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Pour un lieu commun des sciences
sociales
Jacky Réault 4 déc. 2004 alias (
2011)
une liberté alternative,
en freeland,
du travail
intellectuel des Universitaires
refusant la
normalisation mécanique et
mondialisée*
* sous
titre complété en 2011 sans
autre modification de ce texte
publié.
- I -
Adresse d'accueil aux
participants
Salut
d’abord à celles et ceux qui sont venus d’Oulan-Bator ou de Ouagadougou, de Bucarest et d’Agadir,
de Lisbonne ou de Londres voire des Pays-Bas, salut à
celui qui est passé par Rancagua au Chili pour nous
parler d’un anti-avenir possible, salut à celui qui sera
comme ambassadeur d’Istanbul notre autre Rome plus
troublante de son ambiguïté radicale, salut aux
francophone de Genève et d’Oran, à celle dont la voix
restera anglaise pour évoquer les frontières de
l’Ulster, aux voix italiennes qui nous parlerons de la
fête et de la céramique en Grande Grèce, à la voix
espagnole venue d’Alicante pour évoquer des villes
mondialisées. Merci à ceux qui vont nous transporter
comme en tapis volant entre le Cameroun les Etats Unis
et Calcutta, Sao Paulo Rome et Bamako, la Bulgarie
l’Inde et Dar es Salam, entre la Silicon Valley et
Bangalore et même par Royaume uni qui n’a rien d’une
troisième voie. Bravo à ceux qui évoqueront des
continents et même cet objet si difficile à identifier
qu’est l’Europe, à ceux qui évoqueront le destin mondial
de religions voire des civilisations entières ou
continents entiers à ceux qui s’exposent à penser le
monde lui même. Merci d’être là à ceux qui viennent de
cette France une et diversité entre Paris, Brest,
Toulouse, Montpellier, Aix- Marseille, Limoges
,Bordeaux, salut à nos voisins d’Angers et de Rennes, de
Tours. Merci à la douzaine du Lestamp dont la plupart
ont assuré à la fois l’intendance la pensée et la voix.
Votre présence impensable il y a seulement six mois nous
comble, fait événement. Le monde est donc pensable !
N’ayons pas peur !
Après le salut comblé, le risque extrême d’inaugurer
sans clore, de constituer sans préjuger. Si une simple
formule peut résumer ce que nous allons tenter de dire
en guise d’accueil nous proposons celle ci qui es, pour
nous, mieux qu’un programme, un espoir. Pour un lieu
commun des sciences sociales.
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- II -
Comme un manifeste |
Du Lestamp aux sociétés de la
mondialisation, Pour un lieu
commun des sciences sociales
Libres
associés
Le Lestamp est heureux de vous accueillir à
Nantes ; laboratoire d’universitaires patentés mais déjà
associés à leur compte et roulant vers l’indépendance
institutionnelle, ouvert, petite universitas
magistrorum discipulorum. En ces temps de mastérisation niveleuse et semestrialisée où il ne
serait plus question que de réduire la voilure des
savoirs et de s’aligner dans les bornes de l’emploi
régionalisé, verrouillé dans des clientèles, nous
n’oublions pas d’où nous venons et ce que nous voulons
transmettre, cet inestimable objet de la transmission[1] :
des filiations de maîtres et de savoirs, qui
capitalisent des fondamentaux fragiles, suspendus aux
mémoires vivantes qui ne cesseraient jamais de
transmettre ; sociologues pour la raison sociale,
à ne pas trop prendre au mot des indurations
institutionnelles, les femmes et les hommes en société,
mais aussi les sociétés elles-mêmes, voire des ensembles
plus vastes encore, - les civilisations ?- sont notre affaire,
holistes et individualistes, inséparablement nous tentons
d’être…, mais avec beaucoup d’autres corporations : les
sociétés humaines et leur devenir sont affaire trop
sérieuse pour être abandonnée aux sociologues.
Qu’importent les emblèmes spécialisés et par trop
séparés où nous faisons, souvent par hasard, nos
carrières dans une clôture souvent inversement
proportionnelle à la production d’idées neuves. A propos
quel était le métier d’Ibn Khaldoum[2]
inventeur de l’habitus mais, pour ce qui le
concerne pourfendeur de clans, et dont le programme
pourrait être le nôtre, les villes, les campagnes[3]
les Etats, dans les aires et les cycles mortels
des empires, au contact des deux grandes civilisations
de la Méditerranée d’après l’Hégire ? Mare nostrum
encore ? Nos fondateurs vous ressemblaient. Ils
ressemblaient en tout cas à la totalité hétérogène que
vous constituez ; ils étaient aussi philosophes,
juristes historiens-géographes, nourris de linguistique
et de freudisme et plus généralement d’anthropologie,
devenus sociologues comme par surcroît, moment le plus
abstrait et le plus instrumental, le plus instrumenté
aussi ; finalement plus ou moins sociologisés ,
comme on dit, nous avons eu la tentation un moment aussi
- comment le nier ? -d’évaluer et moderniser
nos semblables jusqu’à nous apercevoir que nous
risquions ainsi de ne plus être ni savants ni
politiques, des idéologues, voire (cette prise de
conscience étant la plus récente quoique irréversible),
dans le pire sens du terme, des mondialisateurs[4] !
Nous n’avons pas assez oublié cette genèse, pour croire
qu’on puisse penser la forme société et
surtout les sociétés-pays-réels, à partir de
petits bouts découpés à la hache au sein de
sous-spécialités, qui plus est en problématiques closes,
pour croire que des abstractions sur la société objet
construit, (c’est plus facile que l’opacité
irréductible du réel mouvant) puissent remplacer la
quête humble et sans fin de la concrétude des sociétés
existantes, singulières et toutes cependant dans ce même
bateau dont la coque est la cinquième planète.
Héritiers, nous osons l’être, contre les éradicateurs de
culture, nous n’avons pas oublié ceux qui nous ont formé
ou éclairé de leurs œuvres dans tous les horizons du
savoir et pas seulement dans les disciplines
estampillées, et nous ne voulons pas nous séparer de
bien d’autres contemporains vivants, tout aussi divers
auxquels nous avons aussi adressé, comme à vous, notre
appel à communiquer, comme on dit ... En
espérant qu’on échangera sur le dos de la même terre,
que nous grattons d’habitude sans trop sans nous voir
mutuellement, bien autre chose que de la communication, cet art du vide et de
l’insignifiance[5] où nous confinerait la bien-pensance utilitaire et l’interdit du nécessaire conflit
d’idées.
Transformations et Acculturations Populaires ::
c’est
notre cible générale tout autant politique, sociétale et
sociale, on ne nous suspectera pas trop
d’être dans l’air du temps central de la discipline ;
ce qui ne nous rend pas pour cela, au contraire
peut-être, étrangers au Temps du monde[6].
C’est du sein de ce bloc de questions que nous avons
profilé notre appel, parce que, d’où nous parlons, il
était devenu nécessité à la fois intime et publique, de
justifier notre existence et de faire connaître notre
expérience. En une phrase où convergeraient la plupart
d’entre nous, la mondialisations ne pourrait-elle pas,
peut-être, se résumer aussi (à supposer, propos certes
bien fou[7],
qu’elle soit achevable), comme un processus et des
politiques tendant à la fin des peuples. Le retour à
l’espèce terrestre unique est également fantasmé par les
Castor et Pollux (sur ce point interchangeables ? ) de
l’impasse Adam Smith[8], les néo-progressistes et
les pan-libéraux, également religionnaires du mouvement
du monde quel qu’il soit et où qu’il aille. N’est-ce pas
toujours le "one best way", bougiste
dit joliment Taguieff[9] ? Bougistes d’hier et
d’aujourd’hui, négateurs d’histoire,
déconstructeurs de sens et liquidateurs de mémoires,
sous l’emblème de la réforme sans fin[10],
N’a - t -on pas chez tous le module unique des déjà
mondialisés, notamment dans l’archipel des capitales,
ou d’une autre façon des déterritorialisés tant à
l’égard des peuples qu’à l’égard des sens[11] ?
Questions que tout cela !
Rassurez vous, questions
seulement !
Questions quand même!
Milieux
de Nantes milieu du
monde ?**
Que nos débats soient en quelque sorte l’empire du
milieu ! Nous vous accueillons dans un site qu’on
appelle opportunément, la Médiathèque, en une ville que
les physiciens du globe, rejoignant tardivement les
géographes, considèrent comme centre des terres
émergées. Cette ville est un courant d’air culturel,
où convergent et cohabitent (abstraction faite du flux
récent de cadres supérieurs parisiens, très branchés
très court-barbus de trois jours version Canal plus, assez mondialisés,
très lieu unique en un mot), trois provinces entrées en
République au prix historique de quelque guerre civile
aux effets toujours vifs. Où nous porterons nos regards
ce soir en sortant d’ici, c’est un fleuve, un port mort,
avec comme horizon la ligne où tombe chaque jour le
soleil. De ce balcon, sur la lumière qui se noie, l’occidant
même, le point d’observation n’est pas mauvais, sur ce
qui veut vivre, et sur ce qui se laisse mourir, sur ce
que l’on occis peut-être, aussi dans ce monde,
que, non sans dérision de quelque dieu, l’on peut aussi
penser, d’ici encore mais en regardant à l’antipode,
dans son recentrage… Pacifique.
Notre laboratoire et c’est le seul sans doute dans sa
discipline, maintient dans son intitulé ce mot modeste
de milieu : le contraire en termes de connaissance de
l’homogène, du réseau[12], de l’épuration, du champ.
Milieu, lieu commun du complexe et de l’hétérogène ;
au point que l’on ose y trouver encore, avec des
géographes, des anthropologues, des historiens et
quelques héritiers de Sigmund l’incorrect, des
signes mêlés à de la nature, des corps sexués, des
climats, - au sens de Montesquieu - , au point que
l’on ne s’effraie pas non plus de l’insertion de
machines et de produits, de matières pour parler
cru[13], de modes de production et d’échange[14] au sein
même de la société comme texte, selon le maître livre de Pierre Legendre[15] ; Penser en
milieu, suppose pour le moins des signifiants quelques
peu matériels et quelque référents par dessus l’individu
du marché du sociologue et de l’économiste, trop souvent
le même ; cela suppose peut être aussi le retour de
sujets debout,
sujet individuel comme sujet collectif, mais
toujours sujet historique, et pas seulement le sujet
du droit, ou plutôt d’un seul droit civil où devrait
s’abolir, selon le rêve actif des institutions
centrales de la mondialisation, le si précieux,
précaire et dépecé, droit collectif du travail[16].
