalyse, devenue propédeutique
aux psychothérapies. Elle est
l’argument formel de
recrutements échappant aux
garanties du diplôme et fondé
sur d’autres données,
hétérogènes à celui ci. ou l
'apport universitaire n
'apparaîtrait , parfois que
dérisoire. Le contenu des
formations apparaît comme
inadéquat, inapproprié aux
conditions de travail et même
aux demandes croisées, des
patients, de l’institution.
Les distinctions
sont complexes, aléatoires,
pratiques psychologiques et
psychothérapeutiques répondant à
des logiques divergentes et a
plus ou moins de conformité à
l’orthodoxie, perdue, de la cure
psychanalytique.
Ce sont, plus
avant, les questions de la
théorie et des attentes du
public qui situent pratiques et
enseignements, de psychologie
et, approximativement, de
psychanalyse. Ce qu'il faut donc
rapporter aux sollicitations
sociales très particulières
adressées aux psychologues, dont
le nouvel objet devient aussi,
par delà leur éthique et
formation, régulation
réorganisation, recherche du
bien être ,de la performance, de
l 'inter activité professionelle
et ergonomique.
Un éclatement
disciplinaire se confirme. .La
décantation de la psychologie, l
irruption d'une idéologie du
contrôle des interactions et des
sujets, n’annoncent elles pas
une disparition et le retour des
sciences connexes; neurobiologie
et sociologie? (10)
Une
perspective ou le signifiant
psychologie reste, au prix de
difficultés considérables,
incontournable. Mais peut aussi
devenir introuvable
introuvable. .
Références
1)
DACHET F (1986),"Le métier de
psychologue", in GUILLAUME M et
coll., L’ETAT DES SCIENCES
SOCIALES EN FRANCE, Paris, La
Découverte, p374-379
2) LAGACHE Daniel
(1949), L’UNITE DE LA
PSYCHOLOGIE, PSYCHOLOGIE
EXPERIMENTALE ET PSYCHOLOGIE
CLINIQUE, Paris, PUF
3) PAROT
Françoise (2000,"Psychologie,
les conditions de la survie", in
QU'EST CE QUE L’HUMAIN ?
UNIVERSITE DE TOUS LES SAVOIRS
volume 2, Paris, Odile Jacob,
2000, p9-30
4) NAVELET
Claude, GUERIN-CARNELLE
Brigitte, (1997), PSYCHOLOGUES
AU RISQUE DES INSTITUTIONS,
Paris, Frison Roche
5) HUGUET
Michèle, (1995), "La méthode
clinique", in LAMBOTTE Marie
Claude et coll., LA PSYCHOLOGIE
ET SES METHODES, Paris, Hachette
livre de poche, pp145-206
6) CASTEL Robert
(1981), LA GESTION DES RISQUES,
Paris, Editions de Minuit
7) JALLEY Emile
(2006), LA PSYCHANALYSE ET LA
PSYCHOLOGIE AUJOURDH'HUI EN
FRANCE, Paris, Vuibert
8) PREVOST Claude
(1988), LA PSYCHOLOGIE CLINIQUE,
Paris, PUF
9) GORI Roland et
coll., (1989), L’UNITE DE LA
PSYCHOLOGIE, LES PSYCHOLOGUES
DEVANT LA CLINIQUE FREUDIENNE,
Paris, Navarin
10) CASTEL Pierre-Henri, (2006),
Article PSYCHOLOGIE, in
DICTIONNAIRE DES SCIENCES
HUMAINES, Paris, PUF
Mots clés
PRATIQUE DE LA
PSYCHOLOGIE IDENTITE DU
PSYCHOLOGUE CLINIQUE ET
COGNITIVISME DEMANDE SOCIAL
FORMATION UNIVERSITAIRE
PSYCHANALYSE TECHNOLOGIE SOCIALE
Résumé
Le constat du
morcellement de la psychologie
ne suffit plus .Il appelle la
nécessité d 'un questionnement
fondamental portant sur
une situation hautement
problématique ou la rupture
université, théorie; champ des
pratiques, terrain et
institution,a des conséquences
parfaitement préoccupantes.
L'absence de
lisibilité sociale , d'analyse
du sens des pratiques, d 'étude
de l 'idéologie sous jacente d e
gestion de l 'humain, la
dichotomie psychologie clinique,
psychanalyse, entraînent
la massivité d'un symptôme,
cependant peu reconnu en tant
que tel, par les intéressés eux
même, praticiens,
universitaires.
Comment, menacée
par les neurosciences et
sciences sociales, mais aussi
l’idéologie, victimaire ou bien
du bien être, la psychologie
peut elle encore élaborer,
unitairement, les conditions de
sa survie?
_____________________
CURRICULUM VITAE
Geneviève Hoffmann
Nom
patronymique : HOFFMANN
Prénom : Geneviève
Adresse personnelle : 22
rue de la Chine 75020
Paris
Numéro
de Téléphone : 01 47 97
52 82 ; 06 76 99 42 01
Fonction : Professeur
des Universités en
Histoire Grecque
Etablissement actuel :
Université Jules-Verne
(Amiens), Campus, Chemin
du Thil, 80 025 Amiens
Cedex.
Titres Universitaires
Maîtrise d’Histoire
Grecque : 1971
Agrégation externe
d’Histoire : 1972 (51ème)
Doctorat d’Etat
ès-lettres : Thèse
d’Etat d’ancien régime,
inscrite en 1980 et
soutenue le 29 juin 1987
auprès de l’Université
de Paris VIII, sur le
sujet La Jeune Fille,
les Pouvoirs et la Mort
dans la Société
athénienne du Ve siècle.