A l’instar des géographes autres fidèles, - nous aimons
en tout cas l’espérer - des milieux, nous aimons les
contacts et les
zones de contact. Nous nous plaisions à l’avance à
vous imaginer accourus dans ce bon lieu - mauvais lieu
du bord de l’eau, - délicieuse équivoque du vieux
langage -, du bord d’une Loire qui donne à boire à
l’océan, où l’on se souvient pourtant, sur ce fond
maritime et mondial, d’un triangle immense de voiliers
sans innocence. Mille sept cent cinquante six
courses de traite entre 1703 et 1831, entre Nantes,
l’Afrique et ce si mal nommé Nouveau monde. Au
bord de ce quai de la Fosse qui fut un centre de
cette pré-mondialisation ( ?), on ne peut cacher, sur ce
point, l’eurocentrisme de Marx lui même : le
capitalisme engendra et l’esclavage moderne de ses
marges occidentales comme d’ailleurs le second servage
de son Orient , bien avant le travailleur libre de ses
centres occidentaux.
**/Sur
Nantes
l'excès-la-ville-, un essai
d'identification lire
notre essai cavalier (1984,
1989) réédité et régulièrement
mis à jour sur
www.lestamp.com Cliquer Sous
articles dans l'index.
Le festin de
Babel
Dans notre World trade center nous ne vous
proposons cependant, pour ce qui est du commerce et de
la spéculation, que des idées libres, et, grâce aux
géographes, - et pour autant que la technique suive -,
des images aussi. Puissent les idéalités des
sociologues économistes et autres souvent trop abstraits
s’en trouver plus incarnés comme le sera par dessus tout
çà, peut-être, en quelque sorte avec le concert des
prises de paroles venant de si nombreux pays du savoir,
ce que l’on pourrait nommer, comme une Ode à la voix[17]
plus profonde et plus intime à la fois que le simple
discours ! Les voix c’est une spécialité d’ici, de
Joëlle Deniot en l’occurrence, directrice d’un
laboratoire occis, présidente d’un laboratoire naissant.
Tout colloque n’est-il pas un de ces moment totaux où
nos écrits se font corps et âmes (comme en nos cours
certes, espèce menacée), mais c’est le seul où nos
pensées se font face en faisant voix, et où souvent même
(inutile de faire semblant, nombreux parmi nous sont
dans cette situation ! ) elles se font voix avant d’être
(et parfois jamais), écrites. Aimons, aussi, ce que jamais on n’entendra
deux
fois ! Rendons ici à Cesar et pas seulement aux
princesses du lieu, ce qui leur appartient : cet
amphithéâtre creuset ouvert du débat public nantais,
(joli cadeau de la Mairie de Nantes !), qui sera de vos
pensées-voix le principal et très précieux écrin. Bref
nous vous invitons à donner de la voix et pas seulement
des discours.
Le programme, déjà diffusé, de nos jours et de nos
travaux, cet inédit radical au regard de chacune de nos
disciplines, le livret-programme, image et texte[18],
artistes et paroliers, (vous mêmes en l’occurrence), que
vous avez trouvé dans votre sac municipal et nantais,
vous l’aura déjà fait ressentir : nous ne vous confinons
décidément pas dans la Galaxie Gutenberg qui reste notre
fin et mission propre d’universitaires et de chercheurs,
mais ici enchâssée entre le film de ce soir, Artisan
Pickpocket[19], (notre beau mais terrible remord à
l’égard de la Chine, cet autre univers qui monte dans le
monde qui va), et l’inauguration plus festive de
l’exposition du photographe Robert T0, de vendredi soir,
les sociétés de la mondialisation encore mais
faites images au risque d’un regard singulier.
L’ensemble des personnes et des pensées, l’ensemble de
ceux qui vont s’exposer à penser et, peut-on dire, à
imaginer et imager
dans ce colloque, scandé d’images fixées, (tout sauf un
art moyen, triste formule), et animé d’images
mouvantes, (le cinéma ou l’homme imaginaire, joliment dit par Edgar
Morin), tout nous semble dessiner comme une forme
expérimentale totalement contemporaine et totalement
enracinée, donc résolument risquée ; mais du moins,
(c’est ce que nous avons espéré en nous lançant dans
cette aventure), le profil que nous aimerions voir se
révéler serait celui d’un espace à la fois
hétérogène et commun, un lieu commun évidemment,
de sciences sociales (et d’art vivant
réchappé d'une sociologie
désymbolisante),
devenu nécessaire, urgent même et, osons le dire,
libérateur.
Libérateur d’abord pour ceux qui l’ont organisé dans les
rets, disons, d’une certaine situation d’étouffement...institutionnel
et disciplinaire.., dans tous les sens, pas
vraiment joyeux, de ce vocable, à l’instar des
ex-bataillons du même nom ! Libérateur aussi, nous
l’espérons, pour vous, toutes celles et tous ceux, (un
peu plus nombreux à s’être maintenus que les premières
pourquoi ?) qui n’ont pas craint, dans ce monde de
dé-différenciateurs, selon la si profonde et prophétique
analyse de Georges Devereux[20], et rêvant de clones, de
prendre le risque, devenu presque incorrect avec l’inter
(ou pourquoi pas l’alter) disciplinarité, de l’altérité des savoirs et plus encore des
questions, voire des langages, sans s’effrayer du
destin de Babel, du destin ou plutôt du festin ? Babel
n’est-ce pas, la patrie des hommes humanisés ce
qui n’est pas (ce qui n’est plus ?) un pléonasme, c’est
à dire des humains, ayant aussi des patries, des
cultures, des sociétés des civilisations, ces médiations
en concert inachevable et peut-être menacé, de
l’universel concret ?
Questions toujours que tout cela, bien sûr , ne craignez
rien ; mais questions encore !
Les
sociétés de la mondialisation
entre retour de
sujets de l'histoire et
fourmilière libérale faisant
régresser l'humanité des
civilisations à l'espèce
?
C’est de là, du sein et du goût de cette
sociodiversité que notre appel, Les sociétés de la mondialisation,
prend son origine. Ce chœur des unités sociétales et
civilisationnelles, n’a rien à voir avec la maladie différentialiste qu’a diagnostiqué Emmanuel
Todd[21], et qui, venue d’Amérique, avait envahi le
discours des classes parlantes françaises lors de l’entrée en
mondialisation, en gros, en France après cette date si
incroyablement connotée à l’avance de 1984. Certes nous
n’oublions pas que cette diversité, est en partie
digérée, distribuée en des lois d’airain (mais
l’airain fond aussi si l’on s’en donne les moyens !)
entre centre et périphéries.
On n’échappera moins que jamais au questionnement de
cette forme de valorisation à partir d’un centre de
l’inégalité du monde
que formalisa Fernand Braudel. Certes est omniprésente
l’expérience si lourde de la structure totale d'une
mutation,(ce) processus global de transformation[22],
Mais cela n’épuise pas la sociodiversité humaine pertinente,
à l’instar de l’œuvre des sociétés
braudélienne elle - même où n’a jamais été tentée la
synthèse entre l’apport sur les grandes civilisations et celui sur l’histoire
générale du monde.
Qu’à son exemple notre propos ne s’effraie pas de
balancer sans jamais trancher entre l’un et le multiple,
pour nous orienter dans ce labyrinthe historique où nous
sommes. Comment, comme nous y invitera Guy Bois à la
première place qui lui revenait, pourrions nous
relativiser les contradictions motrices de la
mondialisation pensée comme une unité écrasante réduite
à la violente clarification de son épure ? Les libres
échanges contraints, l’obligation de s’ouvrir à ce qui
vous détruit, des exploitations d’échelle inédite, des
prédations terrifiantes d’une planète rare, des
injonctions centrales à des servitudes sournoises ou
sanglantes. Comment ne pas penser dans le même temps de
l’immédiate actualité les prodigieuses vagues de
développement de la Chine à l’Inde, les effervescences
de néo-tribus anti-destins collectifs festifs et
choisis, et ces serviteurs électroniques de la mise en
réseau sans qui ce colloque n’aurait pu exister. ?
Mais ce n’est pas de ce seul mouvement central ou des
mêmes flux diffus que s’originent les
mobilisations publiques ou privées, collectives ou
individuelles dont la mondialisation est la résultante
autant que la cause. L’on postule que c’est avec cette
sociodiversité que doit faire la
mondialisation[23].
Imaginaires comme le sont les mythes pour les
déconstructeurs de tout poil, irrationnelles pour
les tenants des faits sociaux réduits à l’état de choses
sociales à l’instar des marchandises, les
identifications collectives sur des mémoires réelles et
reconstruites à la fois et ceci sans garantie et sans
fin, les unités empaysées, dirais-je, sociétés
Etats lignages territoires, transmissions liant les
ressources avec l’émotion et le signe, sont tout autant
les clés historiques des mobilisations qui
affrontent les processus globaux et les politiques qui
les condensent, jusque dans des guerres toujours plus
rapprochées.
Guerres mondialistes[24] ?
Comment ne pas questionner comme telle leur effrayante
nouveauté ? Qui nous trouvera des mobilisations, des
résistances ou des abandons décidés, voire des ruées
modernisatrices et autres movidas très réactives, sans ce que dénient presque
toutes les sciences sociales, sans les émotions liées à
des sens sur le conservatoire toujours mouvant des
peuples ? Questions encore, en tout cas quelques unes de
nos questions, d’ici et maintenant.
N’ayons
pas peur !
(Jean-Paul II)
Nous n’aurons en tout cas pas peur des questions au plus
large y compris l’ultime : qu’est-il de l’humanisation
en crise - tant le disent parmi les plus profonds ! -
dans le monde qui va ? L’horizon d’une société-espèce
universalisée pourrait il augurer autre chose qu’un
destin de fourmilière ? Mais nous n’avons pas non plus
pensé qu’il y aurait des plus restreintes questions qui
soient pour cela des moindres. Notre espace-milieu,
le
programme en est assez éloquent, n’a ni haut
ni bas, (ces vilaines formules d’une
post-sociologie des classes déclinante ou réchauffée),
ni petits ni grands objets, ni autorités
centrales ni chercheurs marginaux. Il n’y a de
bornées que les réponses déjà données dans les
questions, une tentation certes très sociologique encore
et très économique aussi, arguant
d’épistémologies de la rupture d’avec le monde
commun. Nous ne sommes pas ici pour rompre, encore
moins pour
éduquer…cette autre maladie sénile des sciences sociales,
à très moyenne portée, pour contrôleurs sociaux
régionalisés.
Bref, nous n’aurons pas peur…sinon que ferions nous
ensemble ? pas peur des vastes questions transversales.