Directeur de Thèse : Mme
Claude Mossé, Professeur
à Paris VIII. Jury :
Mesdames Nicole Loraux,
Annie Bonnafé, Madeleine
Rébérioux ; Messieurs
Pierre Lévêque
(Président du Jury) et
Pierre Vidal-Naquet.
Mention « Très
Honorable » à
l’unanimité du jury.
Cadre de la recherche
- membre principal de
Trame
- membre associé du
Centre Louis Gernet
depuis 1981, membre du
Conseil de Laboratoire
de 1998 à 2002.
Livres
1. Le Châtiment des
Amants dans la Grèce
Classique, Paris, de
Boccard, 1990.
2. La Jeune Fille, le
Pouvoir et la Mort dans
l’Athènes Classique,
Paris, De Boccard, 1992.
3. Les Pierres de
l’Offrande, Actes du
colloque de 1998 en
l’honneur de Christoph
W. Clairmont, Zürich,
Akanthus, 2001.
4. La Culture grecque,
Paris, Ellipses, 2002.
5. Les Mondes
Hellénistiques (en
collaboration avec C.
Grandjean), Paris, A.
Colin, 2008.
6. Participation au
Dictionnaire de
l’Antiquité sous la
direction de Jean
Leclant, Paris, PUF,
2005.
7. Actes du
colloque :
Rituels et
transgressions de
l’antiquité à nos jours
(en collaboration avec
Antoine Gailliot),
Amiens, à paraître en
décembre 2008.
8. Participation au
Dictionnaire de
l’Antiquité grecque
sous la direction de
Maurice Sartre, A.
Colin, à paraître fin
2008.
Articles
15. « Le Marbre et
l’écrit dans la
Prière sur l’Acropole
de Renan », La Terre
et l’Ecrit, de la
découverte archéologique
au texte scientifique et
littéraire, études
rassemblées par I. Chol
et R. Perichon,
Montbrison, 2000, pp.
55-64.
16. « Brasidas ou le
fait d’armes comme
source d’héroïsation
dans la Grèce
classique », Kernos,
supplément 10, 2000, pp.
365-375.
17. « Biographie et
Stèle funéraire
attique », dans
Biographie des hommes,
biographie des dieux (sous
la direction de M.-L.
Desclos), Grenoble,
2000, pp. 189-197.
18. « Le Dieu Pan et
l’Effet comique dans le
Dyscolos de
Ménandre », dans Rire
des Dieux, Etudes
rassemblées par
Dominique Bertrand et
Véronique Gély-Ghedira,
PUBP, 2000, pp. 47-53.
19. « De la rareté du
Kalathos sur les
stèles funéraires
attiques de l’époque
classique », in
Technica,
Hommages à Marie-Claire
Amouretti, 2001, pp.
679-692.
20. « L’Empreinte des
valeurs sociales au
miroir des monuments
funéraires attiques du
IVe siècle », Colloque
de Rouen de novembre
1998, organisé par
Françoise Thelamon, sur
Autour des morts
Mémoire et Identité,
2001, p. 347-354.
21. « L’expression du
Temps sur les Stèles
funéraires attiques »,
Mètis XII 1997,
pp. 19-43.
22. « La Stèle de
Dexileôs », dans La
Guerre Imaginée
(sous la direction de
Philippe Buton),
éditions Seli Arslan,
2002, p. 33-44.
23. Présentation du
Dossier « Alexandre le
Grand, Religion et
tradition », publication
des Actes de la journée
organisée à Amiens le 6
mars 2001 (Mètis).
24. « La lyre de
Phyrkias », Pallas
63, 2003 p. 37-42.
25. 3 notices : « le
serment », « le héros »
et « le culte
funéraire », dans le
Dictionnaire de
l’Antiquité sous la
direction de Jean
Leclant, Paris, 2005.
26. « Socrate hors les
Murs dans le Phèdre
de Platon», Hommage à
Nicole Moine et Claire
Prévotat, Reims, 2006.
27. « Ordre et variété
dans la gestuelle des
monuments funéraires
attiques de l’époque
classique »,
L’expression des Corps,
PUR, 2006, p. 110-115.
28. « Entre nature et
culture : l’eugénisme
spartiate », dans The
Contribution of Ancient
Sparta to Political
Thought and Practice,
(N. Birgalias, K.
Buraselis, P. Cartledge),
colloque international
d’Olympie, 25-30 août
2002, Alexandria
Publications, 2007, p.
391-406.
29. « Agalma : la
Représentation divine
chez Hérodote », à
paraître dans l’hommage
à Danièle Aubriot,
publication 2007.
30. « A propos de la
stèle funéraire attique
de Mika, fille d’Hippoclès,
quelques questions
méthodologiques (Inv.
N°Λ5775) », Pallas
75, 2007, p. 177-187.
31. « Peinture et
sculpture dans l’oeuvre
d’Euripide », dans
Voyages en Antiquité.
Mélanges offerts à
Hélène Guiraud,
Pallas, Presses
Universitaires du
Mirail, 2008, p. 19-29.
32. « Le lit vide des
funérailles civiques
athéniennes », colloque
Rethymnon, décembre
2005, à paraître en
2008.
____________________________
Encadrement et activités
de recherche :
Direction de thèse :
Michaël Martin : Le
Chamanisme dans le monde
gréco-romain, thèse
soutenue en décembre
2003.
Damien Langlois : Du
héros grec à l’idéal
héroïque d’aujourd’hui
(inscription 2002)
Yoann Le Tallec : Les
Dioscures dans les
mondes grecs
(inscription 2002).
Julien van Imbeck :
Les Guerres grecques,
entre norme et démesure,
inscription 2008
(Amiens)
Membre de jury
- Soutenance de la thèse
de Florence Gherchanoc,
dirigée par Pauline
Schmitt-Pantel, sous la
présidence de François
Hartog (Paris VII,
1998).
- Soutenance de la thèse
de Pascale Roth 16
novembre 2001 :
Autour du lit. Usages
féminins. Images et
textes dans le monde
grec classique
(Toulouse, direction de
Mme Hélène Guiraud).
- Présidence du jury
lors de la soutenance de
la thèse de Valéry
Raydon, 24 mai 2003 :
La Richesse chez
Hérodote (Université
de Provence, direction
Pierre Villard).
- Présidence de la
soutenance de la thèse
de Roxane Marie
Bocquelet Galliez,
l’Enfant en Grèce
ancienne : entre Désir
et Rejet, Lyon II,
23 septembre 2005
(Université Lyon II,
Marie-Thérèse le Dinahet).
Colloques
- Organisation du
Colloque Musique et
Poésie les 23 et 24
mai 1997 à l’Université
Blaise-Pascal (Clermont
II), en collaboration
avec G. Pinault.
-. Organisation du
Colloque en l’honneur de
Christoph W. Clairmont,
les 9, 10 et 11 décembre
1998, en collaboration
avec Odile Cavalier et
Valérie Deshoulières
(Université
Blaise-Pascal).
-. Participation à
l’organisation de
l’exposition de la
collection des Vases
d’Auvergne sous la
responsabilité de D.
Frere (1999) (Université
Blaise-Pascal).
-. Journée de DEA 7 mars
2001 (Amiens) :
Alexandre le Grand,
Religion et Tradition,
journée publiée par la
revue Mètis.
- «Démocratie, monuments
publics et deuil
privé », Communication
au colloque organisé par
l’Université de Crète :
9 et 10 décembre 2005,
Emotions over Time :
Ancient Pathê- Moderne
Sentiments a Comparative
approach, organisé
par David Konstan et
Anastasia Serghidou.
- Organisatrice du
colloque international
Espaces et Rituels :
Traditions et
Transgressions de
l’Antiquité à nos jours,
23, 24 et 25 janvier
2008, Université
d’Amiens.
Compte-rendu de
lecture :
1. Claude Calame,
Choruses of Young Women
in Ancient Greece,
1997, RHR mai
1999.
2. Victor Hanson, Les
Guerres Grecques,
Autrement, 2000,
Historiens et
Géographes, 2001.
3. Pierre Sineux,
Amphiaraos. Guerrier,
devin et guérisseur,
Paris, Les Belles
Lettres, 2007, pour la
REA.
4. Marcel Detienne,
Les dieux d’Orphée,
Paris, Gallimard, 2007
(1989), 234 p, pour la
REA.
5. Christiane
Sourvinou-Inwood,
Hylas, the Nymphs,
Dionysos and Others.
Myth, Ritual, Ethnicity,
Stockholm 2005, pour la
revue Anabases.
6. Lorna Harwick et
Carol Gillespie,
Classics in
Post-Colonial Worlds,
Oxford, Classical
Presences, 2007, 422 p.,
pour la revue
Anabases.
7. Martin M. Winkler (éd.),
Spartacus : film and
history, Malden,
Blackwell Publishing
Ltd, 2007, 267 pages,
pour la revue
Anabases.
8. Claudia MOATTI et
Wolfgang KAISER (sous la
direction de), Gens
de passage en
Méditerranée de
l’Antiquité à l’époque
moderne. Procédures de
contrôle et
identification,
Paris, Maisonneuve et
Larousse, 2007, 512
pages, pour la revue
Anabases.
9. Marcel Detienne,
Les dieux d’Orphée,
Paris, Gallimard, 2007
(1989), 234 p, pour la
REA.
10. Isobel HURST,
Victorian Women Writers
and the Classics.
The Feminine of Homer,
11. Oxford University
Press, 2006, 253 pages,
pour la revue
Anabases.
11. Pierre Brulé, La
Grèce d’à côté. Réel et
Imaginaire en miroir en
Grèce antique,
Rennes, PUR, 2007, 542
pages pour la REA.
12. Martin M. Winkler
(ed.), Troy : from
Homer’s Iliad to
Hollywood Epic,
Malden, Blackwell
Publishing Ltd, 2007,
231 pages pour la revue
Anabases.
13. Gabriella Pironti,
Entre Ciel et guerre.
Figures d’Aphrodite en
Grèce ancienne,
Kernos, supplément
18, Liège, 2007, pour la
REA.
14. Dominique Jaillard,
Configurations
d’Hermès, Kernos,
Liège, 2007, pour la
REA.
15. Philippe Borgeaud et
Francesca Prescendi
(éd), Religions
antiques. Une
introduction comparée,
Genève, Labor et Fides,
20008, pour la REA.
16. Marie-Hélène GARELLI,
Danser le Mythe. La
Pantomime et sa
réception dans la
culture antique,
Editions Peeters,
Louvain-Paris-Dudley,
2007, 511 pages, pour
Anabases.
17. Rita FELSKI (edited
by), Rethinking
Tragedy, Baltimore,
The John Hopkins
University Press, 2008,
368 pages, pour
Anabases.
18. Barbara GOFF et
Michael SIMPSON,
Crossroads in The Black
Aegean, Oedipus,
Antigone, and Dramas of
the African Diaspora,
Oxford, 2007, 401 pages,
pour Anabases.
Conférences :
1. « Ménandre et la
société athénienne du
IVe siècle » (Université
d’Avignon), mai 1997.
2. « La personne et le
politique dans les
stèles funéraires
attiques » (EHESS), mars
1997.
3. « Les stèles
funéraires » :
présentation au
Laboratoire
d’Anthropologie
religieuse de Clermont
(CNRS), 27 janvier 1998.