Mais sans jamais oublier que nous parlons tous et
chacun, modestement, de quelque part et, les uns pour
les autres. Toujours d’ailleurs.
N’est-ce pas un préalable absolu - l’ailleurs - pour qu’ait existé ici, pendant trois jours, au
moins, - le temps d’une passion -, un lieu commun qui ne
soit pas un lieu unique, pour que l’effort d’un
langage ordinaire[25] fasse reculer nos jargons,
nous permettant de nous entendre entre nous et d’être
entendus dans un monde commun ? pourquoi pas d’ailleurs,
dans un common sense[26] - phobie des idéologues
- qui ne refuse pas aux expériences humaines pratiques
ou réflexives, la dignité de savoirs échangeables ?
voire dans cette common decency, à valeur
anthropologique que Georges Orwell considérait comme la
revendication principale des peuples quand d’autres
prétendent à leur place et, voire contre eux, traiter
désormais en nouveaux oligarques, du bien et du mal, de
la négation des sexes, des âges, des filiations
même, de la vie et de la mort, de leurs territoire à
dépayser et de leur mise en réseau ... dans le champ ou plutôt le néant humain d’une post-humanité
réduite au marché mondial.
Aurions-nous une
conception passéiste du populaire
ou par trop enracinée dans le printemps 89 ? En tout cas
le lien central de la mondialisation et du devenir des
peuples, la question de la voix des peuples est
au centre de notre heuristique du moment actuel.
Peut-être ne le répéterez-vous pas !
De
l'aventure à distance
Ce colloque se présente comme la résultante indéductible
d’un appel indiscipliné aux travailleurs libres de
toutes les disciplines des sciences sociales,
civilisationnistes, linguistes, psychosociologues,
anthropologues, historiens venus trop rares hélas, et
beaucoup heureusement de géographes et même oserais -je
dire des sans étiquettes (en tout cas n’avons
nous pas su, et eux peut-être non pas pu,
s’étiqueter ... et sociologues enfin,
d’appellations contrôlées et non contrôlées. Tout
colloque certes est une aventure. Entreprise ne
serait pas mal non plus mais, (comme l’avait noté un,
devenu très lointain fondateur), elle peut requérir des
entrepris
vilain mot !). Aventure donc, au bord de la Fosse le mot
résonne et raisonne encore assez bien ; encore les
aventures colloquantes sont-elles en général pondérées
par un double volant de sécurité : la solidarité
d’un réseau ou sous - réseau disciplinaire déjà éprouvé
dans quelque expérience antérieure homologue, la
mobilisation d’un tissu d’universitaires et de
doctorants au sein d’institutions universitaires
globalement coopérantes ou, au pire, positivement
indifférentes. De tout cela nous n’avons eu, à l’instar
de ce bas clergé de 1789 qui finit par rejoindre le
tiers-état, que la portion congrue.
Ce qu’il est convenable de faire savoir ici c’est que
cette mobilisation et ce vivant tissus de jeunes gens,
de maîtres plus ou moins blanchis et d’une directrice
qu’on afficha ici sur les murs pour mauvaises lectures,
sont bien là, au centre de tout cela ; mais pour
le reste, tout se déroulera sans notables, si paradoxal
que cela puisse paraître à l’épicentre de ces sociétés
d’Ouest qui les engendre à profusion, hier et
aujourd’hui dans
l’aire et la nouvelle ère des re féodalisations,
(Legendre encore au risque de Guy Bois en passant par
André Siegfried[27]). Tout se passera sans filets, sans
réseaux, sans rets donc..., de ceux qui
emprisonnent l’oiseau.
Aventure encore faire ce genre de colloque dans ce
moment actuel
celui d’une guerre atroce et, (première dans l’histoire
contemporaine ?) sans un journalise libre. Moment de la
crise qui vient de s’ouvrir, le savez-vous, en octobre à
Londres[28], (où la City se souvient d’avoir été près de
ceux siècles centre d’économie monde), crise entre les
gentils altermondialistes et l’antimondialisme réel pour
le moins plus rugueux, le plus conséquent porté par des
soldats et des croyances et des formes de guerre
inintégrables dans un Disneyland médiatisé.
Oserons-nous, avons-nous les biscuits, (invention
nantaise au demeurant que ces deux fois cuits,
pour faire bonne mesure) pour le faire ? Oserons-nous
affronter tout cela, ce défi à la connaissance et à
l’action concernant désormais, quoique à jamais inégalement[29], la totalité des hommes d’une
planète, d’évidence sans précédent historique et sans
pôle antisystémique garde-fou de l’entropie de
l’unique ?
Penser la mondialisation des guerres mondiales ?
Faux paradoxe Vraie question ! Nous n’en parlerons
sans doute pas ou peu par modestie crainte ou
tremblement, mais l’historien, que je ne peux cesser
d’être sans cesser d’être, ne pouvait conclure sans
cette inconfortable évocation que ne résoudra d’évidence
pas l’invocation des pensées de camps-clés-en-main de la
simplification binaire : Laïcité Droit de l’homme
et Démocratie importée éclairant le monde
d’un côté, Islamisme radical ou tout autre construction qui
pense possible à l’instar des tomates hollandaises des
religions agissant sans sols, de l’autre ! De cela nous
forcément nous reparlerons cependant.
Deux vœux peut-être pour
résumer ce que nous avons voulu
faire, (mais c’est vous qui
ferez),
Ici donc, priorité d’abord donnée au
Monde réel qui va … sur les pensées
a priori élaborées,
socialisées contrôlées dans les réseaux de conquête des
places et pouvoirs disciplinaires. Priorité donnée au
monde qui va ou ne va pas, c’est selon ! Priorité aux
mondes petits et grand.:
Ici donc, plutôt que le thème devenu un peu litanie du
local
et du global, et d’abord, ne l’oublions pas
slogan d’une multinationale[30],
on suggère l’heuristique, plus proche d’une
anthropologie fondamentale du macrocosme et du
microcosme ,
pondérée par une monadologie ; l’inventaire des
composantes du tout est présent partout, mais pas sa structure[31]. Le colloque se clora, non sans
quelque clin d’œil, sur notre -
so small world - la sociologie d’avant le lieu commun ou
peut-être en un autre sens des lieux communs –
mondialisés ?- de la sociologie !
Deuxième vœu, la revendication quasi militante -
pourquoi pas ?- (au sein de sciences sociales tentées
par le sociologisme abstrait), l’obsession, d’historien
d’ethnographe, de géographe, de la prise en compte des
singularités, des Unités concrètes, (ce qui ne veut pas
dire seulement les petites, le Monde en est une), des
totalités vivantes de tout ce qui est supposé ne pas
survivre à une mondialisation pensée comme déréliction
comme individuation absolue.
N’y aurait il de science
que du général, qu’il
faudrait encore plus se méfier, non de la science, mais
de ceux qui l’invoquent tant pour conjurer le réel. On
se plait à reprendre à Guy Bois, la thèse de la
singularité radicale de la mondialisation[32] qui se
noue, il y a trente ans, mais elle n’est, comme le
reste, acceptable que réfutable ; si d’autres
recherchent, presque avec émotions, leurs première
mondialisation[33], de gauche si possible,
comme d’autres leurs premiers sous-vêtements
Petit-bateau, ils ont bien le droit de le dire aussi et
je mérite un gage pour sembler me moquer d’eux qui
furent invités à l’instar du monde entier.
Mais quitte à réintroduire avec notre inassouvissable
faim d’histoire, la singularité irréductible d’un moment actuel
contre l’aplatissement anachronique ou anhistorique
voire le délire millénariste d’une fin de l’histoire,
pourquoi ne pas pousser plus loin le rééquilibrage des
sciences sociales, en quête d’un nouveau lieu (qui
soit) commun aux spécialisations disciplinaires
et réintroduisant le singulier des transmissions donc
des signifiances donc des mobilisations, donc des unités
de permanence et de liaison humanisante entre des
territoires valorisables des hommes, des symboles et des
affects, dans une inachevable et précaire
universalisation.
Jacky REAULT
LESTAMP - Université de Nantes
Droits de reproduction et de diffusion réservés ©
LESTAMP - 2005 Dépôt Légal Bibliothèque Nationale de France
N°20050127-4889
_______________________________________________
Pierre Legendre. L’inestimable objet de la
transmission Etude sur le principe généalogique en
occident. Fayard 1985
Ibn Khaldoum (1332-1406), Le
livre des exemples.
Muquaddima.
In Edition Gallimard 2002.
Moins solubles nous semble t il qu’on ne le dit, dans
l’urbanisation et la mondialisation
On s’est plu à terminer ce colloque sur l’indispensable
critique de la sociologie réellement existante ou deux
moins sur ceux qui prétendent la dominer ; avec
J. Deniot, A so small world, inter - dit sociologique
et mutation mondialiste.
Générique transversal de toute une série de livres de
Cornelius Castoriadis.
Fernand Braudel Civilisation matérielle, économie et
capitalisme, XV°-XVIII° siècle T. III. A Colin. Des
économies-mondes à la mondialisation, la
filiation est sans discontinuité dans la conception
d’une histoire sociale comme histoire générale du
monde, à l’inverse de l’histoire sociologiste des
thémes partiels et relativistes comme de l’interdit de
penser les totalités.
Bien fou pour l’humanité non pour qui tente d’éprouver
l’heuristique de cette proposition.
Jean-Claude Michéa, le ré inventeur de l’anthropologie
d’Orwell et de sa common decency est de ceux qui
identifient clairement dans tous les totalitarismes qui
se succèdent, y compris le « libéral », le fantasme
meurtrier (quand il n’est pas porté, ajouterions nous,
par le noyau civilisationnel d’une religion bien
enracinée en sociétés réelles) de « l’homme
nouveau ). Impasse Adam Smith, Climats, Castelneau
Le lez 2002. D-R Dufour (infra) reprend et
développe le même thème.
P-A Taguieff, Résister au bougisme. 2 Mars Mille
et une nuits 2001
le couple délirant crise-réforme, à peu près
totalement détaché de ses signifiants et propositions
originaux, en vient à hystériser (ou symboliser la
dipolarisation folle) les champs de représentation et
les théories sociales, face à une classe intellectuelle
quasi amorphe, qui semble acheter ses concepts dans des
grandes surfaces discount quand elle ne fouille pas les
poubelles des grands prêtres de l'économisme et du
scientisme. Djallal Heuzé,
La crise et la réforme:
normes et dérives d'une hystérie normative.
Résumé de communication.