4. « Dexiléôs : une
biographie
d’exception »,
conférence dans le cadre
du DEA de Grenoble (PARSA),
24 mars 1998.
5. « Les Héros athéniens
et la liberté »,
conférence à l’Institut
d’Etudes Politiques, 15
février 1999.
6. « Le Citoyen athénien
au Ve siècle : ses
devoirs, ses droits »,
Participation aux
journées sur la
citoyenneté organisées
les 9 et 10 mars 1999 à
Reims par l’APHG.
7. « La Représentation
de la Jeunesse sur les
Stèles funéraires
attique », conférence
donnée à Nancy le 21
janvier 2000 dans le
cadre du DEA.
8. « Les Guerriers sur
les stèles funéraires
attiques du IVe
siècle », conférence
donnée à Lyon III dans
le cadre du DEA, le 8
mars 2000.
9. « La Représentation
des femmes sur les
stèles funéraires
attique de l’époque
classique », conférence
à Toulouse le 8 avril
2000, dans le cadre du
DEA.
10. Semaine de
conférences à Cluj
(Roumanie), 11-16
décembre 2000 (niveau
DEA : La Liberté ou la
Mort dans le monde
grec).
11. Conférence dans le
cadre du séminaire de
François Lissarrague :
« le Kalathos sur
les stèles funéraires
attiques » (14 mars
2001).
12. Conférence :
« L’instrument de
musique sur les
monuments funéraires
attiques de l’époque
classique », DEA
Toulouse, 8 décembre
2001.
13. Conférence sur « la
Musique et les Musiciens
dans la Grèce
classique », Musée
Saint-Raymond, Toulouse,
6 avril 2003.
Fonctions
administratives et
responsabilités
collectives
Participation aux
Institutions
-. Responsable du
département d’Histoire
(Clermont II),
1994-1998.
-. Responsable du CRCA,
1996-1999.
- Membre du Conseil
d’Administration de
l’Université de Clermont
II, de 1992 à 1996.
- Membre de la
commission de
spécialistes de
l’Université Jules-Verne
d’histoire, de
géographie en tant que
suppléante, de la
commission de
spécialistes de Caen.
- membre du Conseil de
Gestion de la Faculté
d’Histoire Jules-Verne
d’Amiens, depuis 2001.
- responsable du
département d’histoire
Amiens, 2001-2003.
- membre élu du CNU de
2003 à 2007.
Le 6 novembre 2008
signé
Geneviève Hoffmann
________________________
Waiting for
L'en soi, le pour soi...
le chez soi ? La
"classe" au risque des
espaces-temps du monde
Jacky Réault,
A French/english (automatic but temporary- translation google) Short Intellectual Biography (publiée sur Anteios)
...suivie d'une identification personnelle cavalière parue dans Viadeo.
Mise à jour 9 mars 2011-
Etudes classiques privilégiant la philosophie, le grec et l'histoire sociale (braudélienne), c'est à dire rapportée aux espaces et mouvements de l'accumulation du capital dans les économies-mondes et aux temporalités multiples de ses interfaces aux sociétés, systèmes anthropologiques, civilisations, seules porteuses d'ordre social viable, (Georges Devereux, Pierre Legendre).
Updated March 9, 2011
- Classical Studies focusing on Greek philosophy and social history (Braudel), that is reported to spaces and movements of capital accumulation in the world economies and its multiple temporalities interfaces to corporate systems anthropological civilizations, carrying only viable social order, (George Devereux, Pierre Legendre).
Agrégé d'histoire 1967, professeur d'histoire et géographie au Lycée Clémenceau à Nantes1967-8.
1967 professor of history, geography and history teacher at the Lycée Clemenceau Nantes1967-8.
Happé par le flux de la rentrée de septembre 1968 dans un département de sociologie marxo-althussérien de l'Université de Nantes, au péril d'un épistémologico-théoricisme radical.
Caught by the flow of entry in September 1968 in a sociology department Marxist-Althusserian the University of Nantes, at the risk of an epistemological-theoreticism radical.
Après une incursion sur la Basse Loire des grèves ouvrières (1962-1974) dont l'immanence idéologisée et contrôlée ligotte un trop jeune homme, j'initie mes travaux de long cours (sur des unités historiques et ethnographiques plus que sur l'abstraction sociologique), de la « Prolétarisation inachevée/achevée des ouvriers en France », impliquant un concept historique sociologisé de la prolétarisation du travailleur libre-,-(Nantes Lersco CNRS 1977 + Bulletin de la Société Française de Sociologie, octobre 1977 + Colloque Crise et métamorphoses ouvrières que je co-organise 1992, une 2° communication « Prolétarisation Prolétarisation inachevée Prolétarisation achevée » restée inédite jusqu'à son insertion en 2010 sur www.lestamp.com )-, sur des sites spatio-historiques : - « L'usine : les Batignolles à Nantes » (article Norois Persée), -l'aire d'emploi : Saint-Nazaire (1977 et article de 1993 sur le temps long ouvrier, actualisé sur www.sociologie-cultures.com , et sur « Les Trente Glorieuses de la CGT nazairienne »(Annales de Bretagne), -« Nantes-l'excès-la-ville : essai d'identification », 1988 republié 2010 sur site lestamp.com, -La Basse Loire,-les « sociétés de l'Ouest français » réélaborées au vu de l'histoire de la « l'accumulation primitive continue » (Meillassoux) des Trente Glorieuses dans le fil de André Siegfried à Yves Lacoste, Charles Tilly, etc. - :
After a raid on the Lower Loire workers' strikes (1962-1974) whose immanence ideologized
controlled, binded a too
young man,, I initiate my work long term (units of historical and ethnographic rather than on sociological abstraction ), the "proletarianization unfinished / finished Workers in France", involving a historical concept of proletarianization sociologized worker's free, - (CNRS Nantes Lersco 1977 + Bulletin of the French Society of Sociology, October 1977 + Symposium worker's crisis and metamorphosis I co-workers organized in 1992, a 2nd communication "proletarianization proletarianization proletarianization complete unfinished" remained unpublished until its inclusion in 2010 www.lestamp.com ) - on spatio-historical sites: - "The Factory the Batignolles Nantes "(Article Norois in Perseus), the area of employment: Saint-Nazaire (1977 and 1993 article on the long-time worker, updated on -www.sociologie cultures.com , and "The Glorious Thirty the CGT Nazaire "(Annales de Bretagne) -" Nantes-l'excès-la-ville Road Test ID "1988 2010 republished site lestamp.com, Lower-Loire," companies of the French West "reworked in light of the history of the" primitive accumulation continues "(Meillassoux) of the war boom in the course of André Siegfried to Yves Lacoste, Charles Tilly, etc.. -:
Sur fond de ces nébuleuses sociales multiréférencées de la diversité française, (classes ? Milieux ? Peuples ?, systèmes familiaux, d'habiter etc. ), structurant spatialement la France « longue » relayée retaillée par l'histoire contemporaine du développement et pour l'Ouest le printemps ouvrier des années 50-60, (Bernard Lepetit, E. Le Roy Ladurie..), les « sociétés de l'ouest » se singularisent comme un vaste sous-ensemble historique (1793 Vendée, Chouannerie), anthropologique (le privativisme bocager, les familles inégalitaires Vendée exclue).
Against the backdrop of these nebulae social multiréférencées of French diversity, (classes? Media? People?, family systems, etc. to live.) Spatial structure of France "long" relayed resized by the contemporary history of development and for the West Spring 50-60 years of labor, (Bernard Lepetit, E. Le Roy Ladurie ..), the "Western societies" is ingularisent a large subset History (1793 Vendee Chouannerie), anthropological (the privativisme hedgerow, inequitable Vendée families excluded).
Jacky Réault (membre du comité de programme Ouest de l'ATP OCSC 1977*1984), y situe ses « Ouvriers de l'ouest » in ATP CNRS, L'Ouest bouge-t-il ? qui sont devenus la publication de référence, saluée par Pierre Naville et cité dans les grands ouvrages de synthèse, de Bernard Kayser (La renaissance rurale), Gérard Noiriel (les ouvriers dans la société française 1986, 2002), Michel Phliponneau in Yves Lacoste (Géopolitique des régions françaises, et d'autres..)
Jacky Reault (program committee member of West ATP OCSC 1977 * 1984), it is his "Workers of the West" in ATP CNRS, Western move there? CNRS Vivant Nantes 1984-, ATP CNRS Nantes 1984 - which became the reference publication, hailed by Pierre Naville and quoted in major works of synthesis, Bernard Kayser (The rural renaissance), Gérard Noiriel (workers in French society in 1986, 2002) Michel Phliponneau in Yves Lacoste (Geopolitics of the French regions, and others ..)
Puis c'est tout l'espace français dans un quadrillage départemental, qui est investi avec l'ouvrage fondateur, « Formes de vie ouvrières et écosystèmes sociaux de reproduction dans la société française » Nantes CNRS 1989)- épuisé, en réédition-, le travail salarié féminin à domicile (In Le Crom Hesse), et tout récemment Nicolas et Ségolèe 2007(infra) à propos des dioscures présidentiels de 2007.
That's all the space in a French county grid, which is invested with the seminal book, "Forms of life and ecosystems social worker reproduction in French society" Nantes CNRS 1989) - sold in reprint-on Women's paid work at home (En Le Crom Hesse), and most recently Nicolas Ségolène and 2007 (below) about the 2007 presidential Dioscuri.
Cette appropriation socio-historique de l'espace national intégral est passée par l'invention (notamment inspirée par l'oeuvre pionnière d'Emmanuel Todd) d'une méthodologie liant la carte et des centaines de séries statistiques inscrivant sur quarante ans structures et variations temporelles actualisés dans toute étude contemporaine (voir 2010 in fine.- Recherche)
This socio-historical appropriation of the national space went full by the invention (particularly inspired by the pioneering work of Em. Todd) a methodology linking the card and hundreds of rounds statstiques registering over 40 years and structures temporal variations discounted in any study contemporary (see 2010 in fine. (Vr Research)
___________________________
Diplômé d'études supérieures d'histoire 1964 Rennes-Nante ( Jean Meyer, Jacques Bompaire) en histoire sociale des religions, protestants Nantes (1789-1870), Bogomiles du Moyen-âge balkanique, Maître de Conférence en sociologie à l'Université de Nantes, co-fondateur d'un DESS et de deux Masters, ancien Membre du Conseil d'Université, ancien Chef de département, retraité (2008) - co-fondateur de trois laboratoires de « sociologie »(Lersco CNRS 1971), Lestamp (infra) Equipe Associée Université de Nantes (1995-2004), et enfin, « interdisciplinaire » Processus Identitaires Processus Sociaux (PIPS) Equipe Associée, Université d'Amiens 2007-2011, à l'invitation de feue la Doyenne Dominique Cochart-Coste et du président de l'Université, JW Wallet.
High school graduate 1964 history Rennes-Nantes (Jean Meyer, Jacques Bompaire) in social history of religion, Protestant Nantes (1789-1870), Bogomils medieval Balkan, Senior Lecturer in Sociology at the University of Nantes, co-founder of a Master and two Masters, a former member of the University Council, former Head of Department, Retired (2008) - co-founder of three laboratories 'sociology' (Lersco CNRS 1971), Lestamp ( below) EA University of Nantes (1995-2004), and finally, "interdisciplinary" Social identity processes Processes (PIPS) and Others 2007-2011 University of Amiens, at the invitation of the late Dean Cochart-Dominique Coste and the President of University, JW Wallet.