C’est postérieurement à notre propre réflexion sur
dépaysements et dépaysation que nous avons aussi
trouvé ce terme chez Dany-Robert Dufour après son
passage à Nantes, l’Art de réduire les têtes. Sur la
nouvelle servitude de l’homme libéré à l’ère du
capitalisme total. Denoël 2003. Nous nous référons
ici aussi à l’analyse de la crise de la
subjectivation.
Philippe Forget, Gilles Polycarpe. Le réseau et
l’infini Essai d’anthropologie philosophique et
stratégique. Economica 1997
Bruno Lefebvre, La transformation des
cultures techniques. L’Harmattan 1998.
Pierre Cam Le marché des services et
l’externalisation problématique du travail. Communication au colloque.
Fayard 2002.
Pierre Cam o. c.
Formule condensant des inventions et travaux de long
cours de Joëlle Deniot ; cf. par exemple L’intime
dans la voix. Ethnologie française. 2002-3.
Gilles. Xxx, Virginie Péan, Monique Giannesini, Robert
To.
Jia Zhang Ke. 1997
Notamment dans les Essais d’ethnopsychiatrie
générale. 1970 Gallimard, où l’invité de Fernand
Braudel et de Roger Bastide, l’ethnologue par excellence
des acculturations, livre pour la première fois en
français son anthropologie complémentariste d’où
s’inspire directement l’idée et la forme de ce
colloque.
Le destin des immigrés. Seuil 1994.
Guy Bois, Une nouvelle servitude ; Essai sur la
mondialisation. François Xavier de Guibert. 2003.
Nous nous en sommes expliqués in Jacky Réault, Entre
antimondialistes et altermondialistes, la question d’une
servitude. A propos du livre de Guy Bois...
In Papinot Guichard.
De
Bretagne et d’ailleurs
Université de Brest, Mélanges offerts à A Guillou.
2004
Guy Bois, o. c .
Comment nier sur ce point l’interférence, même si nous
ne sous en sommes aperçus que tardivement, de la
réflexion faite au sein du lestamp sur le commun
avec les analyses de Michel Maffesoli, notamment dans La connaissance ordinaire Précis de sociologie
compréhensive Librairie des Méridiens 1985
Vocabulaire,
(dit,) européen dieu merci il est heureusement
inter national et inter linguistique ) des
philosophies et ses adeptes l’appellent dictionnaire
des intraduisibles. Barbara Cassin (Dir.)
Seuil.)
Tableau politique de la France de l'Ouest sous
la III° République Paris 1913. réed. A Colin, avec
PFNSP 1964.
Sur le 3° forum altermondialiste lire en décryptant
l’occidentalisme deuxième gauche de l’auteur, Les gauchistes d’Allah, de Claude Askolovitch,
Nouvel Observateur du 20. 10.04.
Le thème est, nous semble t il, d’abord léninien mais
nous l’espérons non léniniste ; nous le développons ici
comme postulat anthropologique de sociodiversité y
compris des résistances, explicité dans notre éloge de
Babel, dépassant le moment historique de l’impérialisme
sinon de la mondialisation.
ABB.
Selon la distinction faite à propos de la vaine
opposition singularité/Universalité, par G Devereux dans
Ethnopsychanalyse complémentariste. Flammarion.
Nous avons également invité, sous réserve qu’il nous ait
reçu, Laurent Carroué dont la substantielle Géographie de la mondialisation A Colin 2002
est entrée dans notre viatique vers ce colloque, lui qui
s’inscrit pourtant dans la thèse d’une mondialisation
progressive s’originant dès le 15° siècle des grandes
découvertes. Il reconnaît cependant dans l’actuel moment
une « rupture historique » Rupture certes mais
débat encore ! Yves Lacoste dont deux numéros d’Hérodote
ont spécialement traité de la mondialisation nous a
aimablement adressé ses encouragement, comme l’a fait
aussi le spécialiste du monde russe, (orient de cette
Eurasie que pense E Todd), Jacques Sapir, indispensable
critique de l’économisme régnant.
Susan Berger qu’édite, (ce que l’observateur du solstice
d’hiver de 1995 en France ne trouve pas inattendu), la
collection dirigée par l’ex. Fondation Saint-Simon
________________________________________________
 |
(Réédition)
Jacky REAULT
Entre l'altermondialisme
et l'anti-mondialisme,
la question d'une
servitude
A propos du livre de
Guy BOIS
Une nouvelle servitude,
essai sur la
mondialisation
Paru In Y. Guichard, C. Papinot
(ed.).
De Bretagne et d’ailleurs,
Mélanges en hommage à Anne
Guillou . Université
de
Bretagne occidentale Brest. Mai
2004 |
A Anne Guillou ce texte de
liberté en hommage au vent nouveau et bienvenu
qu’elle apporta dans notre groupe d’abord si
masculin si métropolitain et peut-être
légèrement en manque d’incertitude.
Entre l'altermondialisme et l'anti-mondialisme,
la question d'une servitude
(écrit en 2003 publié en juin 2004)
A propos du livre de
Guy Bois
Une nouvelle servitude, essai sur la
mondialisation.
Ce dernier si bel ou si cruel été, c’est selon,
a rassemblé sous le regard ravi voire inducteur
des média centraux
de vastes concentrations de la classe
parlante,
des nébuleuses post-militantes et des familles
de classes moyennes urbaines en vacances, toutes
en quête de mythologies perdues après vingt ans
de consensus euro-libéral fécond en
déréliction. Après quelques guerres impériales
aussi, et de plus en plus rapprochées ! On y a
rejoué la grande fête du Larzac qui avait été
elle même déjà un grand jeu de la post-soixante-huitarderie
encore
présentable quoique déjà nostalgique, mais cette
fois-ci sous la bannière édulcorée, un peu
confuse, mais pas antipathique d’une re-nommée
alter-mondialisation. L’anti
ferait il trop vulgaire ? On y fut semble t il,
très enclin à l’attaque verbale de ce machin
ambivalent qu’est le plus (relativement) démocratique
des appareils centraux, l’OMC.
On fut moins prolixe sur la résistance concrète
à la proche menace d’une désindustrialisation de
la France ou pour ceux qui croient qu’elle
existe, de l’Europe. On pense d’abord,
après l’abandon de Péchiney, à la mise à l’encan
déjà programmée du groupe Alstom sous le
chantage du credit crunching
des banques, des désirs du marché et surtout des injonctions aussi
opaques qu’idéologiques des gardiens européens
de la concurrence. Alstom ce n’est jamais
qu’une vilaine multinationale à base
(provisoirement) française,
premier exporteurs français d’équipements
industriels, fabriquant de navires, de TGV, de
tramways et d’autres babioles si secondaires au
maintien d’une maîtrise démocratique sur
l’emploi et le développement.
Alstom ce sont, vus d’ici, les Chantiers de
l’Atlantique, un établissement-monde auteur des
plus beaux paquebots jamais construits à
l’exception du Titanic. C’est la forme d’une
ville Saint-Nazaire. C’est une modalité ultime
vivante et non survivante ni souffrante et
misérable de classe ouvrière historiquement
définie. Tout se
passe dans un pays et sur un continent si
vieux !
Ne se sont ils pas voués eux-mêmes, il y a dix
ans
aux charmes déflationnistes d’une monnaie unique et
forte, verrou d’économies
stationnaires dans des sociétés rentières,
assistées, dépressives,
mais tellement « libérales » ?
ll nous a semblé bienvenu, avec, on l’imagine,
quelque grain de sel, de rendre compte d’un
dense petit livre aux tranchants nets d’une épée
sans morfil, Une nouvelle servitude, essai sur la mondialisation. Il arrive juste
à point pour honorer une universitaire française
qui n’hésita pas à affronter l’inconfort des
périphéries internes et externes de
l’économie-monde des années 70 - 80.
Anne Guillou, l’africaine puis la bretonne,
devint notre collègue nantaise du temps du
LERSCO
de Michel Verret. Elle inaugura un enseignement
de sociologie du développement qui dure encore
malgré les menaces qui pesèrent et pèsent
peut-être encore sur lui et sur beaucoup
d’autres à l’orée de l’année 2003-2004 sur fond
de standardisation nivelante des formations
intellectuelles dans l’Europe telle qu’elle se
fait ou se défait si on se réfère à ce que les
héritiers de l’internationalisme universitaire
en ont rêvé.
Transitions du 14° et du 21 siècle : d’une
crise systémique à l’autre
Une nouvelle servitude,
le titre de Guy Bois n’y va pas par quatre
chemins. La mondialisation concerne bien
les structures intimes des sociétés, des peuples
et de la vie des hommes vivants et non quelque
instance économique ou quelque utopie de l’humanité
arrivée à sa propre fin. Essai sur la
mondialisation se glisse, presque modeste,
derrière cette proclamation en forme de thèse
étayée par la défense et illustration du seul
vocable adapté au concept que construit l’auteur
en savant et en politique : mondialisation, donc
anti-mondialisation et plutôt qu’alter-mondialisation.
Ce n’est pourtant pas un pamphlet militant
mais l’œuvre mûrie d’un
universitaire résistant
choisissant de s’adresser à tous dans une
langue simple. Auteur de La mutation de l'An
mil
et de La grande dépression médiévale. XIV° et
XV° siècles, le précédent d'une crise systémique,
Guy Bois est, avec Immanuel Wallerstein, un des
derniers grands historiens d'éminence mondiale
qui se rattachent à la fois à l'héritage
scientifique de l'Ecole des Annales de Fernand
Braudel
et à ce qui reste vivant d’une critique du monde
inspirée de Marx. S’il entend y construire une
intelligibilité de la forme inédite de la crise
désormais inséparable du monde, des différentes
sociétés et du capitalisme, il n’hésite pas à
concentrer au passage son propos sur deux
phénomènes de statut sociétal plus restreint
mais révélateur des métamorphoses de la société
française. Le premier est cette mobilisation qui
avait signifié la modalité la plus originale du
retour d’une résistance intellectuelle après le
sursaut national et social de décembre 1995, la
Fondation du 2 Mars ex- Marc Bloch, dont
il avait été co-fondateur. Le second étant à la
fois la campagne présidentielles française et
l’étonnante socio-tragicomédie qui la couronna à
la suite du vote ( et de l’abstention) populaire
du 21 avril 2002.
Dans ces deux expériences sans
débouchés clairs ni critiques véritablement
aboutis
a régné, pour Guy Bois, la même incapacité à
prendre en compte suffisamment l’état actuel de
ce que Braudel désignait avec élégance comme le
temps du monde. Ce temps concret actuel
combine trois temporalités dans la crise des
sociétés qui les entremêlent, chacune dans son
prisme singulier. Pour Guy Bois ils sont les
rythmes des trois processus qui résument la
mondialisation, processus économique,
processus stratégique, processus politique.