En cours de route j'ai été élu Directeur à l'Université de Nantes du GIRI (Groupe Interdisciplinaire de Recherches sur l'Industrialisation)-CNRS (Géographie Histoire Sociologie, 1988-1992), après avoir initié et mené à bien ses deux colloques, Les processus de la mobilisation sociale (1984), Industrialisation et désindustrialisation dans la région nantaise (1989)
Along the way I was elected at the University of Nantes Director of GIRI (Group for Interdisciplinary Research on Industrialization)-CNRS (Geography History Sociology, 1988-1992), having initiated and completed its two conferences, The process of social mobilization (1984), Industrialization and deindustrialization in the region of Nantes (1989)
Actuellement (2008-31 décembre 2011) membre permanent et invité dans l'ea 4287 Habiter-Pips de l'UPJV d'Amiens qui a succédé à PIPS après la mort de Dominique Cochart, par le nouveau directeur O Lazarotti, à fonder un axe « Sociologie » (2008-fin 2011).Mission remplie jusqu'à l'«amiénisation » brutale (juin 2010) du Laboratoire, faux frais de l'« autonomie » ?
Currently a permanent member and guest in the 4287 Living-ea of the Pips UPJV of Amiens, who succeeded after the death of Dominic Cochart, the new Director Lazarotti O, based on an axis "Sociology" (2008 - 31th of december 2011). Mission filled to the brutal "amiénisation" (June 2010) of the laboratory, incidental expenses of the "autonomy"?
___ Cofondateur avec de courageux complices universitaires, Joëlle Deniot, Pierre Cam, Bruno Lefebvre, Gérard Dehier, et des jeunes hommes et femmes libres d'une société savante associative interdisciplinaire, le Lestamp-Association, Laboratoire d'Etudes Sociologiques des Acculturations et Transformations des Milieux Populaires, (Dir. Joëlle Deniot).
___ Co-founder with courageous academic accomplices, Joëlle Deniot, Pierre Cam, Bruno Lefebvre, Gérard Dehier, and young graduates men and women free of interdisciplinary scholarly society associations, the Association-Lestamp, Laboratory of Sociological Studies of Acculturation and Transformations Popular communities, (Dir. Joëlle Deniot).
J'y co-organise depuis 2006 « Les Etés du Lestamp »,- 2009, « Eros et société, 2010, »l'Odyssée du sujet dans les sciences sociales« , 2011, »Sciences sociales et humanités« - étayés sur deux sites web et une édition de livres thématiques dits Cahiers du Lestamp avec ou sans Habiter-PIPS,(deux parus, deux à paraîtr)et bien d'autres.
I co-host since 2006 "summer of Lestamp" - 2009, "Eros and Society, 2010," the Odyssey of the subject in the social sciences ", 2011," Social Sciences and Humanities " - supported on two sites web and book publishing thematic called Cahiers du Lestamp Living with or without-PIPS (two published, two forthcoming) and many others programed ).
Il s'agit là d'une réaction à quelques imparables constats induits par ce périple biographique dans une institution où se délitent les libertés universitaires quasi millénaires et où se cultive l'identité négative à l'égard de la langue, de la culture transmise, et de l'inaliénable souveraineté du chercheur personnel.
This is an unstoppable reaction to some observations arising from the biographical journey in an institution where academic freedom disintegrate almost millennia and which cultivates negative identity in relation to language, culture transmitted and inalienable sovereignty of the research staff.
La liberté de recherche suppose désormais l'auto-entreprise parallèle. Que le monde soit anarcho-libéral ou totalitaro-étatisé (ou l'inverse que nous vivons) le travailleur libre intellectuel n'a pas d'alternative. D'où cette décision prise dès 2004, pour échapper - au bureaucratisme stérilisant, au sein de labos agonistiques, de clans infra-disciplinaires organisés nationalement ou vulgairement -xéno-localistes et antivieux(Amiens 2010) mais toujours brutalement épurateurs, - comme à une tendance à la censure privée (groupes autoproclamés procureurs se livrant au lynchage médiatique- ( voir www.sociologie-cultures.com  ; "Appel à signature çà suffit !«"- (Google I-1), voire aux Conseils de disciplines (2005 pour notre présidente) pour qui prétendait choisir librement ses compagnons de recherche et ses financements républicains du détournement mafieux. Aujourd'hui la radicalisation de l'évaluation bornée et globish des soumis aux normes technocratiques mondialistes, renforce encore cette nécessité. On peut travailler en "free land" sans que le ciel vous tombe sur la tête, mieux c'est la seule façon de s'en préserver.
Freedom of research now requires self-organization parallel.That the world is liberal or anarcho-totalitaro-bureaucratized (or vice versa we live) free intellectual worker has no alternative. Hence the decision in 2004 to escape - the bureaucracy sterilizing lab in agonistic, clans, sub-national or disciplinary commonly-xeno-localist (2010) but always brutally cleaners - as a trend private censorship (self-appointed prosecutors groups engaged in media-lynching (see www.sociologie-cultures.com , "Call to sign enough!" - (Google I-1) or the Disciplinary Board (2005 to our President) to who claimed to freely choose his companions to keep its research and funding Republicans. Today the radicalization of the assessment globish bounded and subject to the standards of technocratic globalists, reinforces this need. It can work, "Freelander" without the sky you falls on the head, the better the only way to preserve it.
___Recherches Searchs
Auteur en activité de travaux sur la spatialisation des phénomènes culturels (temps long) et sociaux y compris politiques interférant avec une géopolitique de régions françaises à géométrie variant selon les phénomènes et les temporalités. Spécialiste des formes et de l'efficace de prolétarisation/ déprolétarisation et de l'acculturation antagonique (Roger Bastide)/résistance, des mondes populaires, notamment ouvriers en France, référés, depuis 1983-4 (Orwell ?),(Ouvriers de l'ouest) à la « mondialisation », ma principale boussole entre Fernand Braudel et, 2003 Guy Bois, à la quelle j'indexe une anthropologie (dogmatique ?) de nécessaires peuples nationaux.
Author of active work on the spatialization of cultural phenomena (long time) and social policies yc interfering with a French regions geopolitical geometry varies according to the processes and time frames. Specialist forms and effective proletarianization / deproletarianization and antagonistic acculturation (Bastide) / resistance, particularly of the worlds most popular workers in France, referred from 1983-4 (Orwell?), (Workers West) to "globalization", my main compass from Fernand Braudel and Guy Bois 2003, at which j'indexe anthropology (dogmatic?) necessary for national peoples.
Initiateur et co-éditeur du colloque international « Les sociétés de la mondialisation » (J Deniot J Réault, LCA-Performance-Edition Paris, 2007 cdrom).. / D'autres études portent sur les espaces-temps-formes de l'emploi en France et sur la normativité défensive et les transferts culturels toujours vivants des mondes ruraux voire des « civilisations agraires » de la diversité française et européenne.
Initiator and co-editor of the international symposium "Societies of globalization" (J J Deniot Reault, LCA.Performance-Edition Paris, 2007 cdrom) / Other studies focus on space-time forms of employment in France and on the defensive and normative cultural transfers still alive even rural worlds "agrarian civilizations" of French and European diversity. (Marc Bloch). (Bloch).
/ Un observatoire des élections politiques et syndicales au regard d'une méga-matrice de variables multiréférencées quadrillant l'espace français est toujours actif. / An observatory of political elections and union with regard to a mega-matrix variables multiréférencées criss French space is still active.
Dernier article paru, Jacky Réault : « Nicolas et Ségolène 2007 ou le mystère de la Dame de Vix », in J Deniot J Réault, Espaces Temps et Territoires.. Accessible sur www.sociologie-cultures.com , avec l'actualisation continue d'articles plus anciens(ouvrages épuisés), devenus référentiels (1° ligne page 1 de google), « Les ouvriers de Saint-Nazaire ou la double vie », complétés par l'essai sociographique et généralisant « Les ouvriers de la classe au peuple. Directement écrit pour le web
Last article, Jacky Reault "Nicolas and Ségolène 2007 or the mystery of the Lady of Vix", in J J Deniot Reault, Space Time and Territories. Lestamp-Edition Nantes 2010. Lestamp Nantes-Edition 2010. Available on -www.sociologie cultures.com , with continuous updating of older articles (print books), become repositories (line 1 on page 1 of google), "The workers of Saint-Nazaire or double life," supplemented by testing and generalizing sociographic "The workers of the class to the people. » . "Written exclusively for the web.
Enseignements (1968-2008), continués en conférences depuis 2008 (Espaces temps de l'Etat culturel en France référés au palimpseste du temps long Master EPIC U de Nante), : -Sociologie économique notamment du salariat et des mobilisations collectives et privatives((dé)prolétarisation) ouvrières, -Socio-anthropologie des formes de vie, -Socio-spatio-démographie du développement en France, -Sociologie rurale, -Economie de la culture, - Méthodologie d'une cartographie sociale indexée à l'analyse de données, -Histoire économique générale du monde DESS 1990-2006, et -Histoire des politiques de l'Etat culturel central et local
Lessons (1968-2008), continued in conference since 2008 (time of the State Spaces in France referred to the cultural palimpsest long time Master EPIC U Nantes): Economic Sociology-including the wage and collective mobilization and private (( de) proletarianization) workers, socio-anthropology-life forms, Socio-spatial-demographic Development in France-Rural sociology, economics, culture, - a social mapping methodology for the analysis of indexed data , General Economic History, Master of the world 1990-2006, and policy-History of the State central and local cultural
Conférencier et interviews radiophoniques ( Mouvements sociaux Milieux Populaires Etat culturel), ou télévisuels disponibles sous condition.
Interwiews speaker and radio (Social Movements Popular Media State cultural), or television available condition. (Référence Europe I, France Bleue Loire-Océan, Télé-Pays-de-Loire…) (Part I Europe, France Bleu Loire Ocean, Tele-Pays de Loire ..
______________
Bibliographie,
J Réault, De Nicos Poulantzas
à Cornelius Castoriadis, les
ponctuations grecques d'un
itinéraire sociologique
(1968-2009) in A Mouchtouris...
Actualité de la pensée
grecque Mars 2014 (Colloque
à l'amphithéâtre E Durkheim de
La Sorbonne, 12 déc. 2012)
En
synthèse de cet itinéraire de
recherches, on propose le chorème de
l'espace des écosystèmes
sociaux de mobilisations
populaires
extrait de
J Réault
Nicolas et Ségolène ou
le mystère de la Dame de
vix,
publié sur ce fichier

 |
Erratum
de ce
premier chorème
gardé
parce
que plus
net
: Dans
le Vaste Bassin parisien
lire
prolétarisation
achevée et
non inachevée.