Sans ces trois fils d’Ariane du temps de ce
monde d’incertitude et de complexité, il est
vain de prétendre à l’intelligibilité des
mouvements internes et du maintien d’une liberté
externe de ces sociétés, asservies certes, mais
inégalement et sans fatalité, aux différentes
modalités de mise en réseau, technique,
financière sociale, que ces trois temps-procès
conjuguent aux dépens de ces sociétés mêmes.
- Le temps des pulsations cycliques
du développement - prédation capitaliste et
peut-être désormais (après l’éclatement de la
bulle boursière de mars 2000), celui du blocage
de la croissance mondiale des économies
financiarisées, temps du processus économique
- Les temps, de la nouvelle
domination en réseau d’un monde hiérarchisé par
les appareils centraux temps du processus
stratégique pour G Bois ; nous ajouterions
qu’il est degré d’intégration de ce qui reste
l’autonomie relative des crises multiformes du
rapport du des différentes sociétés, centrales
ou périphériques au capitalisme et au Centre.
- Le temps politique qui se présente
à la fois comme processus et, ajouterions nous,
comme pratique donc comme champ ouvert à des
mobilisations indéductibles d’une histoire
inachevable. Ce temps d’abord central et
impérial (américain) s’entrecroise au temps stratégique du monde en réseau (plus ou
moins) soumis aux appareils centraux ou
régionaux (FMI, OCDE, Commission européenne plus
que l’OMC et l’ONU) qui le relaient. Il est
scandé en ondes de plus en plus serrées par des
guerres d’ingérence
et, partout par les limitations ou
disqualifications de la souveraineté des peuples
et de l’indépendance corollaire des nations dans
une histoire qui semblerait, comme au bon temps
du matérialisme historique devenu prophétique,
n’avoir qu’une seul sens, encore plus tyrannique
et aproblématique que le précédent. Pour Guy
Bois, l’achoppement quasi universel des
personnels et des institutions politiques, qui
apparaissent toujours plus réduites aux comédies
de l’impuissance phraseuse, s’ancre dans leur
aveuglement et leur pusillanimité à l’égard de
cette détermination globale autant que dans leur
asservissement à la chanson politique préférée
du mondialisme de la résignation : la
fin fatale et conjuguée des nations souveraines
maîtresses de leur destin, la fin des
solidarités de classe au sein des nations et
entre nations.
C’est une affaire de connaissance et pas
seulement de processus ou de volonté ; d’où la
centralité qu’il donne dans l’analyse à la
crise de la production des connaissances et au
recul scientifique des sciences sociales, comme
de l’économie fondamentale. Il trouve dans la
situation actuelle une homologie avec la
régression intellectuelle abordée dans La
Grande dépression à propos de la crise du
XIVéme siècle. Sa critique lie la
question du savoir à celle de la démocratie.
Elle s’y applique dans toutes les instances de
pouvoir, (appareils politiciens, appareils
d’Etat, appareils médiatiques, réseaux
clientélistes universitaires verrouillant sur
des pensées closes les commissions de
spécialistes). Partout des oligarchies
professionnelles groupées en cliques faussement
concurrentes (et dont le credo est ce thème si
bienvenu avec la naïveté de ses partisans, du
primat des minorités sur les majorités),
s’adjugent un pouvoir aussi partiel et borné que
consensuel, unique, séparé à la fois des
multitudes populaires et des profondeurs des
réalités sociales, repoussant les contradictions
dans le pathologique individuel ou sociétal.
Ainsi s’approfondit toujours plus, pour les
maîtres du monde eux-mêmes, l’occultation des
mouvements propres du capitalisme. La non
conscience croissante comme nouveau sens de
l’histoire ? Un des constats les plus paradoxaux
auxquels s’attèle ce livre souligne que les
économies (les structures économiques réelles),
objet omniprésent de la scène médiatique dans
l’évidence et la transparence d’un discours
quasi unique, sont largement inconnues dans
l’opacité de leurs mouvements profonds et
d’abord ceux que seul l’historien
peut repérer, celui des temps longs des
modes de production. De nouveau Braudel
et Marx !
Mondialisation : Un processus global de
transformation des sociétés
L’essai de Guy Bois est inséparablement
politique et historique, double indexation
requise pour penser la spécificité de la crise
sans se résigner à sa fatalité. Pour lui,
la mondialisation ne se réduit pas à un avatar
des planétarisations relatives antérieures du
capitalisme et notamment pas à celle qui se bute
sur l’année 1914.
Elle doit être appréhendée comme un phénomène
radicalement inédit donc singulier. Sur ce
point, d’évidence réactif à l’égard d’une
certaine historiographie qu’il critique, la
position de Guy Bois nous semblerait à la fois
nécessaire et peut-être trop entière s’il
s’agissait d’en tirer argument pour clore tout
comparatisme historique. Ce comparatisme, c’est
dans le champ des crises systémiques
antérieures, où il excelle, par toute son oeuvre
scientifique propre, qu’il le réintroduit.
Penser la mondialisation ainsi affirmée, c’est
questionner l’intégralité de la vie sociale,
économique, politique, intellectuelle,
culturelle… du point de vue de cette
détermination générale et transversale, le fait
historique singulier actuel de la mondialisation :
transformation globale,
cohérente et accélérée du monde contemporain,
engagée depuis le début des années 1980,
comme réponse à la crise inaugurée en 1973-74. Elle est la
structure totale d'une mutation, un
processus global de transformation des sociétés
mais, ajouterions nous, ce processus
n’inclut-il pas dans sa résultante, la variation
qu’il n’est pas seul à déterminer, de la
résistance ou de la soumission des sociétés
(notre deuxième temporalité). Cette question
reste pour nous problématique. Elle a toujours
représenté l’angle mort des théories de
l’histoire et notamment du matérialisme
historique. L’effectivité ou l’absence de
résistances, celles des personnes comme celles
des classes et des nations, ne saurait se
déduire des seuls processus ni de la conscience
claire des contradictions.
Isolément, les constats qu’il avance
ont souvent été faits, (à l’exception très
notable de l’insistance sur la régression
intellectuelle), c’est la présentation
systématique de leur organicité et leur
imputation, comme autant d’effets et de
symptômes, à une dynamique globale qui
constitue l’originalité : partout, quoique
inégalement (comme sont inégales les résistances
et les mémoires,
la révolution technologique est supposée
donner la voie unique interdisant toute vision
plurielle d’avenir des sociétés. La démocratie
invoquée comme un fétiche
universalisable par la force est désubstantialisée, réduite à la phrase de
droits de l’homme, relookés en
droits humains de l’individu marchand,
hédoniste, sans appartenance. Les acquis
civilisationnels inversés idéellement dans le libéral libertarisme, ce nihilisme de notre
temps, sont la cible du bougisme
répétitif et niais des modernisateurs de
tous bords. Des systèmes de retraites à la
précarisation des établissements productifs, des
emplois, des savoirs transmis mais aussi des
Etats et des cultures, sont invoqués les mêmes
discours disqualifiant deux siècles de
mobilisations pour des garanties nationales de
la promotion collective, de l’accès universel au
savoir et à la culture, du progrès social.
Partout ce dernier est présenté par les
petits-maîtres des pouvoirs devenus croupions de
la politique et des media financiarisés, relais
bornés et mimétiques des processus et échos des
maîtres centraux, comme archaïsme.
Partout est activement organisée l’ablation des
mémoires, l’aversion des héritages culturels
dans la montée de l’insignifiance
(C. Castoriadis).
Si l’exposé décrit la structure et
la crise de la totalité des espaces-temps du
capital, ce n’est pas pour enfermer le propos
dans l'abstraction économiste. Il s’agirait
aussi de saisir la singularité complexe des
différentes sociétés reliées contradictoirement
au processus global pour que l'action politique
redevienne aussi l’analyse concrète d’une
situation concrète, ici et maintenant, même si,
dans ce livre c’est essentiellement l’exemple
français, et comme centre impérial, les
Etats-Unis qui fournissent l’essentiel des faits
invoqués. Il reste donc après sa lecture, de
multiples places pour poursuivre la nécessaire
analyse de la réactivité des sociétés et des
Etats, pour autant qu’elles trouvent en elles
mêmes les forces pour résister, ou qu’elles les
trouvent au sein de solidarités sur les
fondamentaux des modalités de l’humanisation que
condensent les grandes civilisations, cet objet
braudélien fondamental que Guy Bois n’évoque pas
dans ce livre, alors que l’on ne peut, nous
semble-t-il, esquiver la question de leur
inégale capacité de résistance au processus
mondial actuel.
Là, déjà exprimé de façon feutrée, git sans
doute encore notre principal désaccord avec Guy
Bois, ou en tout cas notre interrogation : ce
que nous dit la dualité braudélienne toujours
réaffirmée entre le capitalisme et les volants
de stabilité civilisationnels et sociétaux
toujours singuliers, voire singularisés, voire
quasi-personnes, - sujets de l’histoire,
redisons nous depuis 2010 à l’Eté du Lestamp,
dont les ressources mobilisatrices de temps long
(ainsi La rébellion française de Jean
Nicolas), représentent une négentropie
historique incertaine mais ouverte, tant qu’on
restera dans l’histoire humaine. (jr 2011)
Une
dépression de longue durée sans précédent dans
l’histoire du capitalisme
La mondialisation ne se réduit d’évidence pour
lui pas à l'économie, mais elle se présente
cependant d’abord comme moment actuel du
capitalisme, donc du rapport différencié du
capitalisme historique,
aux sociétés. Les économistes se sont jusque là
rassurés en affirmant qu’ils étaient
cycliques, impliquant l’éternel retour de la
croissance; mais jusqu’à quand, rétorque
l’historien qui connaît d’autres blocages
délétères à la fin de l’Empire romain et au XIVème
siècle. Est-on dans l’un de ces moments et
quelle serait l’alternative si la bulle de la
mondialisation éclatait, si le capitalisme
mondialisé s’avérait incapable, à force de
prédation de ses garde-fous systémiques
habituels, (Etats, sociétés normatives, classes
organisées), de maîtriser ses tendances auto
destructrices ? La financiarisation de
l’activité économique mise en réseaux
transnationaux dans l’immédiateté déraisonnée du
temps réel des communications,
l’asservissement induit des producteurs et des
territoires, la déflation rampante, la
dépression où elle entraîne les économies, les
salariats et les dé-salarisés etc... sont
analysés comme faits historiques, donc à la fois
nécessaires et non inéluctables dans leur
devenir ouvert à la politique ; pourtant la
conjonction durable de ces processus rend la
crise latente toujours plus difficile à
maîtriser. La mondialisation touchée au cœur
non par le 11 septembre, mais par l'affaire
Enron, - grotesque effondrement du modèle
économique de l'Etat américain : la matérialité
de l'énergie gérable dans le seul court terme
boursier la fétichisant comme un vulgaire
« service » immatériel-, se présente déjà
économiquement comme une spirale d'échec qui
ouvre en ce moment la perspective possible de
cette crise inédite : L’économie
internationale est au bord d’une dépression de
longue durée sans précédent dans l’histoire du
capitalisme,
La Mondialisation-Empire ou la marche à la
guerre ?