La
prolétarisation inachevée,
concept
que nous
élaborons
en 1977
et qui
deviendra
sujet de
thèse, concerne
essentiellement l'Ouest de la
contre-révolution (A
Siegfried) de la première droite,
et de la dépaysannisation
tardive qui devient vivier de la
Deuxième gauche qui rejoint
l'électorat PD de
l'Aquitaine forme oliganthropique et première
gauche radical-socialiste de la
prolétarisation inachevée. |
______________
Jacky Réault se
disant d'en France
et de la
parrhesia
d'Athènes
(texte
paru sans ce
titre et sous
réserve de
quelques
variantes sur le
site Viadeo)
Agrégé
d'histoire,
sociologue à
l'Université de
Nantes
(1968-2008) puis
d’Amiens
(2008-fin 2011),
je suis
corédacteur de
sites Web
publiant des
textes de
sciences
sociales
ouvertes aux
œuvres de l'art
de la culture
comme aux
expériences
communes.
J'aime
m'identifier par
la passion
platonicienne
(Eros) de la
connaissance et
de la beauté, la
quête d'une
vérité
dévoilement
inachevable,
Aletheia, comme
mode de
résistance
privilégiée, si
elle conjugue et
non oppose le
savant et le
populaire, à
l'air du temps
de soumission et
donc exigeant la
parrhesia,
l'absolue
authenticité
d'une libre
parole qui fut
celle de la
démocratie
athénienne (Castoriadis),
et qui se réduit
chaque jour dans
notre toujours
plus hétéronome
société de la
mondialisation.
A l'instar du
diable de Denis
de Rougemont, la
fausse parole
soumise à tous
les contrôles du
champ toujours
plus étendu de
la bien-pensance
nihiliste
mondialisée,
"est légion",
plus qu'aux
temps, pourtant
déjà ou encore
"modernes" où
écrivaient La
Boétie ou
Georges
Devereux.
Qu'importe
qu'elle émane
des partis du
consensus
européen et
mondialiste qui
délite les
sociétés dans le
marché et les
personnes dans
l'irresponsabilité,
ou de l'Etat
culturel post-langien,
des tyrannies
féodales et
omerta locale
et régionale
des effets
pervers de la
décentralisation,
des "pédagogistes"
décérèbrant
l'école et
l'enfance, des
"associations"
spécialisées
dans la délation
la censure et le
lynchage
médiatique, ou
des clans
sectaires,
tendant par le
délitement des
institutions
républicaines à
devenir
également
lyncheurs, de la
sociologie
ossifiée. ( Voir
Appel à
signature. Ca
suffit !)
Ces
"dédifférenciations"(Devereux)
expriment les
politiques et
processus de la
dite
mondialisation
en fait la
financiarisation
violente du
monde (Guy
Bois), la
désymbolisation
de l'humain (P
Legendre), la
"haine
affirmative du
beau" (Castoriadis).
Conjuguée aux
sinistres
fantasmes
d'euthanasie des
mortifères verts
de ville, à
l'identité
négative des
mondialisateurs
de la gauche
décomposée,
elles tendent
toutes
- 1 à enfouir la
souveraineté des
peuples, socle
de
l'humanisation
tardive,
disqualifier les
nations seuls
sujets de
l'histoire peut
être aptes à
résister,
- 2 à acculturer
("la grande
déculturation")
les ex classes
cultivées
attachées aux
grandes œuvres
de l'art de la
littérature, de
la philosophie,
au profit de
l'anecdote
nihiliste d'un
certain "art
contemporain",
du "culturel" de
divertissement
de bobos de
l'Etat culturel.
Quiconque prend
le risque
d'advenir sujet
libre résistant
au
totalitarisme-monde
de pensée unique
et d'opposer la
souveraineté
populaire aux
oligarchies de
scènes médiatico-politiques
est frère d'arme
pour un combat
perdu sans
doute. Mais il
s'y transmettra
l'antique
dignité des
hommes autour de
fondamentaux
anthropologiques
(P Legendre, De
la société comme
texte, A Supiot,
Homo juridicus, Castoriadis,
Les
carrefours du
labyrinthe..),
des grandes
œuvres de
l'humanité, de
la pensée libre
et des
solidarités
populaires.
J’entends là
revendiquer au
sein de mon pays
La France, tant
l'histoire d'un
millénaire de
souveraineté et
rébellion
françaises qu'un
héritage
littéraire et
artistique dont
manquent les
sociétés
disloquées de la
mondialisation.
A l'inverse, nos
oligarques
abiment son
image en une
identité
ratatinée
absurde et
délétère qui
rend si amère
l'intégration à
notre vie
sociale et
politique des
flux d'hommes
qui depuis
toujours et plus
que jamais nous
recomposent et
qui nous
rendrons à nous
mêmes si nous
restons fiers de
notre histoire
de nos pères de
nos mères, notre
"logique de
l'honneur" et
notre
indépendance.
J'interviens
par:
-la parole gage
d'authenticité
éprouvé en face
à face, maître
d'école ou en
conférencier,
-l'écriture de
mon temps entre
Gutenberg et le
Net,
-l’édition (avec
mes compagnons
de libre société
savante le
Lestamp, de
livres de
sciences
sociales-et-d'humanités,
(ce lien à
reconquérir si
nous voulons
nous
ré-humaniser),
de sites web.
-l'organisation
d'évènements de
sciences
sociales et de
toute humanité
entre Nantes et
Paris.
Ma compétence
disciplinaire se
lit sur la
courte
biographie
intellectuelle
qui suit déjà
publiée sur
Anteios et sur
ma fiche de
chercheur sur
www.lestamp.com
Mes spécialités,
les écosystèmes
sociaux
historiques du
développement de
la société
française,
interférant aux
acculturations
des milieux
populaires
ouvriers et
paysans.
Mes grands-pères
l'étaient aux
confins vendéens
mon père faisait
du pain et sauva
un parachutiste
anglais.
J'aime les
résistances
grecques
antiques et
actuelles,
Stendhal
Dostoïevski
Duras Muray
Resnais et Lars
Von Trier...
Je suis né en
1942 à Givet
dans les
Ardennes sous l'Europe
allemande