L'Empire central qui fait corps avec la
mondialisation, c’est explicitement pour Guy
Bois, la domination des Etats Unis, au cœur du
processus stratégique de mise en réseau
asservi de monde sous les appareils centraux
comme du processus politique : un pouvoir
tendanciellement unipolaire qui cumule tous les
moyens d'un Etat voyou (E Todd), faux
monnayeur, chantre et diffuseur de la
mercantilisation générale de la vie, briseur de
droit, quasi monopoliste de la communication-monde... Par ce canal, la
mondialisation s'approfondit dans tous les
interstices des pratiques humaines,
dans l'intimité interpersonnelle comme elle le
fait par les structures financières et
politiques centrales à l'échelle géopolitique
des continents. La mondialisation, de ce point
de vue, Etats-unienne, continue d’écarter
toujours plus les périphéries et le centre, par
la dette, par la violence interdisant la
protection d’un marché intérieur condition
nécessaire à tout décollage, par l’organicité
induite du sous-développement périphérique
découlant du développement central (Y Lacoste).
A ceci près cependant que l’économie centrale
est désormais sur une pente de décroissance
relative, et ceci malgré la multiplicité de ses
ponctions impériales sur le reste du monde, par
la planche à billets du dollar, par la
captation des cerveaux, par la vulgaire loi
impérialiste du plus fort que manifeste l’usage
récent de la guerre sur les sites pétroliers
puis sur tout le territoire irakien. Signe
patent de la nouvelle singularité de la crise en
cours, Guy Bois croise ici les analyses d’Immanuel
Wallerstein réactualisées avec brio par Emmanuel
Todd.
Là s’inscrit le plus extrême et le plus
redoutable des manifestations de la
mondialisation américaine, qui est devenue
expérience universelle sans illusion possible
par la leçon de chose introduite par la première
Guerre du Golfe et par les suivantes effectives
et à venir. Elle se présente comme guerre, dans
des rythmes toujours plus rapprochés et avec une
intensité toujours plus brutale entre 1991 et
2003. Elle est désormais, écrit Guy Bois, une marche à la guerre. Cette guerre
reste toujours l’affaire d’un Etat, l’Etat
central d’un monde qui se résignerait à l’unipolarité.
L’empire, c’est la guerre, c’est à dire
l’inverse réel et toujours plus réalisé de
l’utopie libérale de la paix par le libre
échange. Cette si vieillotte référence est
dérisoirement toujours invoquée pourtant
(notamment pour construire l’Europe des
marchands) pour saisir la nouveauté radicale
du moment, la destruction imposée de toutes les
barrières protectrices de la reproduction
nécessaire des sociétés... sauf de la société
centrale, croit-elle.
Peuples et oligarchies : Un nouvel
asservissement ?
Ni la mondialisation comme
processus, ni la domination américaine, (deux
termes dont il faudrait peut-être plus
explicitement approfondir les rapports non
exempts de contradictions), ne sont pensables
sans des relais dans les sociétés et dans ce qui
perdure d’Etats. Ces relais se présentent
désormais généralement comme les élites, telles qu’elles s’auto-proclament pour justifier
solidairement, - quelle que soit la couleur de
leurs maillots d’animateurs
politiques -, leur légitimité de simples
fondés de pouvoir du centre. On préfère
dire les oligarchies désolidarisées de leurs
peuples. Là se place un des thèmes qu’a
notamment contribué à élaborer le travail
critique de la fin des années 90, et pas
seulement au sein de la Fondation du 2 Mars ou
la plume d’Emmanuel Todd, celui de la
généralisation de pouvoirs intermédiaires
oligarchiques, oligarchies d’experts,
oligarchies des rédactions médiatiques,
oligarchies évidemment des hyperbourgeoisies,
entourant par des modes de vie visibilisés et
mis en spectacle, les fonctions et les personnes
des maîtres financiers. La mondialisation est
toujours relayée, redoublée, infléchie ou
freinée par des forces sociales et des appareils
politiques, elle est donc bien toujours
politique, à condition d’inclure dans ce
politique aussi les résistances qu’elle
rencontre que les serviteurs préposés à la
soumission des rétifs. Très précisément, c’est,
avec l’indexation de la mondialisation à la
guerre le mot le plus fort et le plus
irrécupérable du livre ; elle se présente, pour
Guy Bois, comme un nouvel asservissement
des Etats comme des personnes, dans tous les
domaines de la mise en réseaux, des productions
industrielles agricoles etc., mais aussi des activités intellectuelles,
culturelles,
artistiques, pour autant que leur
mercantilisation et leur séparation oligarchique
achevées à l’égard des cultures et des peuples
réels permettent encore de leur attribuer encore
ces noms empruntés au cours antérieur des
civilisations.
Pour la France, depuis le moment charnière de
1984, cette conjoncture s’est traduite
principalement dans la fuite en avant
européiste, au sein d’un appareil trans-Etats
briseur d’Etat, d’agricultures, d’économies
différenciées, d’autonomies populaires empaysées,
machine à disloquer, déréguler, privatiser,
régionaliser, communautariser et surtout à
brider la croissance asservie à un monétarisme
borné : le mark, le franc puis l’euro, forts.
La conjuration des media centraux écrits et
audio-visuels pour interdire toute ouverture
historique qui ne soit un destin de fusion dans
un grand tout opaque et sans volonté propre,
horizon de la pensée unique fonctionne
comme pouvoir spécifique qu’on ne peut affronter
qu’au risque de sa survie sociale.
On est loin dans ce livre de
mièvreries consensuelles sur les travers,
amendables par des régulations, d’une
évolution économique qui serait de toute
façon inéluctable, ou finalement bienfaisante.
On ne risque pas, à le suivre, de prendre au
sérieux cette récupération acceptable du
processus qui tente tant l’écologisme, dans une
supposée, et supposée vertueuse, complémentarité
du global et du local qui n’est jamais
que la maxime des grandes multinationales. Guy
Bois est historien, non dans la régression de
l'atomisation pointilliste d'une discipline
historique qui s’est, selon lui, très
majoritairement auto-dissoute dans le
sociologisme et le subjectivisme, mais dans la
définition braudélienne d'une science historique
comme histoire sociale, au sens
par trop enterré d’histoire générale du monde,
de ses Economies certes mais aussi, préciserions
nous, inséparablement de ses Sociétés et de ses
Civilisations : ESC, c'était le sigle et
la devise des Annales avant leur affadissement
dans l’agrégat actuel des sciences sociales.
C’est peut-être sur la prise en compte des
civilisations dans l’analyse que nous restons,
nous l’avons déjà dit, un peu, dans ce livre,
sur notre faim. Les modalités de résistance à la
mondialisation, leur intensité, leur
négociabilité ne passent-elles pas aussi par des
fondamentaux civilisationnels inscrits aussi
dans l’espace et qui ne se résolvent pas dans
la seule mondialisation du capital ou dans les
résistances s’exprimant en clairs intérêts de
classe ?
Entre novlangueet débandade de la raison ?
Le titre disait assez qu'il ne s'agissait pas
seulement de penser pour penser la mutation
inédite que subissent les sociétés, il ne
s'agit pas non plus de laisser croire qu'on
puisse l'infléchir en suivant ceux qui feignent
de la combattre dans la soumission commune à
l'essentiel de la domination mondiale. Dans le
champ politique comme dans celui de la culture
et du savoir, les compères de la pensée
unique mondialiste s’enveloppent toujours
plus de mots morts qui ne désignent plus rien
d'opérant sur le réel et contribuent à
l'inverser et l'occulter pour se servir des
pensées comme d’un moyen de domination et de
verrouillage de toute alternative. C'est
d’ailleurs la définition même, en tout cas
althussérienne, de l'idéologie et c’est une
question plus vitale que jamais quand elle est
mondialisée. Rien de plus fallacieux que l’idée
d’une fin des idéologies, qui nous ferait
revenir dans un quelconque ordre naturel
de la main invisible du marché ou de
l’organicité d’une humanité réduite à l’espèce
dans une mondialisation achevable. La
mondialisation à son (ses?) idéologie(s) ;
elles prospèrent sur la crise des institutions
spécialisées dans la transmission et la
production du savoir. C’est pour Guy Bois
l’enjeu actuel le plus important, car c’est dans
les mondes intellectuels et d’abord celui des
sciences sociales, que la régression est la plus
forte. Comme au 14° siècle la débandade de la
raison
–– il emprunte cette
expression à un autre historien, Jean Delumeau
-, accompagne et renforce la crise.
En tout cas Guy Bois ne recule pas
devant l’explicitation politique de sa critique
du politique ici et maintenant. Une postface
consacrée à la dérisoire affaire médiatique des
Nouveaux réactionnaires,
redouble encore le propos comme s’il craignait
d’être resté insuffisant. Tout le chapitre II
pourtant (La mondialisation et le rapport
Gauche/Droite), se donne pour tâche de décoder
et déblayer les verbalisations politiciennes qui
obscurcissent les enjeux essentiels. L’historien
qu’est Guy Bois excelle dans la démonstration du
dévoiement le plus significatif de ces discours,
l’anachronisme. Les notions et les
slogans qui prétendent se présenter comme
critiques radicales, alors qu’elles ne sont
souvent qu’hystérisées, en se coulant dans une
tradition fossilisée de la gauche d’avant
1984, plaquent des contenus confus
spectaculaires mais toujours empruntés à des
situations historiques antérieures
instrumentalisables par leur charge affective,
pour masquer l’obsolescence de la polarisation
droite/gauche devenue insignifiante face à la
mondialisation - Mots de vitupération
proclamatoire contre un trop vague libéralisme, faux adversaire principal,
entité molle autant qu’abstraite même regonflé
par un ultra - Mots moralisateurs et
terroristes de la bien-pensance du haut des
classes d’experts ou de médiateurs mondialisés
disqualifiant tout ce qui est populaire comme
indigne. Penser, c'est ré-interroger sous le
prisme de la mondialisation le lexique
entier d'une militance politicienne close dans
l’autoréférence et le contrôle social mutuel,
l’autre forme complémentaire de l'Empire du
bien se drapant dans de grands mots
neutralisés : Anti-fascisme de parade,
Anti-racisme d'exclusion,
Militantisme d’accusation,
Devoir de mémoire de la réécriture d'une
histoire nationale totalement négative, mythe
inversé et tueur de temps
des démystificateurs patentés. L’essentiel est
toujours de cibler un faux adversaire, et faire
d’une pierre deux coup si cet adversaire c’est
soi-même que l’on invalide comme résistant
possible. Ne s’agit-il pas toujours d’abolir le
peuple, dans sa trilogie concrète, le peuple
souverain, les classes populaires, les classes
travailleuses, confiné s’il résiste, entre le mythe (éradiqué par les modernisateurs) et
la déshumanité, qualité spécifique de
toutes ses expressions propres vues du haut des
oligarchies mondialisées. Ainsi a semblé se
réaliser surtout en France entre 1984 et 1995,
cet idéal rêvé des candidats oligarques de
l’Après Révolution Française, sur lequel
ironisait Pierre Bourdieu (oubliant heureusement
pour cette fois de démystifier) : non seulement
une bourgeoisie sans prolétariat mais une
démocratie sans peuple.
L’Europe telle qu’elle se fait y pourvoit pour
Guy Bois, chaque jour davantage. A l’image du
Cesar conquérant la Gaule vu par Brecht, elle a
dans chaque société pour ce faire, au moins un
cuisinier. N’aurait - on identifié avec lui que
ces trois personnages, le gaulois, Cesar et le
cuisinier que l’on n’aurait fait un grand pas.
Entre
Mondialisation Anti-mondialisation
une course de vitesse est engagée :
La mondialisation n’est pas inéluctable
!Guy Bois ne sépare pas l'analyse fondamentale
de l’urgence de repérer et renforcer les unités
de RESISTANCES possibles. Le mot n’est
pas indifférent il est revendiqué avec rigueur
et clarté comme prise de position à la fois
scientifique et politique. La référence est
explicite à Juin 1940 pour l’immensité des
enjeux et à la nécessité de nouvelles alliances,
sans rapport avec les schémas politiques
préexistants. Les résistances à la
mondialisation sont aussi multiformes que les
modalités de la servitude. Entre l’irréductible
rébellion de dignité personnelle de ceux qui
osent affronter le contrôle social de
l'épuration et du nivellement des pensées et des
passés qui ne pasent pas et les luttes
sociales collectives de la résistance économique
à la substituabilité et flexibilité
généralisées, il n’y a pas à choisir ; mais le
passage le plus obligé reste la mobilisation de
ces formes politiques irremplaçables que restent
les Etats-nations. Guy Bois insiste sur la
nécessité de discriminer dans les mouvements qui
s’avancent comme résistants, les composantes les
plus conséquentes face à la nécessité des
solidarités populaires sans lesquelles le
verbalisme et l’isolement activiste et gauchiste
sont souvent certains. C'est en leur sein que
peuvent encore se conjuguer des mémoires
historiques de liberté et d’audace,
transformatrice ou conservatoire
, et des re-surgissements de luttes de
classes capables d’étayer leurs acquis sur
les compromis garantis par des Etats. Malgré
l’inégalité des signes visibles, nulle part,
parmi les nations du monde, y compris celles de
l’Europe occidentale ou orientale, ne disparaît
vraiment cette immense légitimité ineffaçable du
droit des peuples à disposer d’eux-mêmes
dont la tentative de disqualification obstinée
par le haut depuis vingt ans se présente
comparativement comme une des plus stupéfiante
impostures de l’histoire, illustration extrême
du détachement des appareils politiques et
médiatiques à l'égard de leur propre société.
Ce combat silencieux immense et occulté des Je maintiendrai, du vouloir vivre des
peuples, doit être perçu et relevé là même où il
est dénié, chez les dépités chroniques mais
inconséquents qui passent à chaque vote des
pareils aux mêmes. C’est plus encore le sens
du retrait apparent, (ou du saut hors-jeu), des
multitudes populaires désormais majoritairement
non inscrites ou abstentionniste ou
réduite aux votes tribunitiens. Tous, - chaque
vote, chaque sondage, le redisent plus fortement
-, tous sont sans illusion sur les oligarchies
d'experts et de gendarmes de l'ordre mondial que
sont devenus leurs représentants politiques ou médiatiques. La pire erreur serait
pour Guy Bois, de les abandonner.
A l'heure ou un contradictoire
alter
mondialisme (en danger de se confiner dans
la contestation intellectuelle et le
voyage-manif-spectacle déjà ritualisé, souvent
lissé par des institutions), devient un objet
présentable par les media, Guy Bois maintient
clairement à la fois des concepts (mondialisation,
mondialisme) et un mot d'ordre
d'opposition anti-mondialiste. Les
indispensables, (qu'on ne se trompe pas sur
notre critique) surdiplômés d'Attac ont
désormais à leur disposition un instrument
décapant pour éprouver leurs positions et leurs
actions. Après ce livre, sans doute va t il
falloir clarifier, c’est à dire choisir des
voies politiques des alliances.
La
mondialisation de Guy Bois n'est pas
un phénomène récupérable. Il n'y a pas
d'alternative en son sein. Elle est par nature
la négation même de toute alternative. Un monde
qui, dirions nous dans un autre langage que le
sien, produit actuellement sa propre prédation
entropique par ce que, en se dé-différenciant,
il tend à réduire l'humanité à l'Un, la
nécessité unique le trépas.
La Pensée, Le marché ! L'Empire, L’Individu le
Globe ! Et, ce paradoxe monstrueux de l'unité
d'une fragmentation individualiste et/ou
ethnique irréductibles et de l'organicité d'une
espèce biologique massifiée.
Ce sont les sociétés humaines et,
ajouterions-nous humanisantes, non le
néant régressif d'une pseudo et entropique citoyenneté du monde qui maintiennent une
possibilité pour les hommes de faire encore un
peu peut-être, leur propre histoire. S'il n'y a
pas de résistance sérieuse hors de celles des
Sociétés-Etats et de la politique (non la gouvernance
qui entérine la chosification
des hommes administrés) qu'elles informent et
qu'elles induisent, résister c'est le contraire
de s'enfermer. C’est rester debout à tous les
niveaux de pratiques sociales. Ainsi écrit Guy
Bois le domaine le plus frappé ... (par
le naufrage de notre système d’enseignement et
de recherche) .... est celui des
universités... en une dizaine d’années, (elles
sont) devenues des champs clos où
s’affrontent des clientèles. Résister contre
la mondialisation, ce fut aussi à Nantes refuser
l’épuration disciplinaire des sciences sociales,
tombeau du rationalisme scientifique et de la
liberté de pensée. Résister, - et c’est encore
nous qui, ici de la Basse Loire de Nantes à
Saint-Nazaire, explicitons, - c'est clairement
refuser la mise à l'encan des Chantiers de
l'Atlantique, par Alstom multinationale
française (?). C’est appuyer tout pouvoir
politique qui refuserait vraiment l’injonction
« européenne » ( ?) du démantèlement. Résister
ce fut aussi ces derniers mois, et ce n’est pas
fini, participer à la plus grande mobilisation
de tous les temps donc inter - nationale
contre l’invasion et la colonisation
états-unienne de l’Irak. Ce fut au printemps
2003 évidemment s’inscrire solidairement dans la
révolte qui souleva la société française, moins
à l’appel de directions syndicales, d’évidence
déjà résignées après vingt ans d’abandons, mais
derrière l’exceptionnelle et également
historique, grève des professeurs maîtres
d'école et autres salariés d’une éducation
qu’on prétend ne plus devoir être nationale
et qui n’ont jamais autant été emblèmes
légitimes de toute une société. Ce mouvement
s’est noué sur un double mais inséparable enjeu.
Celui du cadre et du niveau d’égalisation au
plus haut niveau possible de la transmission des
connaissances et de la mémoire et corollairement
l’unité des statuts garantis de tous ceux qui
sont requis directement ou indirectement pour
cette transmission. Celui de la solidarité
organique des générations d’une société liant
son avenir et son passé dans la question des retraites. Ces deux marqueurs de
civilisation de la société française aboutis
entre l'apogée des Trente glorieuses et 1984
sont également menacés par les relais politiques
européens et français du nivellement mondial des
individus nains de marché. Les deux
composantes de nos alternants politiques
n’ont-ils pas ratifié ensemble l’accord de
Barcelone de mars 2002 sur l’allongement de la
durée des cotisations et l’imposition
universelle du recours aux fonds de pension,
c’est à dire, après la mercantilisation et la
précarisation des vies, cet achèvement,
l’asservissement financier des fins de vies
?
********************
Nous rêvons, ou plutôt nous ne
rêvons pas, voulons nous inscrire
dans un effort pour induire une résurgence
scientifique et critique des sciences sociales
(d’évidences si essoufflées et en manque de
grandes pensées ouvertes), autour de cette
réflexion si féconde en re-questionnements aussi
fondamentaux qu’exaltants. On conclura ici sur
deux ou trois réflexions qui, pour être dans
l’axe historique du laboratoire où nous
travaillons depuis si longtemps, ne nous en
paraissent pas moins constituer les linéaments
d’un programme universalisable. Une des
premières exigences serait d’en finir avec l’anti-peuplisme
théorique qui pèse si lourdement par ses
censures et ses propos verrouillés.
Une des premières tâches serait d’intégrer dans
la pensée des sociétés et des classes le constat
nécessaire de la scission, déjà adjugée pour
l’essentiel, des classes populaires et des
peuples à l’égard du mouvement du monde réduit à
celui de la mondialisation et de ses idéologues
modernisateurs. Une autre serait d’oser
regarder en face la question des modalités
actuelles de la souveraineté du peuple. Cela
reste la question même de l’avenir de la
démocratie qui devient insignifiante si l’on
prétend la séparer des peuples souverains.
L’équation imposée et abusive d’un peuple
immontrable et disqualifié justifiant une
oligarchie légitime fait le lit de la
décivilisation induite par un capitalisme qui ne
trouve plus en face de lui de sociétés et d’Etat
pour lui imposer un ordre social, seule modalité
possible d’un ordre humain.
La seconde tâche se déduit de la première mais
en l’englobant largement, puisqu’il s’agit de
refonder une culture du jeu démocratique, en
partant de la critique de l’existant déjà
engagée dans les pratiques
en avance sur les pensées établies : ce serait
avoir l’audace d’expliciter la caducité pour les
multitudes d’un clivage droite/Gauche qui n’a
strictement plus rien à dire sur la nouvelle
conjoncture du monde et qui en occulte les
enjeux. Ce serait élaborer, entre résistance
et progrès les analyses,
sinon d’une radicale opposition, en tout cas
d’une nouvelle interférence à construire
acceptant une nouvelle organicité de la
mobilisation des peuples à la fois
transformatrice et conservatoire
des acquis menacés de l’humanisation et des
conquêtes populaires et nationales, plutôt que
le bougisme prédateur, l’injonction
modernisatrice du mondialisme. Cette nouvelle
configuration permettant de dé-penser,
(penser à l’envers, disait I. Wallerstein il y a
dix ans au LERSCO), le politique et la
politique constitue une véritable révolution
culturelle pour les appareils, les militances
mais aussi de plus en plus les clientèles
décitoyennisées accrochées à l’ordre ancien qui
a engendré la soumission et le retour
différentialiste de l’inégalité devant la loi.
Cette nouveauté n’effraie cependant que les
oligarchies. Les multitudes populaires l’ont
pour l’essentiel déjà entérinée, comme en
témoignent, en France et dans tant d’autres
sociétés, à la fois leurs votes et leurs
abstentions. On l’a vu de multiples chercheurs,
sociologues, historiens, économistes ont déjà
intégré plus ou moins partiellement cette
nouvelle donne. A l’instar de la Sorbonne des
14ème et 15ème close
dans la vaine scholastique du nominalisme et du
réalisme, les flancs de l’Université
seraient-ils devenus trop étroits pour enfanter
les sociologues et anthropologues des sociétés
et des mondes de la mondialisation ? Nous
partageons le constat de Guy Bois. Peut-être un
peu moins son pessimisme ?
Anti-mondialistes
unissez-vous,
conclut l’éditeur
! Programme aussi audacieux que politiquement
incorrect si on le prend au mot, car il refuse
l’enfermement dans les camps politiques
dédifférenciés sur l’essentiel,
mais sans alternative non plus, invitation aussi
faite à la discipline historique à retrouver
certains questionnements délaissés. En gros
depuis la mort de Fernand Braudel, l’historien
qui voulait rester citoyen s’est souvent vu
sommer par des pairs abusifs d’abandonner ces
impossibles ou ces pathologies de la discipline
que seraient également devenues l’histoire
nationale et l’histoire générale du monde, mais
aussi l’histoire des luttes populaires qui
s’inscrivent dans ces deux unités humaines comme
dans ce qui fut l’idéal internationaliste, dont
le mondialisme n’est pas la réalisation mais
l’inversion. Les impasses historiques de la
mondialisation réelle n’imposent elles pas de
ré-interroger les impasses où la discipline
instituée de la science historique s’est souvent
elle-même même fourvoyée ? Il y a encore des
historiens pour çà. Il y faudrait aussi des
sociologues.
Jacky REAULT
(LESTAMP)
4 octobre 2003.
Février 1984 Vive la Crise. ! P.
RIMBERT, Eternelle pédagogie de la
soumission Il y a quinze ans, « Vive la
crise ! » Monde Diplomatique. Fév
1999
Travaux pratiques de la mondialisation,
la digestion du groupe français héritier
des inventeurs de l’aluminium Péchiney,
par l’américano-canadien Alcan laissera
un goût amer au salariat de ce groupe
traité en âmes mortes.
Laboratoire d’Etudes et Recherches
Sociologiques sur la Classe
ouvrière(CNRS) 1972 détruit en pleine
vie en 1996 par les représentants de la
Discipline dans les appareils d’Etat.
qui visent aujourd’hui son héritier
Lestamp.
Si voux acceptez le désordre
monétaire vous serez asservis.G B
cite Armand Rueff, l’économiste de
l’étalon or et de l’indépendance
nationale: En 1971 avec la désindexation
de l’or et du dollar Richard Nixon
enclenche le processus.
Braudel avait livré dans le Dossier de
l’Expansion, Deux siècles de
révolution industrielle, Pluriel
1983, son analyse de la crise d’après
1973 considérée par lui comme
singulière, et non banal moment
cyclique.G Bois inscrit sa crise
systémique (sans solution au sein
des mêmes structures), dans le même fil,
mais avec une moindre importance donnée
à l’interférence dégagée par Braudel
d’un moment dépressif de cycle
Kondratieff et d’un trend séculaire
long également baissier.
Nous en étions aussi. C’est la
mondialisation même, le souffle du 11
septembre 2001 et l’interdit induit d’y
parler de l’Amérique et d’Israël, qui a
scellé son déclin après l’éloignement de
son initiateur Philippe Cohen. qui avec
Pierre PEAN, vient de livrer le si
nécessaire : La face cachée du Monde.
Du contre-pouvoir aux abus de pouvoir.
Mille et Une nuits, 2003).
L’un
des plus jolis essais de penser du
grand cirque sociétal de l’après 21
Avril 2002 émane d’un auteur
irrécupérable pour des pensées en camp,
Philippe MURRAY, Le réel est reporté
à une date ultérieure. Tribune
libre, le Figaro 11,12 mai 2002. On lui
doit aussi ce chef d’œuvre Chers
djihadistes. Editions des Mille et
Une Nuits 2002.
Lire ce chef-d’œuvre de lucidité amère
mais non désespéré. StankoCerovic.
Dans les griffes des humanistes.
Climats 2001
S’il
ne renonce pas à l’héritageBraudelien (l’histoire
générale du monde et le temps
long des civilisations); pour le
plat de lentilles de l’’histoire (micro)
sociale, ou sociologisée, c’est à
dire coupée de l’espace-temps par les
bataillons disciplinaires.
C’est un point essentiel de démarcation
d’avec les tentatives libérales
de banalisation de l’actuelle crise du
monde dans un comparatisme négateur
d’histoire. Les héritiers de la
Fondation Saint Simon, championne du
peuple introouvable et du
mythe
du peuple, promotrice de l’exclu
contre le salarié nanti,
publient, en contre-feu de G. Bois, Notre première mondialisation.
Leçons d’un échec oublié. Seuil.
2002, livre par ailleurs savant et
réfutable de Suzanne BERGER.
Ce thème cher au merveilleux Pascal
QUIGNARD (Les ombres errantes,
Grasset 2002), n’est pas pris en compte
comme tel par Guy BOIS sauf
implicitement dans la dénonciation du
nihilisme des ex-progressistes
post-modernisés.
Nous
employons cette expression dans le sens
historiquement circonscrit au moment
historique des sociétés salariales
(BRENDER, AGLIETTA o. c.),
indépendamment de toute illusion sur ce
que fut le progressif de
l’évolutionnisme naïf dont Cl. MICHEA a
montré dans L’Impasse Adam Smith,
Climats 2002, la convergence
structurelle avec le délire libéral
et l’esprit même de la mondialisation.
Emmanuel
TODD, Après l’Empire Essai sur la
décomposition du système américain.
Gallimard 2002.
DUCLOS Denis, Le Monde Diplomatique,
Août 1998, page 16 ;
Une nouvelle classe
s’empare des leviers du pouvoir mondial,
Naissance de l'hyperbourgeoisie
C’est nous qui citons ici l’immense et
prophétique George ORWELL de 1984
.
C'est
d'ailleurs le point le plus crucial qui
oppose - désormais judiciairement
l'oligarchie du Monde (le quotidien) à
Philippe Cohen, initiateur de la
Fondation du 2 Mars, (ex. Marc Bloch)
qui entama la critique qu’achève Guy
Bois. Le coup de tonnerre du 21 avril
2002 a cependant contraint, en France,
les personnels politiques à infléchir
leur propos sinon leurs actes
politiques, dans le sens d’une référence
verbale nouvelle à la solidarité
nationale et populaire.
Le dur désir de durer
comme nation dans la mondialisation
qui pratique et proclame la table rase
générale n’est ni survivance nationaliste, ni maladie honteuse,
simplement le premier devoir et retour
aux sources du Printemps 1789. La
Bastille parisienne comme les chartiers
ruraux archivant les droits féodaux sont
investis au cri de Vive la Nation.
Honorant une Léonarde rappellons que
c’est la députation bretonne aux Etats
Généraux qui fonda le Club breton
bientôt rebaptisé Club des Jacobins.
Vive le Léon, terre des prêtres
peut-être, mais vivier de culture
démocratique aussi ce qu’avait déjà
souligné A Siegfried (Tableau
politique de la France de l’Ouest)
avec ses familles souches solides
inscrites dans l’éternité (relative) !
Un livre fondateur sur ce thème, Roger
DUPUY. La politique du peuple.
Racines, permanences et ambiguïtés du
populisme. Albin Michel 2002
révolutionne l’histoire et la sociologie
politiques. C’est la lecture nécessaire
après G Bois.
Nous définissons
le
populaire dans l’interférence
organique insécable, des trois
acceptions classiques du peuple, Classes populaires/ culture commune
transversale /Peuple
politique. Il a valeur
civilisationnelle, garant de la forme
société ?
Evenements
Nantes
Semaine
du 4 au 10 mars 2013

a la
Galerie
Atelier-Expo
14
rue Joseph Caillé
http://atelierexponantes.blogspot.fr/2013/01/mireille-petit-choubrac-exposition.html
,
se
déroulera l'exposition des
dessins, encres, gouaches,
fusains, de
Mireille Petit-Choubrac
qui a illustré le livre Edith
Piaf, la voix le geste
l'icône.. Paris, Le livredart (cliquer).
Le
vendredi 8
mars
lors du vernissage (18 h 30),
Laurent Danchin,
critique d'art,
animera à partir de 19 h
15
15 une table ronde
qui permettra à l'artiste, à
l'auteur,
Joëlle Deniot,
et à son préfacier,
Jacky Réault,
d'expliciter le sens et les
enjeux artistiques, sociologiques et
anthropologiques d'un tel
ouvrage.
Que signifie l'insertion
pérennisée dans une culture
populaire et commune française
comme universelle, de
la voix iconisée et des chanson
d'Edith Piaf ?
Quel est
le statut intellectuel d'un tel
ouvrage très singulier entre
sciences sociales revisitées et
culture commune ?
Un débat sera
ouvert avec la salle à l'issue
duquel la chanteuse
Violaine Guénec et
l'accordéoniste
Bertrand Bugel interpréteront
des chansons d'Edith Piaf. 
Colloque
Appel à communication
La normalité
Une réinterrogation
8° Eté du LESTAMP
à Nantes
27, 28, 29 JUIN 2013
Nantes Amphithéâtre Jules Vallès,
Espace Jacques Demy
Quai de la Fosse Tramway
Médiathèque
Consultez l'appel à communiquer
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